Passer à 25 jours de congé légaux en Belgique ? “C’est tout à fait irresponsable”
Le syndicat chrétien CSC propose de porter à 25 jours au lieu de 20 aujourd’hui le nombre de congés légaux en Belgique sur une année, rapporte L’Echo. La FEB s’oppose fermement à cette proposition.
La CSC lance un pavé dans la marre. Sa nouvelle revendication est d’augmenter le nombre de jours de congés légaux annuels. De 20 actuellement en Belgique, le syndicat chrétien désire le faire passer à 25, soit cinq semaines au lieu de quatre, rapporte le site de l’Echo. À un an des élections, le syndicat invite les partis politiques à prendre le sujet à bras-le-corps.
Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, justifie ce changement par une question de qualité de vie. “Cela vise à renforcer la qualité du temps passé en dehors du travail, qui est aussi importante que la qualité du temps qu’on passe au travail. Depuis le choc pétrolier dans les années 70, on a beaucoup pressé les gens, le discours dominant a été qu’il fallait augmenter la productivité. Mais aujourd’hui, la réalité du monde du travail, c’est aussi la gestion des 1001 aléas de la vie. Cela répond à une préoccupation majeure de notre époque, qui est l’aspiration profonde à un temps de qualité, choisi.”
Cela répond à une préoccupation majeure de notre époque, qui est l’aspiration profonde à un temps de qualité, choisi.”
Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC
L’idée est aussi de permettre plus d’équité dans les possibilités de prendre des congés, argumente le syndicat. Les congés thématiques (congés parentaux, crédit-temps), en forte hausse ces dernières années sont en effet limités à une certaine catégorie de travailleurs qui voient en outre leurs revenus diminuer. Ces dispositifs sont aussi limités dans le temps et passent obligatoirement par une demande de l’employeur. “Avec notre proposition d’augmenter le nombre de jours de congés légaux, on retrouve des balises communes à l’ensemble du monde du travail, c’est important », vante Marie-Hélène Ska, cité par le quotidien économique.
Un travailleur sur deux n’a pas plus de vingt jours de congé par an
La moitié des travailleurs belges a vingt jours de congés stricts par an, constate encore Marie-Hélène Ska. “Poser des jours de congés, c’est une liberté que beaucoup de gens n’ont pas. Une partie des travailleurs sont obligés de les prendre au moment de la fermeture annuelle de l’entreprise ».
La Belgique est l’un des pays d’Europe offrant le moins de congés légaux à ses travailleurs. En France, en Danemark ou en Autriche, le minimum légal de jours de congé est fixé à 25. Au Royaume-Uni, ce nombre monte à 28 (mais seulement 8 jours fériés). La palme revient à l’Estonie, selon les données de la CSC, le pays offre 28 jours légaux à ses employés (et 12 jours fériés).
Mais, dans les faits, les travailleurs belges ont généralement plus que 20 congés légaux et 10 fériés par an. Ils peuvent en effet bénéficier de jours supplémentaires ou d’ancienneté négociés via des accords sectoriels.
« Un coût énorme pour les entreprises »
Monica De Jonghe, directrice générale de la FEB, réagit à chaud à la proposition de la CSC, qui la prend, dit-elle, “par surprise”. « Un jour férié légal supplémentaire au niveau national, c’est tout à fait irresponsable. Cela aurait un coût énorme pour les entreprises », déclare-t-elle à Trends Tendances. Pour la FEB, ajouter des jours de congés légaux supplémentaires est aussi synonyme d’une plus grande charge de travail dans les entreprises. «Une telle proposition est tout à fait irréaliste dans le situation économique difficile actuelle», avance-t-elle.
« Il faut garder un équilibre et laisser la marge de manœuvre aux entreprises de décider en interne de leur politique de congé au lieu de l’imposer au niveau national », est d’avis Monica De Jonghe, arguant que la Belgique est le pays d’Europe qui propose le plus grand éventail d’aménagements horaires, que ce soit via les congés parentaux, les crédits-temps,…« Travailler à 1/5 est un droit pour l’employé », rappelle-t-elle. Ajoutant qu’au niveau sectoriel, il existe de nombreuses possibilités d’offrir des jours de congé extra-légaux supplémentaires aux employés. La directrice de la FEB prend l’exemple du secteur bancaire dont les employés ont de nombreux jours de congé. L’ancienneté peut aussi permettre d’engranger des congés supplémentaires.
L’impasse du 8 mai
Dans le même genre d’idée liée aux congés, plusieurs organisations et partis politiques plaident pour que le 8 mai redevienne un jour férié, comme c’est le cas en France. Ils évoquent un « devoir de mémoire » pour lutter contre l’extrême droite. Mais les coûts salariaux qu’engendrerait ce onzième jour férié rémunéré freinent aussi le patronat.
Pour les défenseurs des travailleurs, l’introduction d’un jour férié rémunéré supplémentaire constituerait un « beau geste », au regard des efforts consentis par les travailleurs afin de continuer « à faire tourner nos entreprises et l’économie », notamment durant la crise du coronavirus. En outre, cette disposition permettrait de « combler le retard de la Belgique en matière de jours fériés » par rapport à ses pays voisins. Avec 10 jours fériés chômés annuels, la Belgique fait en effet bien moins que la moyenne européenne.
Du côté des employeurs, on s’inquiète du prix à payer, expliquaient récemment nos collègues du Vif. L’accord de gouvernement prévoit que ce congé puisse être octroyé « sans coût budgétaire supplémentaire ». Entendre : « sans coût supplémentaire pour l’Etat ». Les entreprises, elles, devront payer l’addition. Selon des calculs réalisés par les employeurs siégeant au Conseil National du Travail (CNT), l’introduction d’un onzième jour férié légal entraînerait une augmentation du coût salarial horaire de 0,45 %. Dans un contexte d’inflation généralisée et d’explosion des coûts salariaux liée à l’indexation automatique, c’est le refus total pour les entreprises. « Nous ne nous opposons pas à faire du 8 mai un jour férié s’il remplace un férié existant. Mais le nombre de jours fériés légaux doit rester inchangé », tranche Pieter Timmermans, administrateur-délégué de la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB).
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