Une “tempête parfaite” menace le logement abordable
Notre pays occupe la première place dans le sous-classement des logements abordables du nouveau Deloitte Property Index. Mais les spécialistes belges de l’immobilier de Deloitte nuancent cette belle performance et mettent même en garde contre une tempête parfaite sur notre marché du logement.
Le Deloitte Property Index compare les marchés résidentiels de 27 pays. Dans l’ensemble, Deloitte constate que les prix des logements neufs sont en hausse (en 2022). Israël apparaît dans l’indice comme le pays le plus cher pour les nouvelles constructions avec un prix de 5701 euros/m². Suivent l’Autriche (4925 euros/m²) et l’Allemagne (4800 euros/m²). La France (4639 euros/m²) et la Norvège (4204 euros/m²) complètent le top 5 des pays les plus chers.
En Belgique, le prix moyen d’un logement neuf a augmenté de 8 % pour atteindre 3102 euros/m², ce qui place notre pays en milieu de classement. Les prix moyens les plus bas pour les nouvelles constructions ont été enregistrés en Bosnie-Herzégovine (1237 euros/m²).
Impôts élevées
Il est intéressant de noter que la Belgique se situe tout en haut du classement de l’accessibilité des logements (à l’achat). Deloitte calcule l’accessibilité comme le nombre de salaires annuels bruts moyens nécessaires pour acheter une nouvelle maison standardisée d’une taille moyenne de 70 mètres carrés. En Belgique, il faut 4,3 salaires annuels bruts, soit un peu mieux qu’en Norvège où il faut 4,7 salaires annuels. La Slovaquie est le pays le moins abordable. En moyenne, les Slovaques ont besoin de 14,1 salaires annuels bruts pour acheter une nouvelle maison.
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Danny Stas, Real Estate Lead chez Deloitte Belgique, se rend compte que ce bon score va à l’encontre du sentiment qui règne sur le marché immobilier belge. “Dans cette étude, nous avons choisi de mesurer et de comparer l’accessibilité sur la base des salaires bruts”, explique-t-il. “Cela donne une image quelque peu déformée de notre pays. Les salaires bruts sont assez élevés dans notre pays, en partie en raison de l’indexation automatique, mais cela est également compensé par une charge fiscale élevée. Si l’on tient compte de ces éléments, notre pays se situerait dans la moyenne”.
Son collègue Frédéric Sohet, sector partner Real Estate chez Deloitte Belgique, souligne également que le prix des nouvelles constructions a fortement augmenté dans notre pays. “Cela est dû en partie à des coûts de financement plus élevés et à des normes de durabilité plus strictes, mais les coûts de construction ont également énormément augmenté. Pendant des années, dans les études de faisabilité, nous avions l’habitude de calculer un prix de construction de 1.250 euros par mètre carré. En l’espace d’un an, ce prix est passé entre 1.750 et 2.000 euros, et nous ne nous attendons pas à ce qu’il baisse. Cela a un impact important”.
Selon Danny Stas, il s’agit même d’une “tempête parfaite” et il y a donc “une très grande inquiétude dans le secteur de la construction et de l’immobilier aujourd’hui à propos de l’abordabilité”. Car sur le plan spatial – il fait référence au “bouwshift” (loi flamande qui veut qu’en 2040 on ne puisse plus que construire sur des terres déjà occupées, des plans similaires devraient voir le jour en Wallonie) et à l’habitat groupé en milieu rural – nous sommes également confrontés à des défis majeurs. “En outre, la fiscalité n’aide pas vraiment”, explique Stas. “Pensez au récent débat sur la suppression du taux de TVA avantageux pour les entreprises de construction.”
Lenteur de la procédure d’octroi des permis
L’indice immobilier révèle un autre problème belge : peu de nouveaux logements sont construits dans notre pays. La tendance est à la baisse, ce qui fait de la Belgique une exception en Europe. En fait, la baisse (-5,7 %) est la plus importante de tous les pays inclus dans l’indice immobilier.
Danny Stas critique la politique des permis : “Avant que les promoteurs ne demandent un permis, ils ont déjà dû passer par toute une série d’étapes pour vérifier si leur projet peut être réalisé. C’est un processus très lent et très coûteux. Et lorsque le permis est délivré, les possibilités de déposer une plainte sont nombreuses. Si l’on cumule les deux processus, nous sommes très mal classés par rapport aux autres pays européens”.
Sohet et Stas plaident en faveur d’une vision holistique du logement abordable. “Si nous voulons que le logement abordable reste une priorité, les secteurs public et privé doivent travailler ensemble”, plaide Danny Stas. “Et nous devrons prendre des initiatives dans de nombreux domaines : de la mobilité à la durabilité en passant par la politique d’octroi de licences et le financement.”
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