Immobilier: des perspectives favorables malgré les taux
Que nous réservent l’immobilier et les actions immobilières en 2022? Les spécialistes sont globalement confiants mais soulignent qu’il est plus que jamais indispensable d’investir de façon sélective.
Depuis le début de la pandémie, les prix des logements ont connu un emballement dans de nombreux pays: +14% aux Etats-Unis, +9% en Belgique. Mais tous les segments immobiliers n’ont pas été à la fête, le commercial ayant particulièrement souffert. Les reports et annulations de loyers ainsi que l’accélération du développement de l’e-commerce ont en effet lourdement pesé. Résultat, en Bourse, “l’indice FTSE EPRA Euro des immobilières commerciales a chuté de 45% depuis début 2020 tandis que l’indice des valeurs liées à la logistique a rebondi de 65%”, précise Damien Grulier, président et cofondateur du gestionnaire Sepiam.
Cette segmentation devrait se poursuivre, selon Herman van der Loos, equity analyst de Degroof Petercam. “Nous croyons que le retour à la normale, d’un point de vue économique, va se poursuivre. Mais certaines tendances exacerbées par la pandémie vont perdurer. Le télétravail devrait sans doute vraiment rentrer dans les moeurs, ne fût-ce qu’un ou deux jours par semaine pour les emplois qui s’y prêtent.”
Au niveau de l’immobilier commercial, “certains loyers et rendements historiquement élevés ne sont pas tenables à terme”, poursuit Pascale Nachtergaele, gestionnaire de fonds d’actions chez Nagelmackers. Celle-ci pointe toutefois que “l’immobilier logistique profite de l’énorme progression du commerce électronique depuis le début de la crise sanitaire”.
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Des taux pas si inquiétants
Outre cette segmentation, l’autre sujet inquiétant les investisseurs est l’impact de la récente remontée des taux. D’autant qu’elle pourrait se poursuivre en 2022, la Réserve fédérale américaine devant progressivement normaliser sa politique monétaire. Pascale Nachtergaele se montre toutefois rassurante. Selon elle, “les fondamentaux de l’immobilier ne seront pas affectés par une hausse limitée des taux d’intérêt, et ce pour trois raisons. D’abord, la valorisation des actifs immobiliers ne sera pas réduite, les évaluateurs externes se basant sur des taux plus élevés dans leurs modèles. Ensuite, le coût de financement n’aura pas un impact majeur car la plupart des sociétés immobilières ont refinancé leurs dettes à long terme. Enfin, si la hausse des taux d’intérêt est due à l’inflation, l’indexation fera augmenter les revenus locatifs.”
Une “envolée soudaine des taux d’intérêt à court terme constitue certes un risque pour le secteur, tout comme une récession économique, mais ce n’est pas notre scénario de base” ponctue la spécialiste.
Il est indispensable de rester sélectif en appliquant des critères pertinents.”
Damien Grulier (Sepiam)
Confimation chez Zsolt Kohalmi, global head of real estate et co-CEO de Pictet Alternative Advisors. En cas de forte hausse des taux et de baisse généralisée des marchés, “aucun actif, y compris l’immobilier, ne serait de fait à l’abri, atteste-t-il. Toutefois, dans un tel cas, nous nous attendons à ce que l’immobilier s’en sorte mieux (ou moins mal, Ndlr) que de nombreuses autres classes.”
Une surperformance relative que le spécialiste de Pictet épingle notamment par le rôle de l’immobilier sur les marchés des placements. “Avec la pression accrue de l’inflation qui pourrait revenir, nous nous attendons à ce que l’immobilier devienne probablement encore plus populaire. En effet, les investisseurs se tournent traditionnellement vers les actifs réels, dont l’immobilier, pour se protéger des pressions inflationnistes.”
Bref, “ce secteur continue de mériter une place dans chaque portefeuille, estime Pascale Nachtergaele. Un investissement immobilier permet de diversifier le portefeuille et le rendement récurrent en dividendes demeure attractif: 3,3% brut pour l’immobilier de la zone euro contre -0,2% pour un Bund allemand de long terme”.
La logistique en avant
Damien Grulier souligne toutefois qu’il est indispensable de “rester sélectif en appliquant des critères pertinents. On a vu durant la crise récente que le rendement de dividende ou la décote (par rapport à la valeur intrinsèque) des métriques couramment utilisées par les gérants immobiliers pour leur choix de titres ont été contre-productives pour prévoir la trajectoire future du cours d’une immobilière en Bourse. Chez Sepiam, nous nous focalisons sur la volatilité (réduite) des bénéfices, la croissance des révisions bénéficiaires, une valorisation raisonnable au vu de la croissance, la capacité à générer des surprises positives, la qualité du management…”
Pour Herman van der Loos, “le principal facteur de profit reste la croissance des portefeuilles pour les sociétés ayant démontré leur capacité à investir dans des biens offrant un rendement bien supérieur à leur coût de financement”. Ces sociétés parviennent à financer leurs fonds propres “en émettant des actions avec une prime par rapport à leur valeur intrinsèque, ce qui engendre un cercle vertueux, selon l’analyste de Degroof Petercam. Les émissions avec une prime financent plus de croissance, ce qui justifie une prime plus élevée”.
L’immobilier continue de mériter une place dans chaque portefeuille.”
Pascale Nachtergaele (Nagelmackers)
Avec WDP aujourd’hui membre du Bel20, VGP, Shurgard, Argan en France ou Prologis aux Etats-Unis, le segment logistique s’est particulièrement illustré ces dernières années. Et ce n’est pas fini, selon les spécialistes que nous avons interrogés. Zsolt Kohalmi, de Pictet, souligne tout particulièrement l’impact du développement de l’e-commerce. “Pour chaque milliard de dollars de ventes réalisées en ligne, environ 120.000 m2 de nouveaux espaces logistiques sont nécessaires”. Au total, “le groupe de conseil en immobilier d’entreprise CBRE estime que 28 millions de m2 d’espace logistique seront nécessaires en Europe au cours de la période 2021-2025, rien que pour l’e-commerce”, complète Pascale Nachtergaele.
En termes d’opportunités dans le segment logistique, la gérante de fonds de Nagelmackers retient tout particulièrement “l’acteur français de la logistique Argan, qui est aussi une cible potentielle de rachat”.
De manière générale, les immobilières actives dans ce segment profitent d’un taux d’occupation particulièrement élevé, avec des perspectives favorables en ce qui concerne les loyers.
En Belgique, Intervest Offices fait partie des rares valeurs actives dans l’immobilier logistique à ne pas encore avoir véritablement décollé. Son développement intensif dans la logistique, qui représente aujourd’hui 65% de son portefeuille, est, il est vrai, assez récent. Le titre affiche ainsi toujours un rendement de dividende brut de 5,6% (3,9% net).
Santé en croissance, bureau en délicatesse
Quid de l’immobilier de santé? En vue depuis de nombreuses années sur Euronext Bruxelles (Aedifica, Care Property Invest, Cofinimmo), “il continue d’offrir des perspectives de croissance intéressantes à long terme sur fond de vieillissement de la population”, explique Pascale Nachtergaele. Au début de la crise du coronavirus, un vent de panique a soufflé sur ce segment, car le marché craignait que les opérateurs (maisons de repos, cliniques, Ndlr) ne rencontrent des problèmes financiers en raison de la baisse des taux d’occupation. Mais jusqu’à présent, ces risques ne se sont pas concrétisés.”
Herman van der Loos estime ainsi que l’immobilier de santé continue d’afficher “un rapport risque/rendement favorable grâce notamment à une demande sous-jacente élevée”. Pour les investisseurs belges, ce segment présente aussi un intérêt fiscal, les dividendes d’Aedifica et de Care Proprerty Invest ne subissant qu’un précompte de 15%. Cela ne sera toutefois pas le cas de Cofinimmo dont les coupons resteront précomptés à 30%. Le gouvernement a en effet décidé de relever le seuil d’investissement dans l’immobilier de santé pour le précompte réduit de 60% à 80%.
Troisième segment assez largement plébiscité: l’immobilier résidentiel. Les raisons? “Peu de risque et demande sous-jacente élevée”, “les investisseurs cherchent à améliorer la qualité de leur habitat”, “toutes les grandes villes connaissent une pénurie de logements abordables”, souligne Pascale Nachtergaele. La gestionnaire épingle tout particulièrement le marché allemand, le plus important pour le segment résidentiel. “L’inconstitutionnalité du gel des loyers à Berlin, les résultats des élections fédérales en Allemagne et l’offre du géant de Vonovia pour son concurrent Deutsche Wohnen ont considérablement réduit le risque politique.” Vonovia fait ainsi partie des sociétés immobilières favorites de Nagelmackers.
L’immobilier commercial et de bureau suscite logiquement plus de méfiance. Cependant, l’investisseur peut profiter de certaines opportunités selon Herman van Der Loos. Il cible notamment les commerces de périphéries, moins affectés par la crise car moins dépendants du shopping plaisir, et les bureaux modernes adaptés aux changements d’habitudes dans le monde du travail.
La ressources des fonds
Plutôt que choisir vous-même des actions immobilières, vous pouvez également opter pour un fonds. Selon Damien Grulier, ce choix présente plusieurs avantages. D’une part, “vous diversifiez géographiquement vos investissements, ce qui est plus que nécessaire au vu de l’impact récente des décisions réglementaires et politiques: limitation des loyers en Allemagne, fermeture des centres commerciaux en France…”. D’autre part, “le client final ne subit pas le double précompte sur les dividendes de sociétés étrangères en investissant, par exemple, dans notre fonds MS Real Estate, que nous gérons pour OneLife”.
Parmi les autres fonds capitalisant ainsi les dividendes, DPAM Invest Real Estate Europe Dividend Sustainable B obtient une des meilleures notes de Morningstar (quatre étoiles, code ISIN BE6213829094, rendement annualisé de 11,54% sur 10 ans) parmi les fonds européens. Au niveau mondial, l’agence recommande le fonds Axa World Funds Framlington Global Real Estate Securities A (quatre étoiles, ISIN LU0266012235, rendement annualisé de 10,34% sur 10 ans).
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