Livraisons de colis: la gratuité n’existe pas
Les livraisons gratuites et les frais de port offerts sont actuellement le fer de lance du commerce électronique. Les livreurs, sous-payés à la base, deviennent ainsi un sous-produit de la concurrence féroce que se livrent les boutiques en ligne et les grandes plateformes d’e-commerce.
La gratuité de la livraison est toujours un leurre car nous devons bien nous rendre compte qu’au final quelqu’un finit toujours par payer la facture. Dans le commerce électronique, cependant, les consommateurs ne semblent pas y prêter attention. Ils se plaisent à croire que leurs colis vont être livrés à leur domicile sans frais supplémentaires, et ils l’exigent. Or cette exigence exerce une pression sur le modèle économique des entreprises de services postaux et de distributions de colis.
Les récents rapports de l’inspection sociale chez PostNL, GLS et DPD illustrent comment cette concurrence effrénée affecte finalement la main-d’oeuvre. En tant qu’entreprise publique, le leader du marché, bpost doit respecter les obligations du contrat de gestion, mais ses concurrents utilisent des livreurs indépendants pour maintenir le coût de la main-d’oeuvre à un niveau raisonnable bas. Mais apparemment, cela conduit à des excès ici et là.
Très peu de transparence
Lorsque les produits sont annoncés avec une livraison gratuite, les frais de port sont généralement inclus dans le prix. Parfois, il y a un prix dérisoire pour la livraison, mais celui-ci ne reflète pas le coût réel.
Mais combien coûte alors la livraison d’un colis ? En divisant le chiffre d’affaires par le volume de l’ensemble des prestataires de livraison, le régulateur du marché, l’IBPT, a calculé qu’en 2020, le tarif moyen par colis ne s’élève qu’à 5,5 euros (et cela pour tout opérateurs, formats et destinations confondus). Ce calcul ne fait donc aucune distinction entre les tarifs à l’unité pour les petits utilisateurs et les tarifs en gros pour les clients professionnels. Dans ce dernier segment, des rabais s’appliquent quand les quantités sont considérables.
Les sociétés de livraisons préfèrent ne pas dévoiler comment elles déterminent leurs prix. Elles considèrent que les tarifs compétitifs font partie du jeu pour obtenir plus de parts de marché. Il n’y a donc pas beaucoup de transparence sur les coûts réels des services logistiques dans le secteur du commerce électronique.
Si un site web indique les frais de livraison qui seront facturés au consommateur, souvent ces frais de livraison sont bien différents que ceux négociés avec les livreurs et facturés aux détaillants en ligne. Un rapport de KPMG datant de 2017 souligne : “Bien que les livreurs de colis considèrent que les tarifs sont transparents, du côté de la demande, ce n’est pas le cas. Cela crée une fausse perception des coûts de livraison chez le consommateur final.”
Les sociétés de livraisons préfèrent ne pas dévoiler comment elles déterminent leurs prix.
Ce manque de transparence pose question, car si, à première vue, les livreurs de colis tentent de se différencier les uns des autres par des livraisons rapides et un service le dimanche, par exemple, il s’avère (selon le rapport de KPMG) que seul le tarif est le facteur décisif pour le client final.
Bien que l’IBPT n’ait pas de vue d’ensemble sur les tarifs des gros volumes dans le commerce électronique, le comparateur de tarifs, que le régulateur tient à jour, montre des différences de prix. Le tarif pour un envoi commun de 2 kilogrammes en Europe varie entre 5,6 et 32 euros. Mais cela ne dit pas grand-chose sur les tarifs négociés dans le segment business-to-business.
Les facteurs qui influencent cette situation sont les suivants :
- le volume de paquets qu’un magasin en ligne envoie par l’intermédiaire d’un transporteur de colis,
- les dimensions,
- le poids et
- la valeur économique d’un colis.
Les envois internationaux et express ont tendance à coûter plus chers, tout comme un colis qui nécessite l’intervention de plusieurs livreurs avant d’arriver à sa destination finale.
Concentration du marché
Fin octobre, l’IBPT a publié des chiffres sur l’évolution du marché belge des services postaux courrier et colis pendant la pandémie. Ils montrent une très nette augmentation du pourcentage des colis au détriment du courrier. En 2010, le courrier représentait encore environ 74%. En 2020, année de la pandémie, cette proportion était d’à peine 38%. Le segment des colis, quant à lui, a triplé en dix ans pour atteindre 62% du marché postal.
Le secteur postal dans son ensemble continue de croître et dépasse déjà les 3 milliards. En 2020, cette croissance était également quatre fois plus élevée environ qu’un an auparavant. Et ce grâce aux progrès remarquables du commerce électronique, conclut l’IBPT. Par exemple, entre 2010 et 2020, le nombre de colis envoyés annuellement est passé de 72 millions en 2010 à 336 millions en 2020. La dernière année montre même une augmentation record de 44,5%, entre 2019 et 2020. Concrètement, le nombre de colis envoyés par habitant a plus que quadruplé en dix ans pour atteindre 29,2 colis par an, ce qui revient à un colis ou un express tous les 12,5 jours.
Le marché postal en Belgique compte une douzaine d’acteurs, mais reste néanmoins très concentré. Au cours de la dernière décennie, bpost a vu sa primauté décliner, passant d’une part de marché de 70% à un peu plus de 50%. Les quatre principaux prestataires (bpost, UPS, DPD et DHL Express) détiennent 81,6% du secteur postal en termes de chiffre d’affaires. Si l’on ne prend que le segment des colis et des livraisons, bpost détient la plus grande part de marché, tant en termes de chiffre d’affaires que de volume. Sur la base du chiffre d’affaires, bpost, UPS et DPD détiennent ensemble une part de marché d’environ 60%. DHL Express, PostNL, GLS ont chacun plus de 5%. Les autres opérateurs ont une part de marché inférieure à 5 %.
En termes de volume, la situation est différente. Bpost détient la plus grande part de marché avec plus de 35%, mais est suivi par DPD, PostNL et UPS, qui détiennent chacun plus de 10% de parts de marché. GLS envoie 5 à 10% des colis et les autres acteurs restent en dessous de 5%.
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