Frédéric Deslypere (Sibelco): “Je fais aussi office d’antennes pour le CEO”

Frédéric Deslypere, CFO de Sibelco.
Frédéric Deslypere, CFO de Sibelco. © D.R.
Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

Frédéric Deslypere est CFO de Sibelco depuis 2022. Cette entreprise belge est un des leaders mondiaux dans des minéraux comme le sable de quartz pour l’industrie des semi-conducteurs, mais sa rentabilité s’était nettement détériorée ces dernières années. Sous la conduite du CEO Hilmar Rode, Sibelco travaille aujourd’hui à une restructuration de ses activités afin de préserver ses perspectives de croissance.

Aujourd’hui, l’accent de Sibelco se déplace vers des activités dans lesquelles le groupe devance la concurrence. Une politique tarifaire affûtée doit également permettre de mieux tirer profit de la valeur de son assortiment de produits. L’entreprise a récolté les premiers fruits de cette stratégie l’an dernier : grâce à des hausses des prix et à un meilleur mix de produits, le chiffre d’affaires a gagné 20% et les cash-flows opérationnels ont bondi de 25%.

Frédéric Deslypere, CFO de Sibelco : « 2022 était encore une année de transition. Mais nous avons gardé les coûts sous contrôle. La mission première du département Finance consiste cependant à fournir des analyses de qualité au management. Sibelco propose des produits performants, mais il faut également oser les vendre à leur juste prix. Aujourd’hui, nous appliquons cette discipline tarifaire de manière plus cohérente. »

D’Eternit à Etex

En qualité de CFO, Frédéric Deslypere s’érige également en gardien de l’exécution de la stratégie. « Je fais office de radar ou d’antennes pour notre CEO, Hilmar Rode. Nous nous réunissons souvent à deux. Parfois, il me suit ; parfois pas. Le management n’est pas une science exacte. Il s’agit de bien évaluer les risques et les opportunités. »

Frédéric Deslypere a un profil atypique pour un CFO. « Je suis avocat de formation. J’ai étudié le droit à la VUB et j’ai commencé ma carrière dans un grand cabinet aux Etats-Unis et en Belgique. J’ai bifurqué vers le secteur de l‘industrie parce que je voulais découvrir tous les aspects du processus décisionnel des entreprises », explique Frédéric Deslypere, entré comme conseiller juridique au sein du groupe de matériaux de construction Eternit en 1992. « A la fin des années 1990, j’ai été envoyé en Allemagne. La fin du boom immobilier qui a suivi la réunification du pays avait placé la division locale du groupe dans une situation délicate. Ce fut ma première restructuration comme CFO : nous devions réduire la voilure, passer de 2.000 à 700 salariés. Je n’en suis pas très fier… Mais cet épisode a un peu été mon MBA de CFO. Il fallait discuter avec les syndicats et les travailleurs, cela fait aussi partie du métier. Cet aspect humain de la gestion d’entreprise a donc également été une grande leçon. J’ai commis des erreurs, mais j’en ai tiré de nombreux enseignements. »

En 2003, Frédéric Deslypere fait son entrée au comité de direction du groupe – rebaptisé Etex. La société était alors engluée dans la crise de l’amiante. « Une période difficile. Il fallait régler de nombreux litiges. En tant qu’entreprise, nous étions également confrontés à une question éthique importante. Des gens mouraient en raison des produits à base d’amiante que nous avions fabriqués par le passé, y compris dans nos propres bureaux. Notre réponse a été de reconnaître le problème et d’indemniser. Mais nous étions également envahis par un grand sentiment d’impuissance, parce qu’il nous était impossible de revenir en arrière », reconnaît Frédéric Deslypere.

En septembre 2008, Frédéric Deslypere est nommé CFO d’Etex en pleine crise bancaire. « Certains fournisseurs de crédits étrangers en quête de liquidités nous ont coupé des lignes de crédit. Dans une telle situation, regagner la confiance des banques alors que l’entreprise est impliquée dans plusieurs litiges pour son passé industriel n’est pas facile. Mais nous y sommes parvenus, au point qu’en 2011, nous avons décroché un prêt de 1 milliard d’euros pour racheter la division Plâtre de Lafarge. »

En 2013, Frédéric Deslypere se voit confier les activités latino-américaines d’Etex. « Je gérais une entreprise de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires et de 5.000 travailleurs. Mais les relations avec le management d’Etex se sont diluées et nous avons mis un terme à la collaboration fin 2016. Subitement, j’avais disparu des radars. Ce n’est pas une expérience agréable, mais c’est utile pour élargir son horizon. »

Equipe de 10 personnes

Par hasard, Knauf Insulation, une division du groupe allemand Knauf, était à ce moment à la recherche d’un CFO. « Knauf est une entreprise familiale très performante sur le plan commercial. Avec le CEO, j’ai pu développer les activités, aidé par la haute conjoncture dans la construction entre 2016 et 2021 », poursuit Frédéric Deslypere.

Puis en 2021, un téléphone sonne : un chasseur de têtes lui offre de devenir CFO de Sibelco… Frédéric Deslypere s’y est constitué une équipe de 10 personnes. « Je n’avais pas le choix, il n’y avait aucune structure claire au niveau du groupe. Impossible de réorienter une entreprise si on ne dispose pas d’une équipe à même d’exécuter les décisions. Cette structure présente encore des lacunes, mais nous y travaillons. Dès que tout sera sur pied, nous pourrons automatiser toute une série de tâches. Nous planchons également sur l’ancrage de la restructuration. Si l’on n’y prête pas attention, on retombe rapidement dans de vieilles habitudes… »

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