Relever le taux du livret, oui, mais comment?

Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Plusieurs propositions de loi fixant un taux d’intérêt minimum sur le compte d’épargne sont en discussion au parlement. Si  le secteur bancaire est contre, des hausses de taux semblent néanmoins possibles. Reste à voir comment.

Taux minimum obligatoire, suppression de la prime de fidélité, exonération fiscale générale sur tous les produits de placement, davantage de mobilité bancaire… Les idées se sont bousculées mercredi en commission des Finances de la Chambre, chargée d’examiner plusieurs propositions de loi visant à relever le taux des comptes d’épargne réglementé. Celle faite voici quelques jours par Testachats qui prévoit un taux unique, sans prime de fidélité, valant sur un montant maximum à déterminer ; celle d’Ecolo voulant protéger les premiers 10.000 euros épargnés avec un taux qui serait calqué sur celui des obligations belges (OLO) à dix ans ; etc.

Une “fake news”

Interrogé par les parlementaires sur la faisabilité de ces propositions, la fédération des banques (Febelfin) a fait valoir par la voix de son directeur général Karel Baert que “93 % de l’épargne étaient réinvestis dans l’économie” et que “l’affirmation selon laquelle les banques parquent cet argent à la BCE et s’enrichissent ainsi en dormant est un mythe”, voire “une fake news”.

Il a également rappelé que toutes les banques n’étaient pas logées à la même enseigne. Selon Febelfin, une approche systématique et automatisée serait dangereuse pour les petites banques voire pour la stabilité du secteur financier dans son ensemble. Car rehausser la rémunération du livret porterait sur la totalité du “stock” de dépôts (300 milliards d’euros) alors que l’augmentation des taux d’intérêt reçus porte sur les nouveaux prêts bancaires et pas sur ceux consentis lorsque les taux étaient encore bas.

Pas de “one-size-fits-all”

En face, le professeur Eric Dor (IESEG), qui figurait également parmi les experts auditionnés par les parlementaires (aux côtés de Febelfin, de Testachats, de la petite banque vdk, de Financité et du professeur de finance de la KULeuven Hans Degryse) a montré que la Belgique était un pays où les taux sur l’épargne étaient parmi les plus bas (0,43 % en moyenne sur les dépôts d’épargne). De même que les taux sur les prêts hypothécaires le sont également (3,64 % en moyenne sur les nouveaux prêts et 1,94 % en moyenne sur les anciens prêts).

Il estime cependant que des hausses de taux d’intérêt sur les dépôts d’épargne sont possibles, tout en reconnaissant que le secteur bancaire est effectivement extrêmement hétérogène, comme le souligne Febelfin :  “Pour les grosses banques (BNP Paribas Fortis, Belfius, KBC et ING, ndlr), les dépôts d’épargne, bien qu’importants, ne constituent qu’une petite partie de leur financement, alors que ce n’est pas le cas pour les plus petites banques dont le bilan en dépend fortement (Crelan, Axa Banque, ndlr).” Traduction : augmenter la rémunération du livret d’épargne leur coûte plus cher. Et donc, pas solution one-size-fits-all. En effet, “il est possible qu’augmenter autoritairement le taux sur l’ensemble des dépôts d’épargne puisse représenter à court terme un choc trop important sur quelques petites banques alors que ce serait très facilement supportable par les grandes banques. Néanmoins, si on se limite aux premiers 10.000 euros des dépôts, comme le prévoit certaines propositions de loi, cela ramènerait l’impact à 24 % maximum de l’ensemble de dépôts (qui se montent actuellement à 297 milliards, ndlr), ce qui serait beaucoup plus supportable, même pour les petites banques”, précise Eric Dor.

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