Les secrétariats sociaux de plus en plus actifs dans la communication grand public

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Depuis quelques années, les secrétariats sociaux et prestataires de services RH multiplient les actions de communication vers la presse et le grand public. Un phénomène qui s’est encore accentué avec la pandémie. Quelle stratégie sous-tend cette offensive quasi généralisée?

C’est désormais une lapalissade: le monde des ressources humaines et du travail en Belgique est en transition permanente. De véritables révolutions sont en marche, entre autres, liées au numérique et à l’intelligence artificielle mais aussi en termes de mobilité: le vélo prend de l’importance, le statut fiscal des voitures d’entreprise change, etc.

A ces changements se superposent un contexte économique compliqué et une pénurie de main-d’œuvre qui ne cesse de s’aggraver. Dans ce paysage, les différents secrétariats sociaux du pays et, plus globalement, les prestataires de services RH (Acerta, SDWorx, Securex, Partena Professional, Liantis, etc.) se font entendre. Ils multiplient les communications en direction de la presse (mais pas que…) et, par ricochet, vers le grand public. Un phénomène assez généralisé même si tous, dont Groupe S par exemple, ne s’y prêtent pas et choisissent parfois des canaux plus directs comme la publicité.

Chaque semaine, ce sont entre cinq et dix e-mails qui arrivent avec des études chiffrées sur des sujets aussi variés que l’absentéisme, l’impact de la suppression du certificat médical pour une absence d’un jour, la mobilité travail-domicile, les avantages extralégaux, les congés parentaux, etc. Parfois aussi, les sujets sont plus légers et donnent l’impression qu’ils ne sont envoyés que pour occuper le terrain.

Rôle social

Bien sûr, ces actions ne sont pas innocentes d’un point de vue commercial ou dans l’optique du brand management. Mais les prestataires de services RH entendent surtout jouer pleinement leur rôle social.

Joelle Helbig
Joelle Helbig © PG

“Nous souhaitons informer, sensibiliser et permettre aux intervenants, entreprises ou décideurs politiques, de passer à l’action, souligne Joelle Helbig, chief customer & people officer chez Securex. L’idée est de faire évoluer les thématiques sociétales et de jouer un rôle que nous ne percevons évidemment pas que commercial. Il s’agit de contribuer à l’amélioration de la société et lui permettre de répondre aux nouveaux défis. Securex est bien plus qu’un secrétariat social. Nous sommes un prestataire généraliste de services RH qui dispose, en outre, d’un agent d’assurances et d’un service externe de prévention. Sur les 92.000 clients que nous servons, un petit tiers y font d’ailleurs appel. Nous entretenons avec eux une relation sur la durée et cette longévité combinée avec notre expertise, la grande palette de services offerts et la qualité de notre centre d’études nous permettent de livrer des études aux chiffres fiables et évolutifs et toujours accompagnées d’une analyse poussée.”

“Nous disposons aussi de relations particulières avec les universités. Récemment, notamment, avec la KU Leuven sur le lien entre burn-out et style de management. Clairement, notre ambition n’est pas de faire du business et du sensationnalisme mais de faire avancer les choses auprès de nos différents groupes et canaux.”

“Il s’agit de contribuer à l’amélioration de la société.”

Acerta, fort de sa relation avec 6.499 comptables, 327.000 indépendants et 65.000 entreprises, ne dit pas autre chose. “Chez Acerta, nous voulons clairement jouer un rôle social, vu que nous gérons les dossiers de plus d’un million de travailleurs/indépendants, assure Sylva De Craecker, content and PR manager chez Acerta. C’est un élément important de la mission et de la vision de notre entreprise. Nous voulons non seulement soutenir les entreprises et les organisations dans la réalité du marché du travail d’aujourd’hui mais aussi les préparer au marché du travail de demain. En effet, dans notre secteur et dans le monde du travail, tout change très vite et la législation est très complexe. Le gouvernement prend de nouvelles mesures tous les deux ou trois mois, la législation socio-juridique évolue constamment, etc. Nous voulons pouvoir réagir rapidement à chaque fois et offrir des perspectives intéressantes.”

Les prestataires de services RH communiquent-ils trop? C’est, certaines semaines, l’impression laissée. A notre demande, Securex s’est livrée à un petit calcul. “Nous envoyons 1,8 communiqué de presse par mois, sourit Steven De Vliegher, PR specialist chez Securex. Vu le temps investi dans l’étude et le soin que nous y apportons, il n’est pas possible d’en faire plus sans sacrifier la qualité. Nos études sont représentatives sur cinq ou six critères dont le sexe, l’âge, la taille de l’entreprise, etc. Mais nous ne sommes pas représentatifs dans tous les secteurs. Ce qui peut expliquer que, parfois, les résultats des uns et des autres, sur un même sujet, soient un peu différents. J’aimerais encore ajouter que j’envoie les communiqués de presse que je juge pertinents à certains parlementaires dont les membres de commissions concernées. Nous avons des retours positifs car nous contribuons à les informer.”

“Les sujets doivent avoir valeur d’actualité, sinon il est inutile de les partager.”

Quant aux choix des sujets, c’est un processus multidirectionnel qui intègre des remontées de terrain via les clients et les consultants, les sujets d’actualité, les stimuli du monde académique, le travail des experts internes qui détectent de nouvelles tendances, etc. “Vous, les journalistes, trouvez aussi pertinent de s’adresser à nous, sourit Sylva De Craecker. Pour disposer des dernières tendances du marché du travail avec des chiffres corrects et expliqués et souvent dans un délai très court. En tant qu’acteur privé avec une grande base de données, nous pouvons réaliser des analyses approfondies en très peu de temps. Plus rapidement que les organismes officiels qui ont d’autres obligations.”

Eva De Schryver
Eva De Schryver © PG

“Les sujets doivent avoir valeur d’actualité, sinon il est inutile de les partager avec les journalistes et le grand public, renchérit Eva De Schryver, responsable presse belge de SDWorx. En tant que premier secrétariat social du pays, nous voulons être la référence pour les questions relatives au travail, grâce à nos analyses de données belges, mais aussi à des enquêtes représentatives des travailleurs et des employeurs en Belgique et en Europe. Nous calculons les salaires de plus d’un million et demi de travailleurs belges des secteurs privé et public et conseillons plus de 80.000 employeurs sur leur politique du personnel. Cela contribue à une meilleure connaissance des sujets pertinents. Enfin, nous sommes aussi des précurseurs belges dans notre politique du personnel: semaine des quatre jours, travail à l’étranger dans une de nos succursales, etc. Nous pouvons donc, dans nos communiqués, partager des leçons que nous avons apprises en interne.”

Les remontées de terrain donnent en outre parfois naissance à des sujets pertinents mais inattendus. Comme la récente étude de Securex sur l’impact de la ménopause dans le milieu du travail. “L’idée est venue du secteur des soins de santé, explique Joelle Helbig. Les clients nous ont aidés à formuler le sujet. Cette étude a fait beaucoup parler d’elle car elle brisait un tabou et mettait en lumière un phénomène méconnu dont les victimes n’osaient pas parler. Elle a eu beaucoup d’impact en interne aussi. Preuve qu’elle était utile.”

Comme le soulignait Sylva De Craecker, les prestataires de services RH permettent de disposer rapidement de chiffres fiables et pertinents. Là où il faut par exemple parfois attendre des mois ou une année les chiffres de Statbel, l’office belge de statistique. Pas étonnant, dès lors, que les fédérations patronales, les syndicats et même les cabinets ministériels les sollicitent aussi régulièrement…

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