Odyssée 2068: un milliard d’euros pour un Wallonia Institute of Technology

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Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

C’est l’une des idées envisagées par l’Union wallonne des entreprises et ses partenaires dans le cadre de la réflexion prospective Odyssée 2068. Celle-ci esquisse des trajectoires et de bifurcations menant à une Wallonie ambitieuse à un horizon de 40 à 50 ans.

Des chefs d’entreprise bien sûr. Mais aussi des universitaires, des créateurs de start-ups, des fonctionnaires, des responsables d’association et même des représentants syndicaux. Au total, plus de 800 personnes ont participé au vaste chantier de réflexion initié en 2018 à l’occasion des cinquante ans de l’Union wallonne des entreprises. L’idée était de se projeter ensemble dans les cinquante prochaines années et de défricher les chemins les plus porteurs pour la Wallonie. “A chaque élection, nous sortons notre mémorandum avec nos suggestions pour les cinq années à venir, explique Olivier De Wasseige, CEO de l’UWE. Ici, nous nous projetons sur le long terme et nous tentons de définir, de co-construire les trajectoires idéales pour la Wallonie.

Des cinquante ateliers et des très nombreuses heures de réunion sont sorties quatre axes stratégiques finalement assez classiques (emploi-formation, gouvernance, environnement-climat, innovation), vingt impulsions à donner et septante actions à entreprendre. C’est parmi celles-ci que l’on retrouve l’idée de la constitution d’un Wallonia Institute of Technology, associant universités, hautes écoles, centres de recherche et entreprises. L’objectif est d’arriver à “une véritable mise en commun des intérêts, des ressources et des moyens disponibles pour relever les enjeux de la Wallonie”.

Ce WIT serait doté d’un budget d’un milliard d’euros, provenant des enveloppes de l’aide aux entreprises, de l’emploi et de la recherche. Là où la Wallonie s’est souvent éparpillée dans un saupoudrage des moyens, on plaide ici pour un regroupement géographique des forces, au moins dans un territoire baptisé Wallonia Innovation Valley (on suggère le triangle Mons-Wavre-Liège). “Si une composante est absente, un écosystème ne fonctionne pas, lit-on dans le rapport. Il faut regrouper géographiquement tout ce qui doit permettre de générer de l’innovation : des banques, des écoles, des incubateurs, des départements du SPW Economie et de l’AWEX.”

Odyssée 2068: un milliard d'euros pour un Wallonia Institute of Technology
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L’acquis de cette odyssée : les partenariats

La Wallonie pourrait-elle dépasser ses chapelles politiques, confessionnelles ou autres ? C’est clairement le pari de cette Odyssée 2068, dont les protagonistes ont accepté de viser le long terme et de s’autoriser ainsi une dynamique plus audacieuse. “ça ne veut pas dire que tout le monde approuve tout, précise Pierre Mottet, président de l’UWE. Mais nous avons réfléchi ensemble et nous avons pu constater que nous voulions tous une Wallonie harmonieuse.” “Des hauts fonctionnaires, des responsables d’organisations environnementales et des patrons ont pu voir qu’ils étaient d’accord à 90% non seulement sur le constat des problèmes à venir mais aussi sur les solutions à y apporter, explique Samuel Saelens, directeur du pôle Compétences de l’UWE et l’une des chevilles ouvrières de l’Odyssée 2068. C’est très encourageant pour la suite.

Car il y a aura une suite. Nous n’en sommes qu’au tout début du processus et les heurts viendront peut-être lors de la mise en oeuvre des actions, quand l’un devra accepter ceci et l’autre cela. “Nous pouvons cependant capitaliser sur la grosse avancée de ces trois années de discussion : le décloisonnement, insiste Pascale Van Doren, directrice de l’Institut Jules Destrée, spécialiste de l’analyse prospectiviste et accompagnatrice de cette Odyssée 2068. Des partenariats n’auraient sans doute jamais pu s’exprimer aussi naturellement sans tout ce travail.” Elle cite l’exemple des discussions avec les représentants de l’administration autour du périmètre de la fonction publique et des services qui pourraient être externalisées. “Les discussions ont évolué en trois ans d’odyssée, poursuit-elle. Les gens se sont appropriés un processus plus collaboratif, c’est un acquis qui va au-delà des impulsions et des actions retenues. Les produits d’Odyssée seront co-pilotés, ce sera des partenariats.“Nous avons établi des ponts, ils seront utilisés“, résume Pierre Mottet.

“Je pense qu’avoir un cap à long terme permet de dépasser la force d’inertie, qu’avoir une vision à laquelle s’accrocher permet de faire avancer les choses. Odyssée 2068, c’est cela”

Samuel Saelens, directeur du pôle Compétences de l’UWE

Le rôle sociétal de l’entreprise

Le travail prospectif intègre la réflexion sur une série d’événements susceptibles de secouer, parfois très dangereusement, les stratégies régionales. Dans le jargon, ça s’appelle des Wildcards et on cite aussi bien un crash budgétaire wallon en 2030 qu’un black-out énergétique en 2025 ou la faillite du premier pilier de pensions en 2035. L’effet de ces wildcards peut être atténué par des bifurcations intelligentes par exemple dans la formation aux métiers émergents, les solutions de captation du CO² ou, plus loin, l’alimentation in-vitro. “Tout ce travail nous pose la question du rôle que l’entreprise peut jouer dans la structuration de la société, commente Olivier de Wasseige. Notre action ne doit pas être uniquement guidée par la croissance ou le PIB. Nous devons affirmer le rôle sociétal de l’entreprise. Nous ne sommes pas du tout dans une logique d’affrontement mais de co-construction. Et nous continuerons à agir de la sorte.

En se plaçant sur le long terme, au-delà d’une ou deux échéances électorales, on parvient parfois à observer les thèmes de façon plus rationnelle et ouverte. A l’UWE, on est par exemple convaincu qu’en inscrivant la limitation des cabinets ministériels à cinq personnes dans le cadre plus général d’une refonte du rôle de l’administration et de ses interactions avec le politique et en le répétant de mémorandum en mémorandum, la situation finira par évoluer. “Aujourd’hui, on nous dit que c’est impossible, concède Samuel Saelens. Mais nous continuerons à rappeler notre proposition et son contexte. Je pense qu’avoir un cap à long terme permet de dépasser la force d’inertie, qu’avoir une vision à laquelle s’accrocher permet de faire avancer les choses. Odyssée 2068, c’est cela”

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