Investir pour compléter sa pension légale

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Investir est une démarche qui s’inscrit sur la durée. Mais les personnes qui atteignent l’âge de la retraite doivent aussi songer à un avenir plus immédiat. Petit exercice d’équilibre entre risque, rendement et préservation du patrimoine.

Quand on investit en vue de la retraite, le rendement n’est pas le paramètre le plus important – le but est davantage de préserver son patrimoine et de compléter un revenu qui ne sera généralement plus constitué que de la pension légale. Bien sûr, un surcroît de rendement obtenu sans trop de risque sera toujours le bienvenu aussi. Examinons le potentiel de revenu et le risque propres à l’épargne, aux obligations et aux actions, et concevons une variante défensive et une variante offensive d’un portefeuille destiné à agrémenter la retraite.

Par ordre croissant de risque

Ventiler son patrimoine pour placer jusqu’à 100.000 euros par banque dans un produit d’épargne qui bénéficie du système de garantie des dépôts est la solution la plus sûre – toutes les autres classes d’actifs courent en effet un risque de repli plus ou moins important. Les taux d’intérêt ont certes remonté, mais il ne faut pas, aujourd’hui, espérer obtenir du 5 % sur l’épargne : la plupart des produits offrent actuellement entre 2 % et 3 %. Des taux qui pourraient même diminuer si la Banque centrale européenne (BCE) procédait effectivement, comme elle semble en avoir l’intention, à une première baisse de ses taux directeurs en juin, ce qui ferait chuter les taux d’intérêt proposés par les (grandes) banques.

Si vous souhaitez obtenir plus que ces 5 % de rendement, l’épargne ne suffira donc pas. D’autant que si les taux étaient orientés à la baisse lors de l’arrivée à échéance du produit, les fonds ainsi libérés pourraient devoir être réinvestis à des conditions moins avantageuses. Pour réduire ce risque, il est judicieux d’investir en obligations une partie du portefeuille consacré à la pension.

Obligations

Les obligations sont globalement considérées comme sûres. Quoique. En 2022, sous l’effet conjugué du recul des rendements effectifs, de la flambée de l’inflation et du relèvement des taux directeurs des banques centrales, les obligations se sont fortement dépréciées. Le particulier peut envisager d’investir dans des ETF obligataires, dont les emprunts qui les composent sont systématiquement remplacés par d’autres une fois qu’ils arrivent à expiration. Les coupons provenant d’obligations d’Etats et d’obligations d’entreprises au bilan solide procurent un revenu généralement sûr. Reste que si les taux d’intérêt venaient à augmenter, les cours des obligations céderaient du terrain.

La baisse des taux directeurs évoquée plus haut est probable, mais pas certaine. Si l’on devait assister à une escalade des conflits au Moyen-Orient, à une envolée des prix du pétrole et à un blocage prolongé du canal de Suez, par exemple, l’inflation repartirait à la hausse, auquel cas les banques centrales pourraient attendre pour diminuer leurs taux – voire décider de ne pas le faire ou encore, de les augmenter. C’est là qu’avoir bloqué une épargne en banque à des taux durablement (plus) élevés serait intéressant.

Si les taux d’intérêt devaient effectivement reculer, les cours des obligations détenues en portefeuille augmenteraient (alors que les taux accordés sur l’épargne diminueraient, donc). Quant aux revenus issus des ETF obligataires, ils devraient, eux aussi, progresser, car les emprunts assortis de coupons très bas émis entre 2018 et 2021 sont lentement mais sûrement remplacés par d’autres, aux coupons plus généreux.

Dans l’immédiat, pour préserver votre capital et en partant du principe que l’inflation n’augmentera plus, nous vous recommandons d’investir dans des obligations peu risquées. Les autres sont certes plus rémunératrices, mais le risque qu’un coupon ne soit pas payé, voire que votre apport soit partiellement ou intégralement perdu, est plus marqué également. Les obligations libellées en euro permettent d’éviter le risque de change. Si vous souhaitez obtenir un rendement plus élevé et que le risque ne vous rebute pas, vous pouvez envisager d’ajouter un volet dédié à votre portefeuille. A 6,2 % environ, la rémunération des obligations d’entreprises à haut rendement libellées en dollar est un peu plus généreuse que les 5,5 % offerts par les variantes en euro, mais elle est assortie d’un risque de change. Les obligations d’Etats émergents offrent elles aussi du 5,5 % (en dollar) approximativement. Les rendements des obligations d’entreprises de qualité (2,8 %) et des obligations souveraines européennes (2,4 %) sont encore plus faibles, en fonction des maturités.

Actions

Si sur la durée, les actions sont plus rentables que les obligations et que l’épargne, elles ne sont jamais à l’abri d’une chute intermédiaire des cours. Les dividendes peuvent croître avec l’inflation, mais ce n’est nullement garanti. Le particulier qui investit pour sa pension mettra de préférence l’accent sur les actions à dividendes, ce qui revient à accorder moins d’importance aux actions américaines, en raison non seulement de leurs valorisations plus élevées et du risque de change, mais aussi et surtout de la faiblesse de leurs dividendes – 1,4 % seulement, par exemple, pour le S&P 500 actuellement. Mieux vaut donc viser les actions qui offrent un rendement en dividende plus intéressant, principalement les actions européennes à dividendes. A l’heure actuelle, ce sont les actions européennes qui conjuguent le plus avantageusement revenus, valorisation et absence de risque de change. L’indice Stoxx Europe 600 offre un rendement en dividende de 2,5 %.

Profil défensif

L’objectif principal d’une allocation défensive est de préserver le patrimoine tout en ménageant un certain revenu. Nous allons composer un portefeuille de type défensif ; comme l’exercice n’a rien d’une science exacte, sachez que la réalité sera toujours différente. En ce qui concerne le risque de dépréciation des actions, nous supposons une chute brutale, mais non exceptionnelle, de 25 %. Si les actions représentent 15 % du portefeuille, les 85 % restants doivent donc compenser la perte de (15 % x 25 % =) 3,75 % ainsi subie.

Notre portefeuille défensif fait le choix de ne pas être exposé aux obligations à risque et au risque de change. Nous optons donc pour des obligations d’Etats et des obligations de qualité en euro, qui rapportent 2,5 % environ. Normalement, les cours des obligations sûres progresseront légèrement en cas de choc économique ou boursier. Une hausse de quelques pour cent, à laquelle viendra se greffer le rendement annoncé, permet aux obligations sans risque d’offrir du 6 %. Pour une épargne rémunérée à 3 %, nous agençons notre profil défensif de la manière suivante : actions : 15 %, obligations au minimum “investissables” : 45 % et dépôts d’épargne : 40 %. Cette répartition devrait nous assurer un revenu qui tourne autour de 2,8 %, voire davantage si les dividendes et les coupons venaient à augmenter.

Profil offensif

Pour atteindre un rendement qui avoisine 5 %, il faut adopter une approche plus risquée. Combiner des ETF et des actions européennes et mondiales à dividendes élevés devrait nous permettre d’obtenir un rendement de 5,3 % sur le volet actions. Les obligations d’entreprises européennes à haut rendement et les obligations d’Etats émergents libellées en dollar américain rapportent actuellement 5,5 % environ. Il est donc possible d’obtenir un rendement supérieur à 5 %, mais moyennant un portefeuille plutôt déséquilibré et donc, vulnérable aux chocs financiers.

C’est la raison pour laquelle nous limitons à 20 %, investis en obligations européennes à haut rendement, en obligations souveraines émergentes et en obligations d’entreprises américaines de qualité offrant du 5,5 %, le volet offensif de notre portefeuille. Nous consacrons pour le reste 15 % à des obligations d’entreprises européennes de qualité qui promettent un rendement de 2,8 % et conservons 15 % en liquide, pour le cas où les taux d’intérêt viendraient à augmenter. Les 50 % restants sont investis dans des actions à dividendes, ce qui devrait nous donner un rendement total (dividendes et intérêts) de 4,8 %.


Se protéger contre l’inflation

Dans le contexte actuel, protéger son portefeuille de l’effet érosif de l’inflation, qui tourne autour de 2,5-3 %, est déjà tout un art. L’investisseur qui, en plus de cela, souhaite obtenir un surcroît de rendement, doit se résoudre à courir davantage de risques, en optant par exemple pour des actions (à dividendes) et pour des obligations d’entreprises à haut rendement.


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