Ilham Kadri (CEO Solvay) mérite-t-elle un bonus de 12 millions d’euros ?

Ilham Kadri © Belga

Solvay propose à ses actionnaires de verser à  Ilham Kadri un bonus de 12 millions d’euros. L’entreprise souhaite ainsi la récompenser pour son travail lors de la scission et aussi, semble-t-il,  la garder à bord. Un tel montant n’est-il pas trop décadent ? L’expert en rémunération Xavier Baeten (Vlerick Business School) explique ce qui peut justifier ce bonus extraordinaire.

Solvay convoque les actionnaires le 8 décembre pour approuver la scission du géant de la chimie en deux sociétés autonomes (Solvay et Syensqode). L’un des points à l’ordre du jour est une prime exceptionnelle de 12 millions d’euros pour la CEO Ilham Kadri. Une information confirmée par l’entreprise qui précise que si la scission est approuvée, Ilham Kadri deviendra la PDG de Syensqo. 

Hommage à Kadri

“La prime est une reconnaissance de son engagement exceptionnel dans la réalisation du projet de scission partielle”, peut-on lire dans les documents adressés aux actionnaires. Le conseil d’administration souhaite “rendre hommage” à Mme Kadri “pour ses années de performances exceptionnelles à la tête du groupe” durant une période volatile marquée par une forte inflation, des tensions géopolitiques et des incertitudes macroéconomiques. Solvay évoque une “gestion disciplinée des coûts et de la trésorerie” et une réduction de la dette. Kadri a ainsi ouvert la voie à une “opération de transformation fondamentale” qui a jeté les bases du démantèlement du géant de la chimie, vieux de 160 ans. “Le conseil a considéré que sa présence était un des éléments essentiels pour mener à bien le ‘projet PO2’ (la scission NDLR) et pour diriger le nouveau Syensqo”.

Un bonus de 12 millions d’euros se justifie-t-il et si oui comment ?

Xavier Baeten, expert en rémunération de la Vlerick Business School, souligne qu’il s’agit d’une prime exceptionnelle. Elle ne doit pas être comparée aux primes classiques d’incitation à court et à long terme, telles que les paquets d’actions. “Une telle prime est rarement accordée et se produit généralement lors d’acquisitions et de réorientations. Pensez, par exemple, à la prime exceptionnelle accordée l’année dernière à Olivier Chapelle, le directeur de Recticel“. 

Ce bonus est donc exceptionnel. Mais pas forcément « exceptionnel dans son exceptionnalité”, précise M. Baeten. Le montant de 12 millions d’euros est aussi difficile à évaluer. “On ne connaît pas les modalités: Kadri recevra-t-elle le montant en espèces ? Étalé dans le temps ? En actions, issues ou non de la nouvelle société cantonnée Syensqo ?”

‘DEPUIS SON ENTRÉE EN FONCTION EN MARS 2019, LA VALEUR DE L’ACTION DE SOLVAY A AUGMENTÉ DE 20,5 %. DANS LA MÊME PÉRIODE, BEL20 A BAISSÉ DE 4,6 %’

Xavier Baeten, Vlerick Business School

M. Baeten souligne que le bonus est aussi lié sa valeur pour les actionnaires. “Sa surperformance n’est plus à démontrer. Après son entrée en fonction en mars 2019, la valeur de l’action Solvay a augmenté de 20,5 %, selon nos calculs (la somme des plus-values et des dividendes versés, ndlr). Au cours de la même période, le Bel20 a chuté de 4,6 %. Une différence d’environ 25 %. Sous sa direction, Solvay a créé 1,8 milliard d’euros de valeur. En tant que CEO, elle a joué un rôle non négligeable à cet égard.”.

Note : selon les calculs de Trends Investing, qui utilise Bloomberg comme source, le gain de l’action n’est pas de 20,5 mais de 18,5 % et le rendement du Bel20 est de 12,2, soit une différence de 6,3 %. Au cours des quatre années précédant l’entrée en fonction de Mme Kadri, Solvay a fait moins bien que le Bel20.

Il y a aussi un troisième aspect de l’histoire : la réalité du marché du travail. Solvay lui-même révèle que Kadri avait “d’autres options”. Baeten n’en doute pas. “Kadri est une CEO qui a gagné ses galons. Elle est sans aucun doute très recherchée sur le marché du travail”.

M. Baeten précise encore que, sans vouloir prendre la défense de Solvay, pendant la pandémie, les cadres supérieurs de l’entreprise – y compris Kadri – ont versé 15 % de leur salaire à un fonds destiné à aider les travailleurs en situation de chômage temporaire. “On ne peut donc pas accuser l’entreprise de ne jeter que des sacs d’argent aux cadres supérieurs”.

Le mois prochain

Si les actionnaires approuvent l’ensemble le 8 décembre, Syensqo sera introduite à la bourse de Bruxelles trois jours plus tard. Ilham Kadri dirigera alors Syensqo, tandis que Philippe Kehren deviendra CEO de Solvay. Le nouveau Solvay regroupera les activités autour des produits chimiques essentiels, tels que la soude et le peroxyde. Syensqo regroupera les activités autour des matériaux spécialisés et des biens de consommation. Il s’agit, par exemple, de matériaux légers pour les voitures ou les avions.

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