Faut-il sauver le « vrai camping » ?

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De plus en plus de campings ne proposent plus que des hébergements en mobilhomes ou en chalets. De quoi faire craindre aux adeptes du vrai camping la disparition des places pour les vacanciers itinérants. Retour sur un business parfois très rentable et qui a complètement changé de visage en vingt ans.

Un camping qui n’accepte plus les campeurs est-il encore un camping ? C’est la question qui ouvre une pétition du collectif “Sauvons le vrai camping” pour défendre les « emplacements nus » dans les campings. De plus en plus de campings n’ont en effet plus guère d’emplacements libres pour les tentes, caravanes ou mobilhomes. Dans certaines régions de France, certains campings n’acceptent même plus de clients en dehors de ceux qu’ils accueillent dans ce qu’on appelle désormais des structures d’hôtellerie de plein air. Soit des hébergements locatifs qui pour l’essentiel sont des mobilhomes, des chalets ou encore des tentes équipées.

Trouver un emplacement de plus en plus difficile

Pour les adeptes du camping traditionnel et les vacanciers nomades, trouver un emplacement devient donc de plus en plus difficile. Aujourd’hui, on estime que seulement la moitié des emplacements des 7.500 campings de France sont dédiés à la location. Et selon le collectif, 3% des emplacements nus se perdent ainsi chaque année. Toujours selon le collectif, ce n’est pas moins de 190.000 emplacements nus qui ont ainsi disparu en 10 ans. Ce qui fait qu’inexorablement les campings se vident de leurs tentes. D’ici 15 ans un emplacement nu sera une perle rare, précise encore le collectif. De quoi craindre que, bientôt, il ne soit plus possible de camper sous tente en bord de mer (où se trouvent 30% des campings en France) ou dans des régions ultras touristiques.

Une montée en gamme nécessaire

Un avis qui n’est pas partagé par la fédération de l’hôtellerie de plein air. Pour elle, imposer des quotas serait l’équivalent d’un suicide collectif alors que 100 campings ferment par an. Et puis, plutôt qu’un élargissement de l’offre, le parc locatif serait actuellement davantage dans une phase de stabilisation et de renouvellement du parc existant. Pour la fédération, c’est même la mutation vers le locatif qui a permis au secteur de se développer depuis 20 ans. Une montée en gamme nécessaire à la survie du secteur. Et la raison est toute simple. Un emplacement où se trouve un mobilhome rapporte quatre à cinq fois plus qu’un emplacement dédié aux tentes. Un emplacement coûte en moyenne près de 25 euros par nuit, alors qu’une location c’est plus de 1000 euros pour une semaine voire plus du double en haute saison. L’investissement est donc rapidement rentabilisé.

D’autant plus que l’argent ainsi gagné permet au camping de réinvestir pour monter en grade et attirer de nouveaux campeurs. Car, s’il y a moins de camping, il y a plus de clients. Ils auraient augmenté de 5 millions entre 2011 et 2022. Ils seraient aujourd’hui près de 25 millions à avoir effectué au moins une fois du camping dans l’année en France. Or il se trouve que les nouveaux vacanciers adeptes de la location de plein air sont friands de parcs aquatiques, de spas ou encore de clubs enfants. Et pour pouvoir offrir cela, les investissements s’élèvent à plusieurs millions.

Un chiffre d’affaires annuel de 2,5 milliards d’euros

La France occupe la première place sur le marché de l’hôtellerie de plein air en Europe. On y retrouve pas moins de 27% des 28.500 campings d’Europe. Après la très particulière année 2020, le secteur des campings affiche à nouveau un chiffre d’affaires annuel total de près de 2,5 milliards d’euros. L’hôtellerie de plein air suscite donc pas mal de convoitises. Le secteur en forte croissance fait même l’objet, entre fusions, rachat de site et émergences de nouveau groupe, de pas mal de manœuvres. Avec au gouvernail, depuis les années 2010 des groupes spécialisés qui accélèrent la concentration du secteur. Ainsi plus de 60% des campings en France appartiendraient aujourd’hui à un tel groupe (ou seraient sous franchise) précise Le Monde. Selon le Figaro cinq groupes (European Camping Group (ECG), Capfun, Sandaya, Siblu et Huttopia) concentrent plus du tiers du chiffre d’affaires des campings en France. ECG se revendique même comme l’un des leaders européens du secteur. Avec 440 campings, presque tous des 4 ou 5 étoiles. Le nouveau géant vise 700 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 2023.

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Des fonds d’investissements

À côté de ces groupes, on retrouve également ce qu’on appelle des réseaux commerciaux sous franchise comme Yelloh! Village, Sunêlia, Flower Campings, Camping Paradis (tirée de la série éponyme) ou encore Maeva. Eux aussi sont en pleine expansion et voient grand.

Ces groupes et réseaux commerciaux sont souvent soutenus par de puissants fonds d’investissement. Ils ont compris que les campings étaient souvent installés dans des sites naturels particulièrement attractifs. Des campings d’autant plus désirables qu’il est aujourd’hui pratiquement impossible d’en ouvrir de nouveau. Du quoi rendre ce qu’on appelle la “rente de situation” très confortable et faire exploser le prix des gros campings particulièrement bien situés. C’est d’autant plus le cas que le marché a encore un gros potentiel. Pas mal d’enfant de tenancier de camping deux ou trois étoiles ne souhaitent pas reprendre l’entreprise familiale. Il n’est ainsi pas rare qu’on achète un tel camping avant de le faire monter en grade pour le revendre à prix d’or.

Les clients gagnants ?

Si le camping se professionnalise et gagne en confort, voire en luxe, ce n’est pas toujours une bonne nouvelle pour le client. Des campings qui se standardisent voient aussi leur prix augmenter. Les campings plus simples, plus petits, mais aussi beaucoup moins chers, risquent de disparaître. Ainsi ces dix dernières années, la moitié des campings ruraux ont disparu. Et le camping municipal des plus sommaires, mais à un tarif battant toute concurrence, risque de devenir l’exception dans un avenir proche. Aujourd’hui, on estime que 92% des campings sont devenus privatifs. Et parmi les unes ou deux étoiles, des dizaines de sites ferment chaque année. Il est vrai qu’ils ne comptabilisent que 10% du chiffre d’affaires du secteur.

Le camping sous tente reste le moins cher

En sachant tout cela, on se doute que l’idée d’obliger ou d’inciter fortement les campings à garder une proportion significative d’emplacements libres risque de faire grincer des dents.

Cela n’empêche pas l’ide de faire son chemin et des discussions seraient en cours avec le ministère du Tourisme en France.

Car le vrai camping a un argument de poids en ces temps de crise. Il offre toujours la possibilité d’avoir des vacances à moindre coût. Et on a beau vanter un certain retour à la nature, dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat, le rapport qualité-prix reste la principale motivation du choix du camping comme mode d’hébergement (61% contre 49% en 2020). Le contexte inflationniste pourrait même lui être favorable puisque l’hôtellerie classique a bondi bien au-delà. De quoi rendre l’écart encore plus important.

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Ainsi même si le prix d’une location de mobilhome a bondi d’environ 15 % sur un an, l’offre reste tout de même pléthore et permet encore aux vacanciers d’adapter leur choix selon leur budget.

Par exemple, et malgré une indexation des prix entre 5 et 6% en 2022, le camping sous tente est et reste l’un des moyens les moins chers de partir en vacances. La hausse de plus de 30% constaté pour les réservations de 2023 pour les emplacements nus est la preuve que ce mode de vacances n’a pas perdu de son attrait.

2022 une année historique

Après une année 2022 historique avec ses 136 millions de nuitées, l’année 2023 semble, selon le Baromètre de l’Hôtellerie de Plein Air d’Atout France, prendre la même direction. Dès avril, les carnets de réservation pour l’ensemble de la saison étaient déjà remplis à 63 millions de nuitées. Soit une hausse de +21% par rapport aux réservations à la même date en 2022. Et signe que la pandémie s’éloigne chaque jour un peu plus, plus de 22 millions viennent de la clientèle internationale. Une clientèle principalement européenne puisque les Pays-Bas représentent 7,3 millions de nuitées (+34 % par rapport à 2022), l’Allemagne à 5,7 millions (+30 %), la Belgique à 3,2 millions (+23 %), le Royaume-Uni à 2,3 millions (+26 %) et la Suisse à 1,4 million (+49 %).

Le secteur a donc indéniablement le vent en poupe. Mais il risque bien de perdre en liberté ce qu’il gagne en confort.

La classification des campings en étoile a lancé une course vers le haut. Au point que certains affichent désormais 5 étoiles. Les étoiles sont établies en fonction de 195 critères dont beaucoup sont une question de confort, mais aussi de loisir de plus en plus luxueux. Ainsi un deux étoiles peut avoir des sanitaires blinquants et un cadre d’exception, mais pas de piscine ni commerce. Par contre aucun des critères ne stipule que le camping doit laisser des emplacements libres pour ceux qui souhaitent planter leur tente. C’est pour cela que le collectif aimerait rajouter un 196e critère qui indique le nombre d’emplacements laisser libre.

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