EXCLU – Pranarôm vise l’aromathérapie médicale

Dominique Baudoux et Sergio Calandri, respectivement fondateur de Pranarôm et CEO d'Inula. © belgaimage
Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Après les compléments alimentaires, les dispositifs médicaux et les biocides, le spécialiste de l’aromathérapie scientifique Pranarôm, dont la pandémie a boosté les ventes, entend mettre sur le marché pour fin 2022 ses premiers médicaments sans prescription à base d’huiles essentielles. Le groupe vient de créer un laboratoire pharmaceutique à Ghislenghien, pour lequel il espère obtenir une certification à l’automne.

Les huiles essentielles. L’aromathérapie, comme on dit dans le jargon. Voilà un secteur qui a relativement bien traversé la crise. “Nous avons connu une augmentation significative de la demande de plusieurs de nos marques”, explique Sergio Calandri, CEO du groupe Inula, qui regroupe des labels tels que Pranarôm, HerbalGem ou Biofloral. L’entreprise a enregistré l’an dernier une hausse de 14% de son chiffre d’affaires. L’explication? “Les huiles essentielles sont reconnues pour une série de propriétés, notamment pour renforcer l’immunité, dans le domaine respiratoire ainsi que pour leur côté assainissant”, précise le responsable. Avec l’arrivée du virus, de nombreux consommateurs se sont jetés sur ces petites fioles afin de booster leur santé. Autre atout pour Pranarôm: quasi aucun de ses canaux de distribution n’a dû fermer ses portes durant les différents confinements. Les pharmacies (mais pas les parapharmacies) et les magasins bios sont évidemment restés ouverts. “Le canal des magasins bios et des herboristeries a très bien fonctionné, confirme le CEO. Tout comme les ventes en ligne.” Inula a en effet vu ses ventes en e-commerce passer de 3 à 10% l’an dernier, via des sites comme Newpharma ou Farmaline. “De manière générale, nous avons dû augmenter nos capacités d’expédition dans tous les pays où nous sommes présents”, affirme le patron.

L’objectif est de lancer les premiers produits sur le marché fin 2022, avec un rythme d’un à deux produits par an.

Ce dernier admet cependant que la crise a fortement perturbé toute la chaîne d’approvisionnement. Il était par exemple devenu très compliqué de se fournir en flacons et en bouchons. “Tout a été accaparé par le gel hydroalcoolique”, explique notre interlocuteur. Mais pour les huiles essentielles en tant que telles, l’entreprise a pu compter sur une organisation très efficace. “Au mois de mars 2020, il y a eu une carence des huiles essentielles les plus demandées comme le ravintsara, l’eucalyptus radié ou encore le tea tree. Madagascar, l’un des plus grands fournisseurs de ravintsara, a par ailleurs fermé ses frontières. Heureusement, nous travaillons en filières courtes et sans intermédiaires, directement avec les distillateurs dans différents pays. Cela nous a permis de pouvoir répondre à la demande et même de gagner des parts de marché. A Madagascar, nous avons pu commander en vitesse suffisamment de stock auprès de notre partenaire juste avant la fermeture des frontières.”

Inula possède par ailleurs sa propre force de vente dans les sept pays où il compte de filiales, à savoir la Belgique, la France, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Suisse et les Etats-Unis (l’entreprise écoule ses produits dans 25 pays au total, via des partenaires). Cela a constitué un atout non négligeable durant cette période. “Quand cela était possible, nos délégués ont continué à visiter nos clients”, explique Sergio Calandri.

Nouvelle filiale

Porté par ces belles performances, le spécialiste de l’aromathérapie scientifique, détenu depuis 2018 à 60% par le fonds d’investissement français Ardian, entend concrétiser au plus vite un projet depuis plusieurs années dans ses cartons: la mise sur le marché de vrais médicaments à base d’huiles essentielles. “Ce qui a toujours différencié Pranarôm, c’est son approche thérapeutique”, explique le CEO. Le groupe se revendique plutôt de l’école française d’aromathérapie, davantage axée sur la santé, avec une utilisation privilégiée des huiles essentielles par voie orale. En face, on trouve l’école anglo-saxonne, plus orientée vers le bien-être et la beauté. Les huiles essentielles y sont davantage utilisées en diffusion, en externe, pour des crèmes, des produits de beauté, etc.

Huiles essentielles Dans un médicament, leur concentration peut être supérieure, offrant une efficacité accrue.
Huiles essentielles Dans un médicament, leur concentration peut être supérieure, offrant une efficacité accrue.© getty images

“Lorsque nous avons commencé, la plupart de nos produits étaient rangés dans la catégorie des cosmétiques, gamme que nous avons ensuite élargie aux compléments alimentaires. Puis il y a quelques années, nous avons lancé les premiers dispositifs médicaux comme des sprays pour le nez, pour la gorge, etc. Nous sommes aussi passés à des biocides. Et là, l’étape suivante est de lancer des médicaments à base d’huiles essentielles.”

C’est dans cette optique qu’Inula vient de créer en Belgique une nouvelle filiale, Pranarôm Med. Un laboratoire pharmaceutique en phase de certification par le ministère de la Santé. “Nous avons déposé tous les dossiers et attendons une certification en automne”, explique Sergio Calandri. L’objectif est de lancer progressivement plusieurs médicaments dans différentes sphères: digestive, circulatoire et respiratoire, et ce sous différentes formes galéniques (baumes, capsules, sirops, etc.)

Le groupe travaille sur ce projet depuis plusieurs années mais le laboratoire, situé à Ghislenghien, proche du siège, a été créé l’an dernier. Si tout se passe comme prévu, les premiers produits seront lancés sur le marché dès la fin 2022, avec un rythme d’un à deux par an.

Nouveaux consommateurs

Inula décide de franchir ce cap pour plusieurs raisons. La mise sur le marché de véritables médicaments doit tout d’abord permettre au groupe de communiquer plus aisément sur les propriétés médicales des huiles essentielles (les fameuses allégations), chose que l’entreprise ne peut effectuer avec ses produits actuels, rangés dans des catégories réglementaires différentes, tels les compléments alimentaires. “Puisqu’il s’agira de médicaments, les applications pourront clairement être indiquées, comme le nom de certaines maladies, confirme Sergio Calandri. Autrefois, les thérapies naturelles étaient limitées à un segment plus restreint de la population. Mais le nombre de consommateurs augmente et il est aujourd’hui important de pouvoir communiquer vers de nouveaux segments de clients qui n’ont pas nécessairement de connaissances poussées en matière de plantes et d’huiles essentielles.”

Par ailleurs, dans un médicament, la concentration en huiles essentielles peut être supérieure que dans un complément alimentaire, ce qui accroît son efficacité. Enfin, il s’agira pour le groupe d‘impliquer davantage les médecins et les pharmaciens dans la prescription et le conseil de ces nouveaux médicaments. “L’idée est de renforcer la prescription médicale grâce à notre équipe de visiteurs médicaux”, explique le patron d’Inula. Rappelons toutefois qu’il s’agira de médicaments OTC, c’est-à-dire sans prescription et non remboursés. Ils pourront être directement emportés par les clients, devant le comptoir.

Pour parvenir à mettre ces produits sur le marché, les démarches sont nombreuses. Outre la nécessaire création d’un laboratoire, il y a tout le volet développement. Ces médicaments doivent respecter les normes pharmaceutiques sur toute la chaîne, tant au niveau des matières premières (les huiles essentielles doivent être certifiées GMP) que des procédés de production et de commercialisation.

Etudes plus poussées

“Il y a aussi tout le volet formulation et tests d’efficacité, ajoute Sergio Calandri. Nous devons réaliser des études plus poussées, bien qu’il existe déjà de nombreuses recherches disponibles pour prouver l’efficacité de ces médicaments et justifier les allégations. Le nombre de recherches conduites depuis des années ne fait qu’augmenter, et les bénéfices des huiles essentielles sont de plus en plus documentés cliniquement. Nous venons par ailleurs d’obtenir un brevet lié à des recherches menées en partenariat avec l’ULB. Tout cela va dans le sens du développement de ce type de médicaments.”

Si le laboratoire pharmaceutique en cours d’homologation est situé en Belgique, l’objectif reste bien d’obtenir les autorisations de commercialisation dans différents pays européens. Pour Inula, c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre. Une nouvelle pierre à l’édifice. Un nouveau relais de croissance.

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