Virage fiscal pour les voitures de société: le nouveau défi pour les “fleet managers”

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Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

La voiture de société sera la voie royale pour l’électrification du parc automobile. A partir de 2026, seules les voitures zéro carbone bénéficieront d’une déduction fiscale. Un défi pour les “fleet managers”.

La Belgique a fait un choix différent des pays voisins. Le pays n’attribue pas de prime pour l’achat d’une voiture électrique. Depuis l’été dernier, le gouvernement préfère mettre au point une loi qui réservera l’avantage fiscal des voitures de société aux modèles zéro carbone à partir de 2026 (*).

L’offre doit encore pas s’améliorer. Chaque année, on dit que ce sera mieux que l’année suivante.

Frank Van Gool (Renta)

Pour les utilisateurs de voitures de société salariés, l’employeur sera également confronté à une contribution de solidarité beaucoup plus élevée pour la sécurité sociale si le véhicule n’est pas à émission zéro.

Les fleet managersdevront adapter l’offre en fonction de cette orientation. Dès 2023, la déductibilité des automobiles à carburant sera donc érodée, mais celles commandées avant le 1er juillet 2023 conserveront leur statut fiscal actuel pendant toute leur durée de vie. Il est déjà intéressant pour les entreprises de proposer des modèles électriques, ils sont déductibles à 100%, contre une moyenne de 67,5% pour les voitures à carburant.

L’échéance de 2026

En 2026, seules les voitures zéro carbone pourront encore être déduites à 100%, puis ce niveau reculera chaque année jusqu’en 2031, où il arrivera au niveau de la déduction moyenne actuelle des automobiles à carburant, soit 67,5%. Le gouvernement cherche ainsi à limiter le coût fiscal et parie sur la baisse du tarif des voitures électriques, aujourd’hui nettement plus élevé que celles à carburant (souvent 10.000 euros de supplément).

La loi sur le verdissement de la mobilité prévoit également une aide pour l’achat et l’installation de bornes chez les particuliers et en entreprise. Cette politique est critiquable car elle signifie que le fédéral a fait le choix de ne pas attribuer de prime pour les particuliers, comme le font nos voisins. La France attribue un bonus jusqu’à 6.000 euros pour l’achat d’une voiture électrique, l’Allemagne, jusqu’à 9.000 euros, les Pays-Bas, 4.000 euros, le Grand-Duché, 8.000 euros maximum. Les Régions belges appliquent toutefois des tarifs très bas ou nuls pour la taxe de mise en circulation et la taxe de circulation, mais l’incitant est insuffisant. La loi sur le verdissement prévoit aussi une aide de maximum 675 euros sur l’installation d’une borne à domicile.

En 2031, la quasi-totalité du parc des voitures de société (17% du parc total environ) devrait être électrifié.
En 2031, la quasi-totalité du parc des voitures de société (17% du parc total environ) devrait être électrifié.

Une bonne nouvelle pour le secteur du leasing

Toutefois, cette loi est une bonne nouvelle pour le secteur du leasing et l’ensemble du secteur automobile car elle maintient le cadre fiscal favorable des voitures de société, que certains partis de la majorité, comme le PS ou Ecolo, souhaitaient faire disparaître. En somme, un compromis à la belge: les voitures de société, au sens fiscal du terme, continuent à exister à condition de jouer un rôle moteur dans l’électrification du parc. Cette approche signifie aussi que le marché de l’occasion sera fourni en quantité en véhicules électriques à partir de la fin de la décennie. En 2031, en effet, la quasi-totalité du parc des voitures de société (17% du parc total environ) devrait être électrifié.

Tous les six mois, nous lancerons deux modèles. Nous voulons être présents dans tous les segments avec des modèles électriques

Eddy Haesendonck (BMW Belux)

Cette stratégie fiscale est radicale. Elle exclut les voitures hybrides, rechargeables ou non, les carburants alternatifs (gaz naturel, biocarburants, diesels synthétiques en développement) dont le sort fiscal est aligné sur les automobiles à carburant. Les entreprises peuvent toujours les acheter, mais pas les déduire à partir de 2026, comme les diesel ou les voitures à essence. Les véhicules à hydrogène, eux, sont alignés sur le sort fiscal favorable des voitures à batteries car ils dégagent zéro émission de CO2. L’impact devrait rester modéré, car l’offre est très réduite (Toyota et Hyundai) et les pompes rarissimes (deux en services, trois en construction).

Les travaux des “fleet managers”

L’électrification des flottes est un défi pour les entreprises car la gestion de ce type de véhicule est plus compliquée qu’une voiture à carburant. Pour cette dernière, le fleet manager a peu de contact avec l’utilisateur, surtout pour le bon de commande. La réception d’un modèle électrique, le premier en tout cas, entraîne plus de demandes d’information, d’assistance, d’explications. La société Powerdale, qui fabrique des bornes et les commercialise à travers un réseau de revendeurs, a dû mettre en place un call center. “Habituellement l’assistance était assurée par les partenaires revendeurs ou installateurs, par les fleet managers“, explique Hugues Dhaeyer, cofondateur de Powerdale. L’afflux de questions, surtout dans les premières semaines d’utilisation, a été tel qu’il a fallu que Powerdale s’organise pour répondre en direct. Car il y a parfois des problèmes avec les bornes, leur utilisation est parfois mal comprise, etc.

Les nouvelles règles

  • A partir du 1er janvier 2026, les voitures émettant du CO2 ne pourront plus être fiscalement déduites. Seules celles qui n’émettent pas de CO2 (électriques et hydrogène) seront déductibles à 100% jusqu’à la fin 2026. Un taux qui diminuera progressivement jusqu’à 67,5% en 2031. ? De plus, la cotisation ONSS de solidarité sera augmentée sur les véhicules émettant du CO2. Les indépendants sont concernés par ces changements de déductibilité mais pas par la cotisation ONSS.
  • L’ATN (avantage en nature taxable) n’est pas modifié, le calcul actuel reste d’application. Celui-ci est favorable aux voitures électriques, le bénéficiaire n’étant pas pénalisé par le prix catalogue supérieur de ces véhicules, dans une certaine mesure. Mais ce dispositif pourrait encore changer ultérieurement.

“Il y a une offre dans chaque catégorie”

L’autre souci est l’offre. Elle s’élargit mais ne couvre pas encore tous les segments des voitures de société. Tous les salariés n’ont pas droit à une Tesla. “L’offre doit encore pas mal s’améliorer, déclare Frank Van Gool, directeur général de Renta, l’association belge des loueurs. Chaque année, on dit que ce sera mieux l’année suivante.” Certes, le très populaire segment C compte quelques modèles (VW ID. 3, KIA, Hyundai et, l’an prochain, la Renault Megane e-tech), mais tout cela reste limité.

“Sur papier, une offre existe dans chaque catégorie mais souvent, l’une ou l’autre limitation rend le choix difficile, continue Frank Van Gool. Il y a des modèles abordables mais qui offrent peu d’autonomie, des modèles qui possèdent une bonne autonomie mais ne rentrent pas dans le budget, des modèles qui n’acceptent pas d’attache-remorque, d’autres pour lesquels le temps d’attente est d’un an, etc. Mais nous avons bon espoir que cela s’arrangera d’ici 2023-2024.”

BMW, champion de la voiture de société, arrive maintenant avec de grands modèles (X3, grand SUV iX) mais n’a pas encore des Série 1, 2 ou 3 électriques, segments pourtant importants en entreprise. “Nous aurons une offre suffisante pour les échéances de la loi sur le verdissement, assure Eddy Haesendonck, CEO de BMW Belux. Tous les six mois, nous lancerons deux modèles, nous voulons être présents dans tous les segments avec des modèles électriques. ” Il y en aura au moins un dans chaque catégorie à l’horizon 2023.

(*) Au moment où nous achevions cet article, la loi n’était pas encore votée. Les données sur les changements fiscaux sont donc indiquées sous réserve de confirmation dans l’ultime version du texte.

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