Belfius et Proximus sur le terrain des néo-banques
Le bancassureur et l’opérateur télécom se lancent ensemble sur le marché des néo-banques avec une plateforme bancaire 100% digitale se voulant soucieuse de notre planète. Objectif: capter 150.000 clients d’ici 2025. Pour y parvenir, le duo mise sur quatre atouts.
Depuis quelques jours, la Belgique compte une nouvelle marque bancaire: Banx. Quinze mois après l’annonce en grande pompe de leur collaboration, Belfius et Proximus ont (enfin) officiellement lancé leur néo-banque, qui a tout pour devenir “la meilleure du monde”, selon les propres termes du CEO de Belfius Marc Raisière. Une nouvelle expérience bancaire 100% belge qui comprend plusieurs ingrédients.
1. Une association unique
Se parant d’un logo rouge et mauve rappelant les couleurs de Belfius et Proximus, Banx est la première réalisation concrète du partenariat stratégique signé au printemps 2020 par la banque et l’opérateur télécom. Une alliance unique en son genre, de deux leaders dans leurs secteurs respectifs, et qui ont comme même actionnaire de référence l’Etat belge. “Nous avons vérifié, c’est une première mondiale”, se réjouit Marc Raisière.
Banx est la première réalisation concrète du partenariat stratégique signé au printemps 2020 par la banque et l’opérateur télécom.
Les deux protagonistes font en effet valoir que l’objectif est de créer des écosystèmes locaux et de venir avec des alternatives belgo-belges aux services digitaux proposés par les géants du net. Avec une approche européenne, c’est-à-dire tout en garantissant une totale transparence quant à l’utilisation des données personnelles des clients. “Proximus est un opérateur de confiance, en contact avec plus de 50% des citoyens belges, rappelait son CEO Guillaume Boutin, au lendemain de la méga-panne de Facebook. Nous voulons devenir le chef d’orchestre de l’ensemble de leurs services digitaux au quotidien. Il ne faut pas avoir peur de se confronter aux géants du net. ” Ni aux néo-banques, ces acteurs 100% digitaux (sans agences) qui bousculent le secteur bancaire.
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2. La carte du “durable”
Pour se démarquer des autres néo-banques telles que Revolut ou N26, Banx met l’accent, en plus des fonctions bancaires classiques, sur un nouveau concept: le slowbanking. “C’est réconcilier la vitesse du digital avec la nécessité de ralentir pour la planète”, soutient Guillaume Boutin qui ajoute: “La vie digitale dont nous rêvons chaque jour, est une vie digitale qui nous ressemble, c’est- à-dire locale, sûre et responsable”. D’où la présence dans l’appli d’un dashboard CO2 développé par la start-up suédoise Doconomy et grâce auquel les utilisateurs peuvent avoir un aperçu de l’impact de chacune de leurs dépenses sur la planète (exprimé en kilogrammes de CO2). Une fonction unique en Belgique mais qui fonctionne sur des moyennes sectorielles (alimentation, vêtements, etc.). Traduction: l’outil n’est pas en mesure de faire la différence entre des fraises de Wépion ou des myrtilles du Kenya…
Autre gadget “vert”: il est possible de collecter des points à chaque utilisation écoresponsable de l’app (si on retire peu de cash, par exemple). Des points qui peuvent ensuite être utilisés pour obtenir des ristournes auprès de commerçants locaux et “durables” comme eFarmz, A.S. Adventure ou encore Kazidomi.
Plus prosaïquement, les clients peuvent choisir entre deux formules tarifaires. La première, baptisée Essential, comprend un numéro de compte et une carte de débit sans contact (Mastercard). Elle est gratuite à condition d’effectuer cinq transactions par mois. Si ce minimum n’est pas atteint, une somme de 3,5 euros sera débitée du compte. La seconde formule, dite Premium, est payante et revient à 6,50 euros par mois. Elle permet d’avoir accès à plusieurs comptes (deux individuels et un commun) et à plusieurs cartes. A noter que toutes ces cartes sont fabriquées avec des matériaux recyclés à hauteur de 85%. Quant à l’inscription, “elle se fait en cinq minutes et votre compte bancaire est directement actif”, souligne Izzy Van Aelst, head of Banx chez Belfius (lire l’encadré ci-dessous).
Appelez-le mister Banx…
Chez Belfius, Banx sera dirigée par Izzy Van Aelst, jeune quadra au profil atypique. Avant de rejoindre le groupe de banque et d’assurance public, ce diplômé en droit de la KU Leuven a occupé diverses fonctions dans le domaine du marketing et de la communication chez BNP Paribas Fortis, Ageas et NN, après des premiers pas professionnels chez Mondelez où il s’est occupé des biscuits Tuc. En Flandre, ce Louvaniste né à Kinshasa est également connu pour avoir participé à l’émission Idool et avoir été présentateur sur la chaîne Jim TV.
3. La machine Belfius
Si le lancement de Banx bénéficiera de la force de frappe marketing de Proximus, Belfius reste néanmoins le chef en cuisine. “Cela permet de créer la confiance et de rassurer les consommateurs potentiels, observe Olivier de Groote, partner chez Deloitte. Faire de la banque est complexe. Il faut être très prudent. C’est un métier hautement régulé. C’est pour cette raison que ce partenariat a beaucoup de sens. Chacune des deux parties joue sur ses forces et nourrit l’autre.” Rien à voir par exemple avec Orange Bank, lancée par l’opérateur français en 2017 et qui, depuis, peine à faire ses preuves. Car ici, aucune entité juridique à part n’a été constituée. Et aucune licence bancaire n’a été accordée à Proximus.
Chacune des deux parties joue sur ses forces et nourrit l’autre.”
Olivier de Groote (Deloitte)
Comme le souligne le slogan des deux entreprises, Banx est imaginée par Proximus et réalisée par Belfius. Dit autrement, il s’agit d’un produit développé en marque blanche par Belfius au départ de sa propre appli (Belfius Mobile, 1,7 million d’utilisateurs), avec nombre de fonctionnalités en moins pour ne pas cannibaliser son offre. Mais cela signifie que Banx donne accès à des comptes bancaires belges (ce qui n’est pas le cas de toutes les néo-banques dont les comptes sont bien souvent étrangers: français, allemands, britanniques…). En clair, ceux ouverts via Banx sont logés chez Belfius. Proximus ne s’improvise donc absolument pas banquier. Pour répondre aux exigences de la FSMA (l’un de nos deux gendarmes financiers avec la Banque nationale) et respecter la législation sur les ventes couplées, Proximus associe simplement sa notoriété et sa large base de clientèle au produit géré par Belfius. Son rôle se limite à celui “d’apporteur d’affaires”, précise Izzy Van Aelst. Ce n’est d’ailleurs qu’après avoir ouvert un compte chez Banx que Proximus pourra éventuellement proposer certains avantages à ses clients, et ainsi ajouter une couche à ses services digitaux.
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4. Une double facette commerciale
En plus de vouloir empêcher l’arrivée d’autres néo-banques sur le marché belge, “le but de l’opération est bien sûr de créer des synergies“, note Olivier de Groote qui estime que “le champ du possible est potentiellement énorme, que ce soit au niveau du concept, du produit, de l’expérience client ou du potentiel de vente”. Grâce à son association avec Proximus (plus de 4 millions de clients mobiles), Belfius va en effet bénéficier d’un nouveau canal de vente. Un canal d’autant plus large que Banx est accessible à tout le monde et pas uniquement aux clients Proximus ou aux jeunes, qu’on sait plus sensibles au digital. L’objectif est d’attirer 150.000 clients à l’horizon 2025. Réaliste? Comme toutes les banques, Belfius doit dégager de nouvelles sources de revenus pour compenser la faiblesse des taux d’intérêt. Ainsi, les clients Banx pourront investir, à partir de 25 euros par mois, dans quatre fonds de placements “verts” commercialisés par Belfius (deux fonds d’actions et deux fonds obligataires). A terme, l’offre pourrait se voir enrichie d’autres produits comme des assurances, certaines formules de crédit, etc. Autant de produits générateurs de commissions et d’intérêts pour le bancassureur. D’un autre côté, tous les clients de Belfius ont depuis quelques jours accès à une nouvelle offre intégrant des services télécoms de Proximus baptisée Beats. De quoi s’agit-il? D’un abonnement mensuel qui associe un volet bancaire (comptes, cartes et assurances) à un volet télécom (abonnement internet, téléphonie, TV, et mobile). Dans le jargon, cela s’appelle du cross-selling.
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5. Des ambitions internationales
Si le succès est au rendez-vous, Marc Raisière n’exclut pas d’exporter le concept. “Nous sommes trop modestes en Belgique, tranche le CEO de Belfius. Nous avons des talents extraordinaires. Nous avons sans doute les meilleurs ingénieurs, des développeurs IT extrêmement performants, une capacité d’innovation absolument formidable…” Verra-t-on dès lors un jour Banx s’attaquer à l’un ou l’autre marché en dehors de la Belgique? L’avenir le dira. Aucun projet concret ne semble pour le moment dans les cartons. Mais une chose est sûre: la crise sanitaire a accéléré la digitalisation de l’économie et l’utilisation des services financiers en particulier. Comme nous le révélions dernièrement, le bureau de consultance Sia Partners plaçait voici quelques jours Belfius au sommet de son classement mondial des meilleures apps, juste derrière KBC, mais devant les néo-banques leaders en la matière, Revolut et N26. Une belle récompense qui laisse entrevoir de belles opportunités. Le digital présente en effet cet immense avantage pour une entreprise de ne pas devoir se limiter à ses frontières nationales…
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