Mandat de Wunsch à la Banque nationale: le retour de vieilles querelles politiques

Alain Mouton Journaliste chez Trends  

En raison de désaccords au sein du gouvernement De Croo, la Belgique se retrouve momentanément sans gouverneur de la Banque Nationale. La prolongation du mandat de Pierre Wunsch est retardée. Sa reconduction est liée au pourvoi d’un certain nombre de postes de haut niveau dans des départements gouvernementaux tels que le service public fédéral Finances. En coulisse le PS et le CD&V s’affrontent, car  chacun considère la fonction publique comme leur chasse gardée.

Le Conseil de régence de la Banque Nationale se réunit aujourd’hui. Ce sera sans son gouverneur Pierre Wunsch. Le renouvellement de son mandat est en effet bloqué suite à des tensions au sein du gouvernement Vivaldi. Normalement, le feu vert pour un second mandat de Wunsch aurait dû être donné fin décembre. Mais le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), a freiné des quatre fers. Tant qu’il n’y a pas d’accord sur ses projets concernant les suppléments d’honoraires pour les médecins, il bloque la nomination d’un certain nombre de hauts fonctionnaires. Il est soutenu en cela par le PS. Conséquence : depuis le 1er janvier, la Belgique est officiellement sans gouverneur de la Banque Nationale. Et ce, au moment même où débute la présidence belge de l’Union européenne. Un nouveau revers pour le gouvernement De Croo.

Le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) a déjà reçu une lettre de Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, lui rappelant les obligations internationales de notre pays. Elle l’aurait exhorté à trouver une solution. La réunion du Conseil de régence devrait apporter des éclaircissements et une solution temporaire est attendue jusqu’à ce que Wunsch soit reconfirmé dans ses fonctions.

Le plus grand département fédéral

Si personne ne doute des compétences de M. Wunsch, il faudra peut-être un certain temps avant que le feu passe au vert. Car un accord doit d’abord être trouvé sur un certain nombre d’autres nominations à des postes de haut niveau dans des ministères. Le fait de lier ces nominations au mandat du gouverneur de la Banque Nationale rappelle la culture politique qui régnait le siècle dernier. À l’époque, les hauts fonctionnaires n’étaient nommés qu’à l’issue d’un marchandage. Un grand classique en Belgique et au bout duquel toutes les parties devaient être servies.

Plus d’une fois, les capacités des hauts fonctionnaires ont été mises en question. Aujourd’hui, les procédures sont plus transparentes et l’on attend des candidats qu’ils obtiennent des résultats satisfaisants aux examens et aux évaluations. C’est désormais le cas des candidats au poste de numéro un du Service public fédéral (SPF) Finances, le plus grand département avec 20.000 employés.

Deux candidats sont en lice pour succéder à Hans D’Hondt, qui a pris sa retraite. Filip Van de Velde, actuellement chef de cabinet du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V), et Arnaud Vajda, du service public Politique scientifique, teinté PS. Tous deux ont obtenu la note A requise. Le candidat du PS s’est classé deuxième. A ce stade, le jeu politique classique se met en place.

Lutte acharnée pour le SPF Finances

Le PS veut reprendre le contrôle du SPF Finances. Les socialistes francophones le considèrent comme leur chasse gardée, tout comme les démocrates-chrétiens d’ailleurs.

Autrefois, en tant que plus grand service public, le SPF Finances était le cadre de vieilles querelles politiques. À l’époque du gouvernement Michel (2014-2019), les relations entre le SPF Finances et le ministre des Finances de l’époque, Johan Van Overtveldt (N-VA), étaient souvent tendues. Comme la N-VA avait peu d’expérience des cabinets fédéraux, des fonctionnaires du SPF Finances ont été détachés. A ceci près que ces derniers ont suivi l’agenda du département gouvernemental fortement marqué par le CD&V plutôt que celui du ministre.

Pendant les gouvernements Verhofstadt (1999-2007), la guerre entre le PS et le ministre des Finances de l’époque, Didier Reynders (MR), a été encore plus douloureuse. Reynders voulait baisser les impôts, mais se heurtait invariablement au veto du PS. Il a alors eu recours à des solutions de contournement, notamment en rendant l’administration fiscale moins stricte. Un certain nombre de hauts fonctionnaires libéraux du SPF Finances l’ont aidé dans cette tâche. Mais Reynders n’a jamais eu les coudées franches. Le poste crucial de directeur général des Impôts et de la Perception est confié au PS Jean-Marc Delporte. Il devient le numéro un du SPF Finances, une victoire pour le PS. Après la période Hans D’Hondt, les socialistes francophones veulent à tout reprendre le contrôle de la puissante fonction publique.

Un gouverneur “ministre libéral”

Le fait que la reconduction de Wunsch soit brièvement reportée à cette fin est donc une bonne nouvelle pour le PS. En effet, personne chez Vivaldi ne doute de ses capacités, mais la gauche s’agace parfois lorsque le gouverneur de la Banque nationale donne des conseils politiques qu’elle n’apprécie pas. Par exemple l’adoption d’un budget sain ou la limitation des salaires pour garantir la compétitivité des entreprises. M. Wunsch n’a pas hésité non plus à souligner les grandes différences régionales en matière de taux d’emploi entre la Flandre et la Wallonie. De quoi rendre le PS nerveux. Même si la situation ne peut être comparée à celle qui régnait sous du gouvernorat de feu Luc Coene (2011-2015). Lors des interviews, il s’est souvent montré très dur à l’égard de la politique gouvernementale, ce qui lui a valu au sein du PS l’étiquette de “ministre libéral en dehors du gouvernement”.

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