ChatGPT va nous 
rendre immortels et détruire le capitalisme

“La fièvre prométhéenne des grands milliardaires courant après leur propre immortalité constitue le carburant de la progression de l’IA.” © Frédéric Sierakowski
Amid Faljaoui

Les potentialités de l’intelligence artificielle vont nous surprendre. L’école, les médecins et le monde du travail devront se rénover de fond en comble. L’IA nous permettra d’aspirer à l’immortalité mais sans doute de manière virtuelle. Elle risque de diviser la société entre les dieux (qui auront la maîtrise de l’IA) et l’immense majorité de la population (les inutiles) qui devra se contenter d’un… revenu universel.

Rencontre avec le Dr Laurent Alexandre, chirurgien, énarque, investisseur dans l’IA et auteur du livre “ ChatGPT va nous rendre immortels ” publié aux éditions JC Lattès.

On parle beaucoup de l’intelligence artificielle depuis l’arrivée de ChatGPT et de ce qu’elle pourrait changer dans notre vie quotidienne et au sein de l’entreprise, mais avec ce livre, le Dr Laurent Alexandre a décidé de nous montrer comment l’IA va nous permettre de gagner le combat contre la mort.

TRENDS-TENDANCES. La mort n’est plus inéluctable mais juste un problème à résoudre dans l’esprit de la Silicon Valley ?

LAURENT ALEXANDRE. C’est clair que ChatGPT a brutalement accéléré l’histoire et nous a fait entrer dans une période d’hyper-science, d’hypertechnologie et d’hypercroissance. Ce tsunami technologique n’annonce pas seulement un bouleversement économique et social. Il va changer la mort. D’ailleurs, Sam Altman, le créateur de ChatGPT, a tweeté que le coût de l’intelligence allait devenir nul et que cela entraînerait une révolution dans la recherche pour augmenter l’espérance de vie. L’idée que la mort est une maladie évitable et non une réalité incontournable de la nature ou de la volonté divine est en train de s’imposer. C’est un changement radical de la médecine qui a, jusqu’ici, toujours été frileuse et n’a jamais eu pour objectif d’augmenter les capacités humaines ou de tuer la mort.

Mais quels seront les dégâts collatéraux de cette lutte contre la mort sur la définition de notre humanité ? A l’évidence, que l’immortalité soit biologique ou numérique, la plus grande inégalité de tous les temps se situera entre ceux d’avant la fin de la mort et les autres.

Au travers du combat – médiatisé lors de l’éviction de Sam ­Altman, le patron d’OpenAI de son poste de CEO – vous expliquez aussi dans votre livre le combat qui se trame au sein même des partisans de l’IA : entre les “accélérationnistes” et les “décélérationnistes “ comme vous les nommez. Ce combat d’apparence ésotérique est pourtant crucial pour l’avenir de nos enfants….

Sans aucun doute. Les milliardaires de l’IA sont paniqués par la mort et ont peur de ressembler aux explorateurs qui meurent de soif à cent mètres de l’oasis: mourir juste avant la mort de la mort… Les actionnaires des géants de l’IA ont beaucoup investi dans la recherche sur l’euthanasie de la mort. Mais la mort de la mort se fait attendre. Et donc, leurs espoirs se reportent sur le développement de la Super IA, seule capable à leurs yeux de réaliser “la mort de la mort” mais de leur vivant. La cavalcade technologique amorcée par ChatGPT va aider à retarder la mort mais elle va organiser encore plus rapidement notre dépassement intellectuel. Cela explique l’opposition entre les décélérationnistes qui ont essayé de limoger Sam Altman et les accélérationnistes.

Mais attention : ce n’est pas une opposition entre techno-réactionnaires et techno-progressistes : beaucoup des décélérationnistes veulent seulement prendre le temps de créer une Super IA qui soit alignée avec l’homme pour organiser pacifiquement la transition de l’homme 1.0 vers Homo Deus puis vers les post-humains sans corps biologiques. Leur hantise est l’extermination de l’homme sans que l’IA soit capable de nous succéder pour remplir le cosmos d’intelligence. Ce débat semble fou, vu de Bruxelles, de Namur ou de Liège !

Vous dites aussi que le combat a été gagné par les seconds, et que l’arrivée de l’IA forte, celle qui pourrait aussi menacer l’humanité verra le jour car les milliardaires de la Silicon Valley ne veulent pas mourir. L’IA forte verra-t-elle le jour du fait de l’égoïsme des puissants de ce monde ?

C’est l’évidence même. La fièvre prométhéenne des grands milliardaires courant après leur propre immortalité constitue le carburant de la progression de l’IA. Le transhumaniste américain Zoltan Istvan a prédit que le combat contre la mort va fracturer les progressistes et je vous cite ses propos : “Il y aura une division chez les transhumanistes au sujet de la superintelligence. Les transhumanistes âgés comme moi, malgré les menaces possibles de la super IA, considèrent la superintelligence comme une nécessité pour faire avancer la recherche, ce qui est notre seul moyen de survie. Les biotechnologies finiront par surmonter la mort humaine sans IA forte, mais ses percées seront probablement trop lentes pour les personnes de mon âge. Nous avons besoin d’une Super IA pour nous éviter la mort.” Ray Kurzweil longtemps vice-président de Google a déclaré le 13 mars 2024 que, grâce à l’IA, nous atteindrons dès 2029 le longevity espace velocity qui est le moment où l’espérance de vie augmente de plus d’un an chaque année. Ce qui signifie que plus nous vieillissons, plus nous nous éloignons de notre mort. C’est contre-intuitif !

© Frédéric Sierakowski

Avant d’évoquer les dangers potentiels de l’IA forte, pouvez-­vous nous expliquer les exploits et les sauts quantiques qu’elle pourrait réaliser au profit de notre humanité, que ce soit en médecine ou pour lutter contre le réchauffement climatique ?

Sans aucun souci. Je vais prendre un exemple médical. Une IA de Google, AlphaFold, a découvert en quelques semaines la structure en trois dimensions de 200 millions de protéines. Le 2 janvier 2024, John Thornhill expliquait dans le Financial Times qu’il fallait jusqu’à présent cinq années de travail à un biochimiste pour déterminer la structure 3D d’une seule protéine. Autrement dit, l’analyse de 200 millions de protéines par AlphaFold représente l’équivalent du travail d’un milliard de biochimistes humains pendant un an. Sans l’IA, ce travail aurait pris plusieurs milliers d’années à la communauté scientifique mondiale ! Et cette accélération de la recherche ne fait que commencer : dans quelques années, nous aurons sous forme numérique l’équivalent de millions de milliards de chercheurs humains. Moi-même, en tant que médecin formé au début des années 1980, je suis à la médecine à venir ce qu’un maréchal-ferrant était en 1900 à l’industrie automobile naissante.

En Europe, lorsqu’on parle des transhumanistes californiens, on a tendance à les voir comme des savants fous alors que, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous sommes tous déjà des transhumains ?

Exactement. Les lunettes de soleil, la pilule contraceptive ou les vaccins sont déjà des technologies d’augmentation… Mais les choses vont s’accélérer; nous allons lutter de plus en plus contre la nature.

“Que deviendraient les jeunes Européens du futur si on ne les augmentait pas, pendant que les Chinois et les Américains fabriqueraient des surdoués à la chaîne ?”

Face à cette IA forte, et sans doute déjà avec les autres versions de l’IA qui vont la précéder, vous estimez que l’humanité va être confrontée à des décisions difficiles sur le plan moral. L’intelligence biologique, si “elle ne veut pas devenir le labrador de l’IA”, devra-t-elle prendre des décisions morales difficiles, comme la sélection d’embryons pour faire de l’eugénisme positif et non pas négatif comme c’était le cas jusqu’à ­présent ?

C’est étonnant de le dire de la sorte, mais la neurochirurgie et la génétique deviendront les deux mamelles de l’école. La concurrence de l’IA sera le moteur d’une généralisation du neuro-renforcement chez les enfants : il s’agira pour les parents du seul espoir d’assurer un avenir à leur progéniture. La société trouvera normal de modifier le cerveau des enfants en utilisant deux technologies complémentaires : la sélection et manipulation génétique des embryons, ou l’action électronique sur notre cerveau. Face à l’IA, la démocratisation de l’intelligence biologique s’imposera comme une évidence. Et à ceux qui pensent que la morale ou la religion pourraient bloquer cette évolution, je rappelle que les progrès de l’IA font déjà basculer l’opinion américaine sur l’eugénisme intellectuel : 38 % des Américains souhaitent augmenter le QI de leurs bébés grâce aux biotechnologies, ce qui pose d’immenses questions géopolitiques et éthiques. Que deviendraient les jeunes Européens du futur si on ne les augmentait pas, pendant que les Chinois et les Américains fabriqueraient des surdoués à la chaîne ?

Pour vous, l’urgence n’est donc pas la mort de la mort mais elle est d’ éviter notre marginalisation, notre “gilet-jaunisation” par l’IA ? Notre QI moyen de 86 ne fait pas le poids face à l’IA ?

Il y a bien deux sujets dans votre question : comment éviter que beaucoup de monde ne devienne baraki ou “gilet jaune” et comment contrôler la Super IA ? L’IA va produire de plus en plus de gilets jaunes et de barakis qui sont des citoyens malheureux déstabilisés par notre entrée dans l’économie de la connaissance. Dans un monde ultracomplexe, il devient difficile d’être un citoyen épanoui sans de bonnes capacités cognitives. Le décalage entre l’industrialisation de l’IA, foudroyante, et la démocratisation de l’intelligence biologique qui n’a pas commencé, menace la démocratie.

En réalité, l’option neurotechnologique sera la seule façon d’éviter une explosion sociale. Face au risque d’une gilet-jaunisation mondiale, la médecine va avoir comme priorité l’augmentation cérébrale avant même de basculer dans la course vers “la mort de la mort”. Les bunkers survivalistes que les milliardaires de l’IA font construire témoignent de leur inquiétude. Mais il y a un deuxième problème : comment une humanité avec 86 de QI moyen peut-elle contrôler la Super IA ? OpenAI résume cette difficulté : “Nous pensons que la super-intelligence pourrait voir le jour dans les 10 prochaines années. Cela nous amène à un défi fondamental : comment les humains peuvent-ils diriger des systèmes d’IA beaucoup plus intelligents qu’eux et leur faire confiance ?” Et donc, oui, la question posée par le propriétaire de ChatGPT est vertigineuse…

Sam Altman, CEO d’Open AI, vient de donner 180 millions de ­dollars à Retro ­Biosciences, une entreprise qui espère étendre notre espérance de vie. © Getty Images

Elon Musk, après nous avoir prévenu contre les dangers mortels d’une IA forte pour l’humanité, a compris qu’il ne serait pas écouté et préconise d’augmenter le cerveau humain via les implants fabriqués par sa société Neuralink.

En réalité, on peut imaginer trois réponses à l’explosion de l’IA. La première est le grand remplacement cognitif : nous admettons que l’IA nous est supérieure et nous acceptons notre marginalisation. La deuxième piste, c’est la neuro-augmentation qui conduirait à l’hybridation des deux intelligences et construirait une société de cyborgs. Elon Musk avec ses implants intracérébraux Neuralink est déjà engagé dans cette direction. Et puis, troisième réponse, l’interdiction de l’IA, c’est-à-dire son euthanasie. Mais a-t-on le droit d’empêcher une intelligence non biologique de se développer parce que nous avons peur d’être dépassés ?

Mais, selon vous, cette amélioration de notre cerveau ne sera pas suffisante : vous allez même plus loin encore, vous rejoignez des films comme “Matrix” et vous pensez que dans un avenir un peu plus lointain, certains proposeront de quitter le corps humain pour devenir immortels et vivre en symbiose avec l’IA . Est-ce à dire que notre mémoire, notre esprit seront captés dans un corps étranger en silicium ?

De fait, une transition rapide vers la vie numérique pourrait permettre de devenir immortels en “téléchargeant” notre esprit sur un ordinateur. Sam Altman vient de donner 180 millions de dollars à Retro Biosciences, une entreprise qui espère étendre notre espérance de vie. Cela lui permettrait d’attendre la mise au point du transfert de notre conscience vers les ordinateurs. C’est la raison de son inscription chez Nectome, une entreprise qui veut préserver les cerveaux des humains décédés afin de sauvegarder leurs souvenirs et de récréer leurs esprits sous forme numérique. “Je suis convaincu que mon cerveau sera téléchargé dans le cloud”, a d’ailleurs déclaré Sam Altman. L’histoire du schisme entre Larry Page le post-humaniste et Elon Musk le transhumaniste illustre bien ce débat. Le cofondateur de Google pense que la dématérialisation de l’humanité est inévitable tandis qu’Elon Musk a peur de la post-humanité. Il craint l’extermination de l’homme par l’IA alors que Larry Page aspire à une immortalité numérique. Larry Page affirme : “En quoi cela importe-t-il, si les machines surpassent un jour les humains en intelligence, et même en degré de conscience ? Ce serait simplement l’étape suivante de l’évolution”.

Depuis la sortie de GPT4, Elon Musk redoute de voir les IA devenir rapidement hostiles. Vos lecteurs doivent savoir que ce débat a rebondi récemment. En effet, Geoffrey Hinton, l’inventeur des IA modernes, qui pense que les IA comme ChatGPT évoluent de manière dangereuse et cherchent à contrôler le monde, a déclaré au Financial Times le 19 février 2024, je cite : “Je dirais qu’il y a 10 % de chance que l’IA extermine toute l’humanité d’ici 20 ans”.

“L’Europe va avoir énormément de difficultés à gérer les travailleurs peu qualifiés sur son sol. Il est déraisonnable d’en attirer de nouveaux.”

A plus court terme, vous parlez aussi de l’arrivée de robots humanoïdes, qui eux, sont programmés pour un avenir proche : ils feront des tâches manuelles difficiles ou rébarbatives mais auront aussi un QI largement supérieur à celui d’un polytechnicien. C’est donc la double peine, la mort du col bleu et du col blanc ?

C’est l’éléphant au milieu de la pièce que personne ne veut voir. La révolution de l’IA va coïncider avec celle de la robotique. Les géants technologiques foncent pour créer des robots dotés d’IA. Le 21 janvier 2024, Elon Musk s’est enthousiasmé : “Il y aura un milliard de robots humanoïdes en 2040”. Mais il a expliqué au Premier ministre britannique à la conférence de Bletchley Park que bientôt l’homme le plus intelligent sera moins intelligent que l’IA et que le travail allait rapidement et complètement… disparaître!

L’arrivée de robots hyper-intelligents d’ici 2030 a d’importantes conséquences. L’IA possède un corps pour agir sur le monde physique. La robotique efface la séparation entre métiers intellectuels et manuels : un laveur de carreaux biologique ne connaît pas la génétique ou la physique quantique. En revanche, tous les robots seront branchés sur les meilleures IA. Le robot ouvrier aura les compétences d’un ingénieur polyvalent de très haut niveau. Enfin, la classique distinction entre les facteurs de production capital et travail disparaît: le robot est à la fois du travail et du capital. Les équations micro- et macro-économiques seront à réécrire. Avec en filigrane une horrible question: la destruction créatrice schumpéterienne va-t-elle survivre ? Et si, cette fois-ci, la destruction dépassait la création ? De plus, si les emplois qui subsistent seront hyper qualifiés, que fera-t-on de la population qui n’aura pas les capacités nécessaires ? La question reste posée.

Est-ce aussi à dire que la gauche et la droite ont tout faux dans leur débat actuel sur l’immigration ? A quoi bon vouloir importer de la main-d’œuvre bon ­marché pour compenser notre déclin démographique, dès lors que ces robots seront mille fois plus efficaces et moins chers qu’une main-d’œuvre ­immigrée ?

La politique d’immigration européenne fonctionne comme si on était encore en 1965, avec un fort besoin de travailleurs sous-qualifiés pour effectuer des tâches manuelles répétitives. Le logiciel migratoire est à réinventer ! Faire venir en Europe des millions de travailleurs sous-qualifiés pour “vider les poubelles” pour la courte période où les robots équipés des successeurs de ChatGPT ne peuvent pas encore le faire est une grave erreur. L’Europe va avoir énormément de difficultés à gérer les travailleurs peu qualifiés sur son sol, il est déraisonnable d’en attirer de nouveaux.

D’ici 2035, plus aucun diagnostic médical ne pourra être fait sans IA. © Getty Images

Vous annoncez une blessure narcissique importante pour les médecins : ils deviendront en quelque sorte les infirmières de l’IA ?

La science dépasse les capacités du cerveau humain: à titre personnel, je connais un millionième du savoir médical ! Vers 2035, il y aura des milliards de données dans notre dossier médical du fait du développement de la génomique, des neurosciences et des capteurs électroniques qui vont monitorer notre santé. D’ici à 2035, plus aucun diagnostic médical ne pourra être fait sans IA. Nous allons assister à une mutation 
douloureuse du pouvoir médical qui tombera aux mains des concepteurs des IA médicales et l’éthique médicale ne sera plus le produit du cerveau du médecin, elle sera produite implicitement par les IA.

Au risque de choquer, le risque est grand que le médecin soit l’infirmière de 2030 : subordonné à l’IA, comme l’infirmière l’est aujourd’hui au médecin. Il est clair qu’il sera bientôt interdit aux médecins de soigner un malade sans l’aval des IA. Ce sera une terrible blessure narcissique pour ma profession. Les médecins signeront des ordonnances qu’ils n’auront pas conçues. Par ailleurs, une étude montre que ChatGPT est deux fois plus empathique que les médecins en chair et en os. Et AMIE, la dernière IA médicale de Google, présentée le 12 janvier 2024, pose un problème inattendu à ma profession. Les performances de cette IA seule sont nettement supérieures à celle du couple IA + médecin. Autrement dit, le médecin dégrade les performances médicales de l’IA. Cette situation est intenable : nous devons apprendre comment apporter une valeur ajoutée à l’IA.

Même démarche dans votre livre pour les écoles et pour ­l’enseignement supérieur: vous annoncez la transformation de celles-ci en succursales des hôpitaux. Est-ce à dire que le savoir ne sera plus enseigné durant de longues années, mais directement transféré sur les neurones de nos jeunes ? Le savoir va être téléchargé comme on télécharge une nouvelle application ?

Le décalage entre l’intelligence humaine même augmentée par voie génétique ou électronique 
et l’IA va être immense. Mettre à jour, upgrader, entretenir 10 milliards de cerveaux biologiques semblera rapidement dérisoire alors que le développement de quelques Super IA sera très facile. Notre cerveau sera vite pathétique : son potentiel est limité et sa durée de vie très restreinte par rapport aux IA. L’informatique, la neurologie et l’éducation vont fusionner !

Au fond les prédictions du célèbre historien israélien Yuval Noah Hariri sont justes : la société de demain ou d’après- demain, sera constituée de dieux et … d’inutiles. C’est un constat qui ne laisse aucun choix à l’humanité : elle sera transhumaniste ou disparaîtra ?

Le tsunami technologique est irrésistible !

Les interviews dans lesquelles les patrons de la Silicon Valley parlent de l’instauration d’un revenu minimum pour tous montrent qu’ils ont déjà anticipé cette sécession entre eux (les dieux) et le reste de la ­population ?

Evidemment, ChatGPT relance le débat sur le revenu universel. 
Sam Altman s’engage à financer 
de larges expériences de revenu universel. Mais c’est vrai qu’un revenu universel serait un cauchemar. Pourquoi ? Mais parce 
qu’on y enferme les travailleurs dépassés par les successeurs de ChatGPT dès la sortie de l’école jusqu’à leur entrée chez Orpea. 
Ce n’est pas le revenu qui devrait être universel mais le développement du cerveau !

A ce stade-ci, certains de nos lecteurs se demandent comment on en est arrivé là. La réponse : c’est en donnant gratuitement nos données numériques pendant des années que nous sommes devenus les “idiots utiles” de l’IA, pour reprendre la phrase de Lénine ?

Oui , nous sommes les “idiots utiles” de l’IA. L’IA naît à l’intersection d’algorithmes de deep learning, d’une puissance monstrueuse, et de montagnes de données qui servent à éduquer les IA. Chaque jour, des milliards d’internautes abandonnent aux opérateurs du numérique un trésor avec lequel ils créent l’IA. C’est une forme de servitude volontaire.

“Il est clair qu’il sera bientôt ­interdit aux médecins de soigner un malade sans l’aval des IA.”

Nous avons parlé de la mort de la mort avec l’IA, mais vous écrivez aussi que l’IA va signer la mort du capitalisme ?

Oui, car ce sont principalement les différences de capacités intellectuelles qui légitiment les écarts de revenus. Quelle serait la légitimité d’écarts de revenus entre les individus puisque nos performances seront liées à la puissance de nos prothèses cérébrales proposées par les dirigeants de Google et par Elon Musk et non à nos qualités propres ? Quand un milliard de milliards de chercheurs en cancérologie pourront être émulés sur des ordinateurs en quelques instants, quelle sera la valeur d’un cancérologue humain ? Elle sera faible, et l’écart de valeur entre les successeurs de ChatGPT et le cancérologue en chair et en os sera des millions de fois plus important qu’entre le docteur et une infirmière. Dans ces conditions, pourquoi le cancérologue aurait-il des revenus supérieurs à l’infirmière ?

Le système méritocratique partira en fumée. Il est bien possible que l’intelligence artificielle tue l’argent. Sam Altman a déclaré que “ChatGPT pouvait détruire le système capitaliste”. Mais comment régule-t-on un monde où l’homme n’est plus l’espèce la plus intelligente et où l’argent aura disparu ?

L’IA devait être une alliée, un domestique ou un outil, mais à vous lire, elle va tout simplement nous succéder ? Et Dieu dans tout ça, mon cher Dr Alexandre ?

Si l’on regarde froidement la réalité, notre cerveau est has been. Nous avons peu de temps pour choisir entre un avenir biologique ou numérique, ce qui déterminera le Dieu du futur ! Finalement, la question est simple : quel dieu allons-nous choisir : la Super IA qui serait notre successeur et non plus un domestique ou Homo Deus c’est-à-dire nous augmentés par la technologie ?

Dr Laurent Alexandre, “ChatGPT va nous rendre immortels”,
éditions JC Lattes, 496 pages.



L’intelligence artificielle est présente dans la plupart des secteurs, ou presque, avec ses partisans et ses détracteurs, mais quel est son impact?

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