Tesla et les constructeurs chinois menacent les constructeurs européens : “le risque est imminent”
Le sujet numéro un du Salon de l’Auto de Munich ? Le sort des constructeurs généralistes européens, qui affrontent une menace existentielle avec le passage à la voiture électrique.
« Le segment des voitures de base va soit disparaître, soit ne sera plus fourni par des constructeurs européens », a prévenu le CEO de BMW, Oliver Zipse, lors d’une conférence de presse précédent le Salon IAA, qui s’ouvre ce mardi 5 septembre. « Je souhaite envoyer un message : le risque est imminent », a-t-il déclaré au Financial Times.
Il estime que BMW, qui vend surtout des autos premium à plus de 40.000 euros, n’est pas directement touché. Ce sont surtout les constructeurs généralistes qui sont les plus exposés, tels Renault ou Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat, DS …).
En fait, la pression vient de deux directions différentes. Les constructeurs chinois ont la capacité de commercialiser des autos électriques moins chères en Europe, en raison d’une plus grande compétitivité, à la fois sur les coûts et sur la technologie. Tesla met aussi en difficulté ses concurrents européens en réduisant ses tarifs cette année. Les constructeurs généralistes européens ne veulent et ne peuvent suivre ces baisses de prix, car leurs autos électriques sont, pour l’heure, peu ou pas rentables.
La pression chinoise : encore symbolique, mais…
D’abord les Chinois. Leur présence est encore, disons, symbolique. Selon la société d’étude Schmidt Automotive Research, les marques chinoises représentent 10% des ventes de voitures électriques en Europe occidentale durant le mois de juillet. Elles n’ont guère percé dans le marché premium, où les Chinois ont beaucoup d’ambition, hormis à travers des marques comme Polestar, cousine de Volvo, made in China, qui joue sur une image et un design européen.
Seule la marque du groupe SAIC, MG, fait une percée remarquée avec son modèle MG4, jusqu’à 520 km d’autonomie, et vendue entre 32.285 et 41.285 euros, soit environ 8.000 euros en dessous des tarifs des modèles équivalents des constructeurs européens. En Belgique, MG a immatriculé 2.846 autos de janvier à août, contre 605 sur la même période de 2022 (+370%).
Ce n’est qu’un apéritif. BYD débarque avec un modèle concurrent autour des 35.000 euros, la Dolphin, qui pourrait réveiller les ventes encore anémiques de BYD, entré sur le marché belge à la fin 2022.
La pression Tesla, déjà très forte
Tesla constitue une menace au moins aussi grande que les constructeurs chinois. La marque américaine produit des volumes qui lui confèrent une bonne rentabilité, elle baisse ses prix pour monter son volume et freiner ses concurrents. Elle bénéficie d’une longueur d’avance sur l’approche de la production et la conception des véhicules.
En Belgique, Tesla a immatriculé 10.937 autos de janvier à août 2023, contre 2.304 en 2022 (+374%). Son modèle phare est la Tesla Model Y, vendue à 47.970 euros en Belgique. Le Model 3 est facturé chez nous 45.970 euros contre plus de 50.000 euros au début de l’année.
Une nouvelle menace pourrait provenir de la sortie d’un futur modèle compact Tesla, format VW Golf, à un tarif qui pourrait mettre en difficulté les constructeurs européens. À, disons, 30.000 euros l’auto compacte super équipée, Tesla pourrait créer une tempête. Rien n’est encore annoncé, ce type de projet exigerait des capacités de production colossales, bien au-delà de celles actuelles (États-Unis, Chine, Allemagne), qui devraient permettre 2 millions d’autos cette année.
Pour l’heure, Renault ou Volkswagen (ou Hyundai) vendent des modèles compacts autour des 45.000 euros (autonomie de 400 km). La pression croisée de MG et de Tesla ont manifestement freiné les ventes de la Renault Megane Electric, qui figure dans le segment des autos compactes, au même tarif que le Model 3 de Tesla, après réduction.
Impossible de suivre les tarifs de Tesla
Gille Le Borgne, patron de l’ingénierie de Renault, a déclaré à Automotive News Europe que le groupe français ne pouvait pas se permettre de suivre les tarifs de Tesla ou des Chinois. « La bonne stratégie est de maintenir les prix et d’ajuster les coûts fixes », dit-il.
Renault et le groupe VW ont annoncé qu’ils préparent des modèles électriques autour des 25.000/30.000 euros dans les 2 ou 3 prochaines années.
Les réponses sont difficiles. Augmenter les droits d’importation des autos chinoises pour protéger les constructeurs européens ? C’est politiquement délicat, car cela revient à accepter des tarifs élevés, hors de la portée d’une partie des consommateurs. Cela va perturber la vente d’autos de marque européenne made in China, comme Smart, la Dacia Spring, la BMW X3 électrique, notamment. Certains constructeurs chinois, comme BYD, sont prêts à produire en Europe.
Cela ne changerait rien à la pression de Tesla, qui a une usine à Berlin.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici