Pénurie de pièces et de pilotes: votre avion pourrait bien rester cloué au sol cet été

L’été s’annonce très bien pour le secteur du tourisme et de l’aviation après les années Corona. Cependant, d’autres problèmes pourraient mettre des bâtons dans les roues des voyageurs, craint l’économiste de l’aviation Eddy van de Voorde (Université d’Anvers).

Des soucis dans la chaîne d’approvisionnement des avions pourraient survenir cet été. “Les compagnies aériennes sont préoccupées par la disponibilité des pièces détachées pour leurs avions et par la livraison de nouveaux appareils“, alerte Willie Walsh, directeur général de l’Iata. Eddy van de Voorde, économiste de l’Université d’Anvers spécialisé dans le domaine de l’aviation, nous éclaire sur la question.

Le secteur de l’aviation va-t-il vivre une année exceptionnelle ?

EDDY VAN DE VOORDE. Je tiens à nuancer quelque peu ces prévisions. Elles sont basées sur des modèles et s’inscrivent dans la continuité de la tendance observée récemment. Tout le monde s’attend à ce que le boom post-Corona se poursuive. Cette augmentation est également plus forte que prévu. L’offre a moins augmenté que la demande. Mais ce que Walsh dit en réalité, c’est que les perspectives macroéconomiques l’intéressent, mais qu’elles sont les mêmes pour tout le monde. Une guerre se joue entre les compagnies aériennes. Elles doivent s’assurer qu’elles sont meilleures que leurs concurrents. C’est à ce moment que les facteurs microéconomiques entrent en jeu et des questions se posent : « Les Boeing que nous avons commandés seront-ils livrés ? Les bonnes pièces de rechange seront-elles livrées ? S’il manque des pièces détachées, il y a un problème ».

Plus précisément, Walsh mentionne également un goulot d’étranglement au niveau des ateliers de réparation des moteurs d’avions.

Il est préférable de contrôler entièrement sa chaîne de réparation plutôt que de l’externaliser. Les petites compagnies aériennes doivent souvent faire appel à un sous-traitant pour faire réparer les moteurs de leurs avions. Elles se retrouvent alors en bout de chaîne ou paient un prix plus élevé. Il faut donc contrôler l’ensemble de la chaîne. Cela implique parfois d’entrer dans le capital des sous-traitants. C’est déjà le cas dans le secteur du transport maritime.

Les voyageurs doivent-ils craindre que leur avion ne décolle pas cet été parce que les bonnes pièces ne sont pas disponibles ou que le moteur n’a pas été réparé à temps ?

Je crains un cocktail de problèmes indépendants de la volonté des compagnies aériennes. J’espère que ce ne sera pas le cas, bien sûr, mais je le crains.

Avant la pandémie, il y a déjà eu une période, en octobre-novembre 2018, où la compagnie aérienne à bas prix Ryanair a dû annuler des vols. Les pilotes qui sont autorisés à voler un maximum de 900 heures par an n’avaient alors plus d’heures de disponibles. Je crains que cela ne se reproduise, couplé à des vols programmés, mais qui ne peuvent pas être opérés parce que les avions n’ont pas encore été livrés. La compagnie néerlandaise Transavia, par exemple, a déjà dû annuler des centaines de vols cet été en raison du manque de pilotes. En outre, ces annulations seraient également liées à des avions qui ne seraient pas livrés à temps, ce qui constitue un problème pour la société de leasing.

Et puis il y a la grande menace des grèves en France. Le CEO de Ryanair, M. O’Leary, a raison à 100 % lorsqu’il préconise de maintenir l’espace aérien ouvert, mais il s’agit en fait d’une question nationale. Je ne vois pas Macron remuer ciel et terre pour négocier  avec les contrôleurs aériens.

Y aura-t-il des problèmes de carburant ?

Pour le kérosène, je ne suis pas inquiet, car la plupart des compagnies aériennes se sont couvertes. Elles ont fait du hedging.

En résumé, il n’y a vraiment pas d’années sans problèmes dans l’aviation…

C’est vrai, et parfois, il faut rivaliser d’ingéniosité. Je vais vous raconter une anecdote.  J’ai enseigné pendant dix ans au MIT, à Boston, aux Etats-Unis. Il n’y avait pas de vols directs entre Boston et Bruxelles, je devais donc compter sur British Airways. À un moment donné, je regarde le tableau des vols à l’aéroport et je vois que mon vol British est opéré par Air Belgium. J’en discute à une personne de la compagnie British qui m’explique qu’i »Il y a des avions en maintenance”. Nous devons donc prendre tout ce que nous pouvons trouver sur le marché : un Boeing d’Air Belgium, par exemple.

Laurens Bouckaert

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