La difficulté de faire revenir les gens au bureau

BUREAU FLEXIBLE © GETTY IMAGES

Les entreprises de la Silicon Valley veulent faire revenir les employés au bureau trois jours par semaine. Et pour remplir leurs campus à plusieurs milliards de dollars, elles sont prêtes à sortir l’artillerie lourde. Sauf que ce retour forcé n’est que peu goûté par des employés qui se sont habitués à une plus grande flexibilité.  Est-ce aussi le cas en Belgique ?

 Chez Google, des employés risquent ainsi d’être pénalisés s’ils ne viennent pas assez souvent. Meta (Facebook) a averti que le travail sur place serait obligatoire trois jours par semaine à partir de septembre. Chez Amazon cette même mesure est obligatoire depuis mai. Une mesure qui ne s’est pas imposée sans heurts puisque la grogne s’y est même soldée par une grève la semaine dernière. Elle aura aussi donné naissance à un canal slack. Il réunirait pas moins de 33.000 personnes et serait la “plus grande expression concrète du mécontentement des employés dans toute l’histoire de l’entreprise” selon CNN.  

Mais pour ces entreprises adeptes de la valeur des interactions fortuites sur le lieu de travail, il est impératif de faire revenir les employés au bureau. Ainsi si chez Amazon on admet qu’il faudra peut-être “du temps”, l’entreprise s’est tout de même félicitée du regain “d’énergie, de collaboration et de connexions” au sein du bureau. Comprendre : il n’est pas question de faire marche arrière.  

Le 100% présentiel fait partie du passé  

Pourtant ce retour forcé avec un cadre strict a de quoi surprendre. Le 100% présentiel fait partie du passé selon de nombreux experts en ressource humaine, tout comme “one size fit all”. Un même règlement imposé à tous a montré ses limites et de nombreuses conventions de travail ont été adaptées en conséquence. Toutes les équipes ne travaillent pas de la même façon et un cadre sur mesure permet une plus grande productivité. 

Et puis, en admettant qu’un cadre plus strict soit accepté par les employés, encore faut-il que les conditions de travail suivent. En effet rien ne garantit que si vous vous rendez au travail, vos collègues y soient également ou que vous ayez un bureau où vous assoir. D’autant plus que la hausse du télétravail a eu un corolaire: le flex desk. Tout le monde ne peut plus être au même moment dans les locaux de certaines entreprises puisqu’il n’y a tout simplement pas suffisamment de place.  

Changement de paradigme  

Si avant le covid, c’était l’absence individuelle qui était régulée via le contrat de travail, trois ans plus tard, c’est la présence collective qui fait aujourd’hui l’objet de toutes les attentions. Quand doit-on revenir et pour y faire quoi ?  Ou pour le dire de façon plus crue : pourquoi revenir au travail ?  

L’une des principales raisons est la puissance de l’informel. C’est aussi le grand perdant du télétravail, avec une certaine convivialité entre collègues. Le retour passe donc par une stimulation des pauses ou repas communs ou encore des projets transversaux. Mais aussi une plus grande diversité du type d’espaces au sein de l’entreprise. Par exemple des “coffee corners” ou autre lieux plus détendus. C’est d’ailleurs ce genre d’initiative qui est le plus souvent privilégié pour faire revenir les personnes. La suggestion, plutôt que le bâton.  

Quid en Belgique ?  

Selon une enquête d’Acerta menée auprès de plus de 500 dirigeants d’entreprise, les personnes qui ont la possibilité de télétravailler le font en moyenne un ou deux jours par semaine. La question des trois jours minimums sur place ne serait donc, en théorie, pas un gros problème pour la plupart des employés belges qui sont autorisés à télétravailler. Puisque, de facto, ils sont déjà présents 3 ou 4 jours par semaine. En réalité, seul un quart des Belges (27 %) télétravaille encore trois jours par semaine ou plus.  

88 % des employeurs se déclarent confiants envers leurs collaborateurs qui télétravaillent.

Ces un à deux jours de télétravail par semaine semblent par ailleurs s’installer dans la longueur. Le travail hybride (temps partiel à la maison et temps partiel au bureau) est donc voué à durer. Ainsi 63 % des entreprises affirment que la proportion actuelle de télétravail et de travail au bureau ne changera pas à l’avenir. On notera aussi qu’un quart d’entre elles (24 %) souhaitent toujours que leurs travailleurs se rendent davantage au bureau et 13 % souhaitent que leurs collaborateurs télétravaillent plus qu’ils le font actuellement.  

La championne du télétravail en Belgique reste Bruxelles ou 97 % des entreprises autorisent leurs travailleurs à télétravailler pour 72% en Wallonie et 76% en Flandre.

 Comme le précise Laura Couchard, experte juridique chez Acerta, “la tendance actuelle va globalement vers plus de flexibilité. Cette flexibilité est encore davantage demandée par les plus jeunes qui commencent leur vie professionnelle. Et celle-ci ne concerne pas seulement le télétravail, mais aussi certains avantages comme ceux proposés par le plan cafétéria ».  

Une annexe au contrat  

«En Belgique le télétravail structurel fait l’objet d’une annexe au contrat de travail. Il fait partie d’accord clair et notifié. Il ne peut donc pas, en théorie, changer de façon unilatérale. S’il ne veut pas se retrouver face à des tracas judiciaires, l’employeur ne peut donc le modifier seul dans son coin », poursuit encore Laura Couchard. Le faire sans l’accord de l’employé pourrait en effet être synonyme de rupture de contrat. A contrario, aucun employeur n’est obligé d’accepter le télétravail. Celui-ci ne peut donc être exigé par l’employé.  

Selon Amandine Boseret, experte juridique chez Acerta Consult, « l’équilibre entre les jours au bureau et les jours en télétravail est défini au niveau de l’équipe dans 44 % des cas, tandis que dans 27 % des cas, c’est le collaborateur qui établit son propre équilibre .» Enfin, on notera, qu’en Belgique, le retour au travail a aussi bénéficié de la crise énergétique. Dans 26 % des entreprises, les travailleurs se sont rendus davantage au bureau pour économiser de l’énergie.  

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