“L’onde de choc de l’élection américaine va continuer de se propager”

DONALD TRUMP L'incertitude pèse sur la confiance des consommateurs et des entreprises. © REUTERS

L’élection à la Maison-Blanche de Donald Trump, un démagogue autoritaire et sans scrupule, incite à la plus grande prudence.

Combien de maux durables les secousses politiques de l’année 2016 vont-elles laisser derrière elles ? L’Amérique de 2017 devra bien elle aussi procéder à une évaluation des dégâts à la suite du tremblement de terre qu’a représenté la victoire de Donald Trump. Même si le président Trump abandonne ou dilue les promesses les plus folles du candidat Trump, l’élection d’un riche démagogue peu enclin à la transparence et dont les intérêts commerciaux sont planétaires va mettre à l’épreuve le dispositif de contrôle et d’équilibre des pouvoirs mis en place par les pères fondateurs.

Dès le début de l’ère Trump, ceux qui, au sein du parti républicain, soutiennent le nouveau président plaideront pour l’apaisement. Déjà, pendant la campagne électorale, ils ont martelé que Trump serait un président-PDG qui déléguerait la gestion des affaires courantes à des subordonnés, au premier rang desquels son vice-président, le très conservateur Mike Pence, ancien représentant à la Chambre et gouverneur républicain.

Si Donald Trump se montre aussi dépourvu de principes et vindicatif qu’il l’a été dans les affaires, les membres du Congrès devront choisir entre la loyauté envers leur parti et l’obligation de demander des comptes à l’exécutif.

Pour ses partisans, Donald Trump est un représentant de commerce de la même trempe que Ronald Reagan, doté de talents d’éloquence qui aideront les républicains à traverser ces temps populistes. Oubliez les volte-face de Donald Trump sur ses propositions, diront-ils : avec des républicains qui contrôlent le Congrès, la plupart des gouvernements et des corps législatifs des Etats, nous avons une chance unique de pouvoir remettre le pays d’aplomb. S’ils ont raison, les 100 premiers jours du président devraient se distinguer par l’adoption de décisions résolument conservatrices, à commencer par une série de décrets visant à éliminer des pans entiers de l’héritage de Barack Obama.

Ceux qui le soutiennent ont hâte de voir Donald Trump retirer l’Amérique de l’accord de Paris sur le changement climatique ratifié en 2016, démanteler les réglementations fédérales qui freinent l’utilisation du charbon dans la production d’électricité, approuver de nouveaux oléoducs et ouvrir plus largement les terres fédérales à l’exploitation minière et aux forages pétroliers. Certains voudraient le voir faire un bras de fer avec les syndicats du secteur public en assouplissant les possibilités de licenciement des responsables administratifs fédéraux.

La construction du mur

Après tous les discours qu’il a consacrés à la construction du fameux mur, Donald Trump pourra difficilement éviter de prendre quelques mesures médiatiquement visibles afin de renforcer la frontière avec le Mexique. Au cas où le Congrès émettrait des objections quant aux coûts que cela entraîne, les alliés de Trump rappelleront le triste sort aux élections de ceux jugés trop mous sur la sécurité des frontières. Même si une ambitieuse réforme de l’immigration doit attendre le feu vert du Congrès, l’exécutif disposera d’une bonne marge de manoeuvre pour interdire l’entrée sur le territoire à tous ceux qui seront considérés comme représentant une menace terroriste. Il faut s’attendre à voir Donald Trump multiplier les expulsions d’étrangers interpellés, même pour des délits mineurs, et abroger les décrets présidentiels de l’époque Obama protégeant de l’expulsion les migrants pouvant attester de liens forts avec les Etats-Unis.

Les élus républicains au Congrès inciteront le nouveau président à baisser les impôts sur les sociétés et à proposer un taux d’imposition réduit à celles qui seraient disposées à rapatrier les bénéfices réalisés à l’étranger. Ils tenteront en revanche d’amoindrir l’impact des promesses du candidat, qui s’était engagé à renégocier l’Alena, le traité de libre-échange signé entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, mais le pousseront à faire des effets de manche, en accusant certains partenaires commerciaux comme le Mexique ou la Chine de ” tricher “, tout en prenant soin d’éviter une guerre commerciale.

L’élection d’un goujat à la fonction la plus puissante du monde constitue un véritable tremblement de terre. Il y aura forcément des répliques.

Reste que le héros des trumpistes pourrait se révéler moins docile qu’ils ne s’y attendaient. Pendant la campagne, Donald Trump n’a pas caché son admiration envers le président russe Vladimir Poutine, louant ” le contrôle étroit ” que l’ex- officier du KGB exercerait sur son pays. Cette révérence à l’égard des hommes forts et le mépris pour les idéaux universels qu’implique le principe de l'” America First ” se feront sentir dans la politique étrangère de la nouvelle administration. D’après ses conseillers, Donald Trump serait un ultra-réaliste : un homme qui pense que le monde est laid et dangereux, et qui rejette l’idée selon laquelle l’Amérique est investie de la mission sacrée de le rendre plus sûr. Donald Trump pourrait chercher à marchander avec la Russie un accord géopolitique impliquant par exemple la levée des sanctions imposées après l’invasion de l’Ukraine en échange de la coopération du Kremlin dans la lutte contre le terrorisme islamiste.

Coup dur pour les médias

Donald Trump s’est vanté en février dernier que, s’il était élu, il ” élargirait ” le champ d’application des lois sur la diffamation afin de faciliter les poursuites judiciaires contre les organes d’information, ajoutant que le Washington Post et son propriétaire, le patron d’Amazon Jeff Bezos, auraient ” quelques problèmes ” s’il gagnait l’élection. Il n’aura en réalité pas la capacité de décider des lois sur la diffamation. Mais un président peut rendre la vie particulièrement difficile à ses adversaires. Il peut par exemple exiger de connaître les déclarations de revenus de tout contribuable – une arme redoutable entre les mains d’un démagogue.

L’industrie de la presse et de l’information a d’autres raisons de redouter une présidence Trump. Même les entreprises qui s’efforcent de ne pas être partisanes, comme les agences d’actualités, devront bien dénoncer les nominations douteuses et signaler tout conflit d’intérêts impliquant les nombreuses affaires de Donald Trump – ce qui ne manquera pas de leur attirer de véhémentes accusations de partialité de la part des partisans du président. Si, une fois aux commandes, ce dernier se montre aussi dépourvu de principes et aussi vindicatif qu’il l’a été dans les affaires, les membres du Congrès devront eux aussi choisir entre la loyauté envers leur parti et l’obligation de demander des comptes à l’exécutif. De fréquentes démissions de responsables seront le signe que le dispositif de contrôle et d’équilibre des pouvoirs est soumis à rude épreuve.

Par David Rennie, éditorialiste chez “The Economist.”

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