“Petits arrangements” flamands avec les promoteurs : illégaux ou pas ?

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Le secteur immobilier s’est subitement teinté de communautarisme dimanche, avec la diffusion, par la VRT, d’un reportage sur ces bourgmestres de la périphérie bruxelloise qui concluent des arrangements avec des promoteurs immobiliers pour que les nouveaux logements soient vendus en priorité à des néerlandophones. Détail piquant : le système existait déjà du temps où Jean-Luc Dehaene était encore bourgmestre de Vilvorde…

Plusieurs communes de la périphérie bruxelloise, comme Overijse, Gooik et Vilvorde, ont conclu des arrangements avec des promoteurs immobiliers pour que les nouveaux logements soient vendus en priorité à des néerlandophones. L’information est révélée dans un reportage de l’émission Panorama, diffusée dimanche soir par la VRT. Il s’agit certes d’accord oraux dont il n’existe pas de traces écrites, mais l’existence de ces accords est notamment confirmée par le bourgmestre de Gooik, Michel Doomst, dans le reportage.

Les promoteurs responsables de grands projets immobiliers sont invités par ces communes à ne faire de la publicité qu’en néerlandais. Il leur est également demandé de transmettre aux autorités communales une liste de candidats acheteurs. Les communes examinent alors elles-mêmes les listes et déterminent ensuite si les candidats qui ne parlent pas le néerlandais semblent suffisamment disposés à l’apprendre. Si ce n’est pas le cas, la commune demande au promoteur de vendre le bien immobilier à d’autres personnes.

Selon les bourgmestres des communes concernées, cette pratique n’est pas critiquable car elle permet de protéger le caractère flamand de la commune. Si les promoteurs ne sont pas contraints de collaborer, ils sont nombreux à le faire, indique le reportage. Entretenir de bonnes relations avec les autorités communales est en effet important pour les promoteurs, par exemple afin d’obtenir certains permis et autorisations. Le reportage de Panorama présente également la situation au Québec, où les autorités francophones se battent contre “l’anglicisation”.

Ces arrangements “sont illégaux !”, assène Marion Keulen, parlementaire (Open VLD) et ex-ministre flamand du Logement

Les bourgmestres de la périphérie bruxelloise qui concluent ces arrangements se livrent à des pratiques illégales, dénonce Marino Keulen (Open VLD), parlementaire flamand et ancien ministre régional du Logement : “Ces arrangements sont illégaux !, a-t-il réagi lundi. C’est pourquoi ils sont conclus de manière informelle. S’il y avait des traces écrites, on pourrait sévir.”

Marino Keulen se dit dérangé par le fait que les bourgmestres concernés en appellent au code flamand du logement (wooncode) : “Celui-ci ne dit rien à propos de l’achat de logements, avance l’ancien ministre. Le code flamand du logement stipule uniquement l’obligation d’apprendre le néerlandais pour les candidats locataires de logements sociaux. Les bourgmestres se cachent donc derrière des sophismes.”

Eric Van Rompuy, parlementaire flamand (CD&V), a également indiqué désapprouver les pratiques desdits bourgmestres.

Ces arrangements “stimulent le caractère flamand”, rétorque Geert Bourgeois, ministre (N-VA) flamand de l’Intérieur

Les bourgmestres de la périphérie bruxelloise qui concluent ces arrangements avec les promoteurs immobiliers stimulent ainsi le caractère flamand de leur commune, a rétorqué Geert Bourgeois, ministre (N-VA) flamand de l’Intérieur, compétent en la matière.

En réponse aux propos de Marino Keulent, Geert Bourgeois a dit avoir du respect pour l’initiative propre des bourgmestres visant à stimuler le caractère flamand de leur commune : “Si ces accords s’avèrent légaux, le ministre n’y voit aucun problème”, a indique le porte-parole du ministre régional de l’Intérieur.

Geert Bourgeois se garde toutefois de se prononcer sur le fond de l’affaire : “Il faudra pour cela attendre un avis juridique”, souligne encore son porte-parole.

Ces arrangements “sont anticonstitutionnels et illégaux”, tranche le cdH

Le cdH s’est dit choqué, lundi dans un communiqué de presse, par les faits révélés dans le reportage de la VRT, estimant qu’il s’agit là de pratiques “anticonstitutionnelles et illégales qui constituent une atteinte au droit à l’accès à la propriété et au principe de non-discrimination, ainsi qu’à la vie privée, notamment, parce qu’il s’agit de sélectionner les candidats acquéreurs en fonction de données personnelles telles que la langue pratiquée par ceux-ci”.

Le cdH affirme également qu’il examine les possibilités de saisir la Commission de la protection de la vie privée, laquelle a notamment pour mission de veiller à ce que les données à caractère personnel ne soient pas utilisées d’une manière contraire à la loi.

En conclusion, le cdH déplore cette escalade “qui démontre combien il est urgent de résoudre ce conflit communautaire en tentant de trouver des solutions structurelles qui, notamment, améliorent la protection des droits des francophones”.

Olivier Maingain, président du FDF, a quant à lui promis donner des suites juridiques au dossier.

Accords bourgmestres-promoteurs : déjà sous Dehaene, selon un échevin de Vilvorde

[UPDATE 1] Les arrangements conclus entre des bourgmestres de communes flamandes de la périphérie bruxelloise et des promoteurs datent, à Vilvorde, de l’époque où l’actuel commissaire royal Jean-Luc Dehaene était encore bourgmestre de la commune, a affirmé mardi l’un des échevins.

“Je n’ai jamais connu autre chose et je suis échevin depuis 10 ans déjà !, a déclaré le député Hans Bonte (SP.a) à la VRT-radio. Dans un certain nombre de nouveaux lotissements, la grande majorité des familles sont néerlandophones, alors qu’ailleurs dans la ville, il en va autrement.” Il s’agit selon lui d’une “mesure qui marche” et “qui n’est pas nouvelle”. “Cela était sans aucun doute déjà le cas (Ndlr, quand Jean-Luc Dehaene était bourgmestre)”, a-t-il ajouté.

Javaux (Ecolo) dénonce la vente privilégiée de logements à des néerlandophones

[UPDATE 2] Jean-Michel Javaux, coprésident d’Ecolo, a dénoncé mardi le fait que les communes de Gooik, Overijse et Vilvorde aient conclu des accords avec des promoteurs immobiliers pour favoriser les néerlandophones dans l’achat de nouveaux logements. Ces pratiques sont “illégales”, a-t-il appuyé dans un communiqué : “Elles contreviennent en effet à toutes les conventions internationales”, mais aussi au droit interne, notamment les principes constitutionnels de non-discrimination. Elles constituent également “un procédé policier qui enfreint le droit à la vie privée des individus”, ainsi qu'”un détournement évident des pouvoirs de l’administration publique.

“Mais ces pratiques sont aussi révélatrices de la manière dont les communes visées conçoivent l’intérêt public”, poursuit l’écologiste. Les bourgmestres des trois communes “se voient comme de courageux croisés d’une guerre culturelle nécessaire à la survie de l’âme flamande. Ils utilisent en fait leur fonction pour diviser plutôt que pour servir l’intérêt public. Et ne montrent en réalité qu’une intolérance banale et satisfaite.” Face à cette situation, le coprésident d’Ecolo se dit “soulagé des réactions mesurées provenant de personnalités politiques flamandes de l’Open VLD et du CD&V”.

Trends.be, avec Belga

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