Pourquoi Nest crée un thermostat qui parle à votre frigo

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La filiale de Google lance en Belgique un thermostat et un détecteur de fumée intelligents. Objectif: profiter de l’explosion des objets connectés et des précieuses données qu’ils collectent.

Ne lui parlez pas de domotique. Ni même de maison connectée. Lionel Paillet, general manager de Nest en Europe, préfère évoquer la “maison consciente”. Il faut dire que la maison entièrement robotisée et automatisée que l’on nous avait décrite dans les années 2000 tarde à voir le jour. Faute d’applications réellement indispensables.

Avec son thermostat et son détecteur de fumée, Nest espère convaincre l’utilisateur des atouts d’une veille permanente des activités de la maison. Grâce aux différents capteurs intégrés, le thermostat analyse la température, l’humidité, la luminosité et les mouvements dans la maison. L’objet peut ainsi réagir en temps réel, mais aussi apprendre progressivement les habitudes des occupants et adapter les réglages de la chaudière en conséquence.

Résultat : le thermostat enclenche le chauffage au moment adéquat afin que la maison atteigne la température demandée lorsque la famille se lève pour prendre son petit-déjeuner. Le calcul se fait sur la base de différents facteurs : temps que l’installation de chauffage met pour arriver à température, température intérieure et températeure extérieure. “D’après nos calculs effectués sur le marché belge, notre système permet de faire économiser entre 14 % et 29 % de la facture de chauffage”, avance Lionel Paillet. De quoi rentabiliser l’objet (300 euros, installation comprise) en un an environ.

Côté pile, l’entreprise créée en 2011 se présente donc comme un vendeur de thermostats intelligents. Ceux-ci équipent 1 % des foyers américains. La firme ne se fixe aucun objectif précis concernant l’Europe (après l’Angleterre, Nest s’est lancée en Irlande, France, Belgique et bientôt Pays-Bas).

Big data

Mais ce n’est bien sûr pas pour vendre des thermostats et des détecteurs de fumée que Google a mis 3,2 milliards de dollars sur la table lors de l’acquisition de Nest début 2014. Le marché que vise le géant américain est beaucoup plus alléchant que cela : c’est celui du big data et des objets connectés, et plus particulièrement ceux liés à la maison connectée. De plus en plus d’objets usuels bénéficient désormais d’une connexion Internet leur permettant de communiquer entre eux.

Plus ces objets sont proches de leurs utilisateurs, plus les données qu’ils collectent sont précieuses. Dans une maison connectée, un thermostat récolte des données concernant l’activité de ses occupants. A quelle heure se lèvent-ils ? Quand partent-ils en vacances ? Combien de temps passent-ils dans leur salon ? Bien conscients que la collecte de ces données suscite des craintes légitimes chez le consommateur, Nest se veut rassurant. “Les données des utilisateurs sont parfaitement encryptées et sécurisées. Elles ne sont pas partagées avec Google. Nous ne les cédons pas et nous ne les vendons pas”, insiste Lionel Paillet (Nest).

Les données ne sont transmises à des entreprises tierces que lorsque l’utilisateur marque son accord, poursuit le patron de Nest en Europe. Or c’est bien ce genre d’applications qui sont amenées à se développer. Nest, qui compte 700 collaborateurs dont la plupart sont implantés au siège de Palo Alto dans la Silicon Valley, est une entreprise axée essentiellement sur le logiciel. Elle crée une interface permettant de connecter différents objets à partir du “hub” que constitue la maison. Le thermostat et le détecteur de fumée ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Le coeur du business se situe dans la collecte et l’échange de données.

Un thermostat qui parle à votre voiture

Environ 5.000 développeurs travaillent actuellement à la création d’applications intelligentes, connectées avec les produits Nest. Le bracelet connectée Jawbone peut ainsi interagir avec le thermostat, lui indiquant que son propriétaire est en train de se réveiller et que le chauffage peut se mettre en route. Mercedes développe aussi une application, qui pourra dire au thermostat que le conducteur se met en route et qu’il aimerait trouver un nid douillet bien chauffé à son arrivée. Demain encore, votre frigo apprendra du thermostat que vous êtes absent pour une longue durée et qu’il peut donc se mettre en position d’économie d’énergie.

Toutes ces interactions et toutes ces données sont évidemment monétisables. C’est même le coeur du business model de Google depuis des années : collecter des données sur les utilisateurs et lui proposer de la publicité ciblée. Du côté de Nest, on assure qu’aucune publicité ne viendra surprendre l’utilisateur dans l’intimité de sa maison. Mais c’est bien la valeur des données collectées par l’entreprise qui lui permet d’entrevoir des perspectives intéressantes sur le marché de la maison connectée. Nest n’est d’ailleurs pas tout seul sur ce marché, puisque Apple aussi a récemment annoncé ses ambitions dans ce créneau. Reste à trouver le bon équilibre entre le service aux clients et la protection des données privées

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