CV anonyme : Cerexhe l’a dit… mais l’a-t-il fait ?

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Le CV anonyme, très discuté en France, connaît en ce moment même une expérimentation à Bruxelles. Une dizaine de sociétés se sont engagées, ainsi que trois communes. Un bilan sera tiré en avril.

Bruxelles se distingue par un taux de chômage élevé des personnes issues de l’immigration. Sous-qualifiées ou en décrochage scolaire, elles souffrent aussi de discriminations à l’embauche. Des études l’ont mis en évidence dans le passé, dont une réalisée en 2005 par la KULeuven et l’ULB. Ces problèmes se rencontrent aussi en France. Là-bas, une parade est en discussion depuis quelques années : le CV anonyme.

Contrairement à un curriculum vitae classique, celui-ci ne reprend aucune information permettant l’identification du postulant : ni nom, ni prénom, ni âge, ni date de naissance, ni sexe, ni adresse, ni photo, etc. But : amener l’entreprise à choisir ses recrues sur base de ses seules compétences.

Dans l’Hexagone, une loi datant de mars 2006 a prévu de le rendre obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés. En pratique, cela n’a jamais été le cas. Les modalités d’application (appelées “décrets” chez nos voisins) n’ont jamais été édictées. C’est que des critiques sont apparues : le CV anonyme “complexifie le recrutement” et “provoque un surcoût” pour les entreprises. De même, il “ne fait que reporter les problèmes à la phase de l’entretien”, où les discriminations restent tout autant possibles. Bref, le gouvernement français a probablement mis la charrue avant les boeufs.

En novembre 2009, il a relancé la mesure mais sous la forme d’une expérience-pilote. Histoire de voir si le CV anonyme est praticable et efficace. Ainsi, 49 grandes entreprises ont accepté de jouer le jeu. Parmi elles, Accor, Axa, BNP Paribas, Coca-Cola, Eurodisney, IBM, L’Oréal, Michelin, Sanofi et Total.

Chez nous, Benoît Cerexhe, ministre bruxellois (cdH) de l’Emploi, décida à son tour de lancer une expérimentation. Le 3 février 2010, il annonçait la chose au Parlement régional. L’opération devait avoir lieu “durant le premier semestre de 2010” et se faire “avec la collaboration d’entreprises, mais aussi du secteur public”.

Qu’en est-il aujourd’hui ? “En fait, le processus n’a démarré qu’au mois d’août 2010, répond le ministre. Il a fallu expliquer la démarche, sonder les entreprises, établir une méthode… Cela a pris du temps. L’expérience est toujours en cours et a été prolongée jusqu’à la fin de mars.” Une dizaine de sociétés se sont engagées, ainsi que trois communes. Les firmes en question ont souhaité garder l’anonymat jusqu’à la fin de l’opération. Les trois communes sont Saint-Gilles, Jette et Auderghem.

Le test ne concerne que certains types d’annonces : ouvriers ou employés inférieurs. C’est Actiris, l’organisme de gestion des demandeurs d’emploi en Région bruxelloise, qui rend les candidatures anonymes avant de les transmettre aux entreprises partenaires. Le processus est supervisé par le “Pacte territorial pour l’emploi”, plateforme rassemblant patrons, syndicats, administrations et gouvernement. Plusieurs modalités sont suivies afin de rendre l’expérience la plus riche possible.

“Un bilan sera tiré, poursuit Benoît Cerexhe. Il devrait être disponible en avril. En fonction de celui-ci, la voie sera poursuivie ou non. Il est encore trop tôt pour se prononcer. Pour ma part, je trouve le CV anonyme intéressant. Certes, il a des limites et ne constitue pas une recette miracle. Mais il donne au moins une chance à une série de personnes victimes de discriminations – liées à l’origine mais aussi à l’âge ou au sexe – de pouvoir décrocher un entretien et de défendre leur profil.”

Jean-Christophe de Wasseige

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