La révolution Dorange: comment les réseaux sociaux ont bousculé le Vendée Globe

© Getty

Violette Dorange a bouclé son tour du monde de 45 000 kilomètres en solitaire, sans escale et sans assistance, ce dimanche. Pourtant, la skippeuse de DeVenir n’a que 23 ans. Retour sur une success-story qui doit beaucoup aux réseaux sociaux.

Souvent qualifié d’”Everest des mers”, le Vendée Globe exige du talent et surtout une détermination hors norme pour faire partie des 40 bateaux autorisés à prendre le départ. Sur mer, mais aussi sur terre, où la chasse aux sponsors peut s’avérer encore plus sportive que les plus fortes houles. Car, dans ce milieu, savoir trouver des financements est presque aussi crucial que de savoir bien naviguer.

Plusieurs millions

Le bateau, à lui seul, représente un coût considérable. Pour une embarcation neuve, il faut compter entre cinq et sept millions d’euros. Les plus chers sont ceux équipés de foils, qui permettent de “décoller” sur l’eau. Une paire de foils coûte aux alentours de 500 000 euros. À cela s’ajoutent encore d’autres frais, comme ceux de l’inscription, qui s’élèvent à 20 000 euros.

Pour financer ce lourd investissement, un crédit-bail est nécessaire sur une période de plusieurs années. Les skippers doivent aussi obtenir le soutien financier de sponsors et de partenaires pour mener à bien leur projet. Et alors qu’elle n’avait pas un sou en poche, la benjamine du Vendée Globe a su se montrer ingénieuse pour se donner les moyens de ses ambitions.

Pas de gros sponsors, mais une détermination sans faille

Celle qui a commencé la voile en compétition dès ses 7 ans a toujours été déterminée et a suivi un parcours sans faute. Sa jeunesse et sa relative inexpérience vont pourtant lui fermer la porte des plus gros sponsors. Qu’à cela ne tienne, elle prendra des chemins de traverse. En enchaînant les visios, elle parvient à convaincre, presque un par un, près de 200 propriétaires de franchises McDonald’s en France. Si cette alliance a fait grincer des dents, elle lui a permis de s’acheter un bateau célèbre, mais plus tout jeune, et de rejoindre la ligne de départ.

Un budget qui n’était pas à l’équilibre

Avec le succès que l’on connaît. Elle a franchi la ligne d’arrivée après un peu moins de 91 jours en mer, en terminant vingt-cinquième et sans casse, si ce n’est des problèmes d’usure. Un détail qui n’en est pas un, puisque Violette n’avait pas, à son départ le 10 novembre 2024, encore bouclé son budget. Il lui manquait 100 000 euros, et elle misait sur la revente de son bateau pour l’équilibrer.

Violette Dorange sur son Imoca 60 monohull “DeVenir”

L’annonce pour vendre son IMOCA a été publiée avant même son arrivée, preuve que la skippeuse voit grand et que l’explosion de sa notoriété l’a propulsée dans une autre dimension. Car si l’amour de ses followers ne paye pas une nouvelle voile, il se monnaye autrement. En lui offrant une immense visibilité, il pourrait bien lui ouvrir les portes de la voile d’élite.

Un succès numérique inégalé

Le Vendée Globe de Violette Dorange n’est pas qu’un succès sportif. C’est aussi un triomphe numérique qui a réussi à décloisonner un sport jusqu’alors de niche. Mélangeant émotions et sincérité, Violette Dorange est parvenue en moins de trois mois à fédérer autour d’elle une communauté très éclectique, souvent néophyte en voile et intergénérationnelle.

La skippeuse a multiplié par 18 son audience sur Instagram en deux mois et demi. À son arrivée, dimanche, elle comptait 570 000 abonnés sur Instagram, 502 000 sur Facebook et 207 000 sur TikTok. Soit plus de 1,2 million de followers en cumulé, ce qui fait d’elle la skippeuse la plus suivie au monde sur les réseaux sociaux, hommes et femmes confondus. Au point que les médias français n’hésitent plus à parler de “Violette-mania”.

Cette étudiante-ingénieure en césure de l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) sera donc parvenue avec brio à se démarquer parmi les 40 skippers. Un exploit en soi, puisque, avec Dalin, Richomme et Le Cam, Violette complète le quatuor qui aura réussi à capter toute l’attention, reléguant les autres participants au second plan.

Le naturel comme stratégie de communication

Derrière ce succès fulgurant, et donc forcément envié, se cache une ligne éditoriale misant sur l’émotion plus que sur l’exploit, ainsi qu’une équipe réduite de trois personnes : deux community managers et une responsable communication. Pendant la course, ce n’est pas Violette qui poste directement. Un détail, car le maître-mot reste l’authenticité.

Violette raconte et filme tout : ses peurs et ses joies face caméra et sans jargon technique. Ce qui a fait la différence, c’est le récit et sa personnalité. Deux éléments clés pour les algorithmes des réseaux sociaux actuels.

Pour la jeune femme, se raconter en ligne est un talent naturel : depuis ses 14 ans, elle partage ses aventures sur les réseaux sociaux. Fière représentante de la génération Z, elle en connaît parfaitement les codes. Même ses vacances y sont documentées dans le moindre détail.

Pour le Vendée Globe, elle misera tout sur le naturel : des vidéos tournées avec un téléphone et montées sans trop d’effets. Pas de spots léchés ni de prises de vue sophistiquées au drone. Elle n’avait pas non plus de calendrier éditorial strict, et ses posts étaient peu nombreux. N’ayant aucun grand sponsor, elle n’avait ni obligation ni pression pour peser chaque mot, laissant place à l’improvisation.”Quand on a un grand groupe comme Macif derrière soi, comme Charlie Dalin, on doit passer par tout un processus de validation, et ça limite la spontanéité”, glisse un communicant du milieu de la voile à France TV.

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Loin d’être une simple influenceuse qui fait de la voile, Violette Dorange est une skippeuse hors pair qui, par un heureux hasard, maîtrise aussi bien la mer que les codes de la communication moderne. Au regard de son succès, la concurrence risque d’être nettement plus forte la prochaine fois sur le terrain numérique. Mais une chose est sûre : elle aura aussi, très probablement, un bien meilleur bateau. De quoi faire taire définitivement les mauvaises langues.

Et pendant ce temps le seul belge encore en course rame. Denis Van Weynbergh, le skipper de D’Ieteren Group a dû faire face à de multiples difficultés et pépins techniques. Avant d’arriver aux Sables-d’Olonne, il doit encore affronté la remontée des alizés, le passage des Açores, le Golfe de Gascogne. Ce marin de 57 ans, d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, ambitionne de devenir le premier Belge à rallier l’arrivée de cette course. Selon les organisateurs, son arrivée est estimée aux alentours des 27-28 février. Ce qui ne l’empêche pas de garder son humour. A suivre ici.

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