La prépension, nouvelle mouture, ne fonctionne pas

Pension RCC
© Getty

Le système RCC (régime de chômage avec complément d’entreprise) est censé inciter les plus de 55 ans à reprendre un travail. Mais cette prépension 2.0 n’est pas un franc succès, selon une étude de l’UGent. Ils seraient moins de 1 % des bénéficiaires à retravailler après un an.

Le système est revenu au-devant de la scène après que Marc Leemans, président de la CSC, ai pu en bénéficier à sa demande. Or, pour toucher le RCC, on doit être officiellement licencié. Monsieur Leemans étant parti sur base volontaire, certains crieront à la fraude sociale. Si l’exemple fait date, le contournement de ce système est pourtant loin d’être un cas limité. On peut même dire qu’il s’est généralisé, et ce tant du côté des entreprises (pour écarter des employés âgés à la rémunération trop élevée) que chez les syndicats (pour atténuer des fins de carrière pénibles).

Pour rappel, le RCC est une législation qui date du gouvernement Michel. Elle avait pour objectif de remplacer les prépensions, devenues quasiment systématiques, pour augmenter le taux d’emploi des 55+.  Aujourd’hui, ce système est au cœur de l’un des défis clés du gouvernement De Croo. Notre pays s’est, en effet, fixé pour objectif un taux d’emploi à 80% en 2030, contre 72% environ actuellement. Or pour y arriver, la Belgique doit de façon urgente prendre des mesures pour aménager les fins de carrière. Et dans cette optique le système de RCC fait tache. On lui reproche d’être un système de pension qui ne dit pas son nom. Qu’il n’aide d’aucune façon à maintenir les gens plus longtemps au travail. Pour beaucoup, il devrait tout simplement être réformé d’urgence.

RCC: plus de demandeurs d’emploi, mais un taux de remise à l’emploi extrêmement faible

A l’heure actuelle, le travailleur qui la reçoit perçoit une allocation d’entreprise en plus de son allocation de chômage. C’est donc fort similaire à l’ancienne prépension. A ceci près qu’on s’attend à ce que le travailleur soit toujours disponible pour revenir sur le marché de l’emploi. Ils font donc l’objet d’un suivi et reçoivent des offres d’emplois auxquelles les bénéficiaires du RCC sont tenus de postuler. L’idée est de motiver les plus de 55 ans à chercher un nouvel emploi. Sauf que dans le fait, on ne peut parler d’un franc succès.

Selon les derniers chiffres de l’ONEM publiés fin mars, 23.232 personnes ont bénéficié du RCC (ces chiffres incluent ceux qui le sont à mi-temps) en 2022. Cela représente une dépense de pas moins de 404,2 millions en 2022. Cela représente 3,3% du total des Chômeurs complets indemnisés – demandeurs d’emploi (CCI-DE). Comme le constate encore l’ONEM, en 2022, pour la première fois, le nombre de chômeurs en RCC diminue sur une base annuelle, puisqu’elle baisse de 10,4%.

Mais si ce chiffre est en baisse, le nombre de demandeurs d’emploi en RCC a augmenté de 10,8% depuis 2018. “Cette augmentation est principalement due au fait que les possibilités de dispense dans le régime de chômage avec complément d’entreprise ont été systématiquement limitées au cours des dernières années”, précise encore l’ONEM. Ce qui n’empêche pas les RCC de représenter le gros des chômeurs complets indemnisés non demandeurs d’emploi (CCI-NDE). C’est-à-dire ceux qui sont dispensés de l’inscription comme demandeurs d’emploi. En 2022, ils étaient 13.490 et représentaient 81,0% des CCI-NDE. Tout cela fait que les RCC présentent le plus faible pourcentage de sortie vers du travail avec seulement 0,1%, selon l’ONEM.

39 personnes ont retrouvé un travail

Une étude de l’UGent semble confirmer que la faible mise à l’emploi que crée le régime des RCC. En février 2022, 6.287 personnes étaient inscrites au VDAB dans le cadre du RCC. Un an plus tard, à peine 39 d’entre elles, soit 0,62 %, ont retrouvé un emploi. Toujours selon l’étude la faute ne serait pas forcément à chercher du côté des employeurs. La probabilité d’être embauché est légèrement plus élevée lorsque les demandeurs d’emploi font partie du système RCC. Toujours selon l’étude, les causes «semblent plutôt devoir être recherchées du côté des employés”, écrivent les chercheurs Axana Dalle et Stijn Baert.

En cause ?  L’allocation plus élevée permet aux travailleurs temporaires de mieux maintenir leur niveau de vie. Pour rappel, toujours selon les derniers chiffres de l’ONEM, le RCC offre effectivement l’indemnisation la plus élevée. Elle est respectivement de 1.506,33 EUR chez les demandeurs d’emploi et de 1.506,57 EUR chez les non-demandeurs d’emploi.

Blocage mental

Mais ce manque de motivation peut aussi être dû au fait que, pour beaucoup, c’est déjà tout simplement la pension. Selon les deux chercheurs, il y aurait donc aussi un blocage mental. Selon le VDAB, «si vous pensez déjà à la préretraite, il est très difficile pour les médiateurs de convaincre une personne encore motivée de poser sa candidature avec enthousiasme.”

Pour le spécialiste de l’économie du travail, Vincent Vandenberghe (UCLouvain), cette attitude doit beaucoup à la longue période au cours de laquelle les prépensions quasi systématiques à 55 ans ont été privilégiées, depuis les années 1980. “Dans ce pays, on a tout fait pendant des années pour pousser les gens dehors de manière prématurée”, explique-t-il dans Trends. “En réalité, nous avons désappris à vivre les fins de carrière jusqu’à 65 ans. Or avant, c’était une réalité pour tout le monde: les hommes travaillaient jusqu’à 65 ans et les femmes jusqu’à 60 ans. En fait, on a tué l’idée qu’il y avait un marché du travail après 50 ans.”

Olivier Mouton précise encore dans son article « Le tabou de la rémunération des seniors » que «les départs quasi systématiques à la prépension ont été supprimés, mais de nombreux employeurs continuent d’écarter les travailleurs les plus âgés, dans le cadre de procédures Renault par exemple, pour soulager leur masse salariale et engager des jeunes plus productifs. Ce souhait rejoint bien souvent le désir de salariés en quête d’une fin de carrière permettant de prendre le temps de profiter de la vie. Et quand tout cela n’est pas possible, les “seniors” viennent souvent gonfler le rang des malades de longue durée, dont le nombre explose. Bref, c’est la quadrature du cercle. »

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