Les Belges innovent dans l’agroalimentaire… quels produits attendre sur le marché ?

Anuga est considéré comme le premier événement agroalimentaire mondial. © photos: pg
Camille Delannois Journaliste Trends-Tendances  

Le salon de l’alimentation Anuga qui se tient à Cologne, en Allemagne, a présenté à l’industrie alimentaire internationale une foule d’innovations et de nouvelles tendances. Trends-Tendances s’est rendu sur place.

Des sodas fermentés à base de légumes, des ragoûts végétariens, une alternative au yaourt à base de noyaux d’abricot ou encore une vinaigrette à l’avoine… Ces produits font partie des innovations présentées au salon de l’alimentation Anuga. Durant cinq jours, la grand-messe internationale pour les filières des produits alimentaires et des boissons a rassemblé à Cologne plus de 7.900 exposants issus de 118 pays et répartis sur 10 salons spécialisés.

Anuga est considéré comme le premier événement agroalimentaire mondial, avec un nombre record d’exposants et plus de 140.000 visiteurs professionnels. Tous les grands noms de la distribution, à savoir Amazon, Aeon Co, Aldi, Auchan, Carrefour, Coop, Cosco Wholesale, Colruyt Group, Lidl & Kaufland, Metro, Mercadona, Migros, Rewe, Spar et Walmart, pour ne citer que ceux-là, étaient au rendez-vous.

“Pour ce type d’événement, on constate que la crise est loin derrière”, explique Aurélie Gerth, porte-parole de la Fevia, fédération de l’industrie alimentaire belge. L’édition 2021 s’était tenue en demi-teinte puisque des restrictions sanitaires subsistaient et que les Américains et Asiatiques étaient absents, ce qui représente un gros manque dans les contrats. “C’est le premier salon qui annonce des chiffres semblables à ceux d’avant la crise”, ajoute-t-elle.

Séduire l’international

Avec 192 entreprises belges qui avaient fait le déplacement, dont neuf bruxelloises et une soixantaine wallonnes, la Belgique était bien représentée. Leur objectif principal est de conclure des contrats et de séduire des clients à l’international. “Ce type de salon permet d’évaluer le succès de son produit auprès d’un public qui n’a pas été ciblé”, explique François Cahour, responsable de la zone Europe pour hub.brussels. Cela permet également aux entreprises de faire goûter leurs produits et d’échanger directement avec les acheteurs. “Certaines cultures prêtent énormément attention à la présentation lors des salons”, souligne Aurélie Gerth.

Pour les entreprises belges, les marchés les plus importants sont avant tout les pays frontaliers. Mais le marché asiatique est également très porteur. Selon la Fevia, les visiteurs du Japon et des Emirats arabes unis étaient les clients internationaux les plus nombreux sur les stands belges. “Ces derniers présentent un intérêt pour nos produits, en particulier pour ceux de convenience (qui font gagner du temps, comme les plats préparés à réchauffer au micro-onde, Ndlr)”, précise la porte-parole de la Fevia.

“Nous n’avons pas encore de chiffres officiels mais les retours sont globalement positifs”, souligne Eric Lejeune, agrifood business developer à l’Awex, l’agence wallonne à l’exportation. Un sentiment partagé par les entreprises interrogées sur place. “Nous avons pu confirmer deux contrats à l’international, l’un avec Malte, l’autre avec le Japon”, précise Yves De Rudder, responsable commercial de la start-up belge Yum-it qui propose des sauces froides sans sucre ni graisse.

Produits sains et naturels

Les produits exposés misent principalement sur les ingrédients d’origine naturelle, véganes ou sans gluten. La santé confirme donc sa place d’axe pour les innovations alimentaires dans le monde, principalement grâce la dynamique “végétale”. “C’est une tendance qui va se maintenir”, affirme Vincent Panneels, influenceur en retail et fondateur de la plateforme 20/CENT Retail. Cette vision santé se traduit par des producteurs qui revendiquent ainsi moins de sel, de sucre ou de matière grasse ou privilégient des ingrédients plus naturels (du miel ou du sirop de sureau à la place des sucres raffinés) dans leurs recettes.

Cette tendance s’empare aujourd’hui de toutes les catégories, même dans celle des énergisants, qui se veulent moins sucrés et surtout plus naturels. Exit, donc, la caféine, la taurine ou l’aspartame. La start-up belge Buddy s’est d’ailleurs distinguée en remportant un Taste Innovation Award pour ses boissons énergisantes 100% naturelles.

“Cette innovation conforte les choix forts que Buddy a posés, à savoir des ingrédients naturels et pas d’additif”, explique Oscar van der Rest, cofondateur de la start-up. Sur le stand, les visiteurs se pressent pour découvrir ses boissons énergisantes. La saveur mangue, qui a été distinguée, est d’ailleurs plébiscitée. “Cela apporte une crédibilité sur la scène internationale.”

Pour atteindre des groupes de consommateurs plus jeunes, les exposants présentent également des boissons aux couleurs flashy et aux saveurs exotiques, ou encore des boissons à paillettes. Outre les saveurs d’agrumes, les boissons, tant chaudes que froides, privilégient les arômes floraux et végétaux: hibiscus, jasmin, rose et sureau, entre autres.

Parmi les autres tendances fortes du salon, on remarque également que les ingrédients fonctionnels et bénéfiques pour la santé, comme des shots vitaminés ou des boissons à base de kéfir, se sont largement développés. La start-up bruxelloise Kult Kefir et la wallonne Eau Vertueuse étaient les deux représentantes belges en la matière.

Des alternatives, encore et toujours…

Outre les produits santé, ce sont les aliments à base de protéines alternatives qui occupent aussi une place de choix. “Que ce soit à la viande, aux œufs ou aux produits laitiers, c’est la véritable confirmation du salon ; la tendance reste aux alternatives”, analyse l’influenceur Vincent Panneels. Par exemple, parmi les innovations retenues par le jury figure Vegan No Egg White, de l’entreprise néerlandaise Schouten Europe. Celle-ci élabore des petits cubes blancs produits à base de soja et d’huile qui ont les mêmes bénéfices nutritionnels que les blancs d’œufs classiques.

Vegan No Egg White, de l’entreprise néerlandaise Schouten Europe

Si certains producteurs continuent de miser sur des “non- produits”, l’habitude de se définir a contrario s’est estompée, à en croire les innovations. “Les fabricants semblent avoir compris qu’il était préférable de dire ce qu’ils étaient plutôt que ce qu’ils n’étaient pas”, ajoute l’influenceur. Les faux burgers et les fausses saucisses occupent toujours une place de choix sur des stands comme Beyond Meat ou Le Boucher Végétarien mais certaines entreprises, comme la belge Noble Health qui commercialise désormais des boulettes de légumes, prennent le contre-pied: “Finalement, c’est notre principal produit, même si nous continuons à proposer des boulettes de ‘viande’ végane”, explique le responsable des ventes Eric Van Den Berghe.

Bettafish, une alternative végétale au thon.
Bettafish, une alternative végétale au thon. © National

Les alternatives à la viande passent aujourd’hui au second plan pour faire place aux substituts de poisson. “Les produits de la mer sont assez intéressants car le marché des alternatives à la viande est complètement saturé”, assure Vincent Paneels. C’est la start-up allemande BettaFish qui a été distinguée comme la plus innovante, pour ses conserves et sandwichs à base de faux thon fabriqué à partir d’algues. Elle se présente non seulement comme une alternative au thon, végétale mais aussi plus durable. “La culture des algues en elle-même est régénératrice et constitue une alternative durable à la pêche”, précisent les fondateurs de la start-up.

Des insectes abordables

Qu’il s’agisse d’alternatives aux croquettes aux crevettes ou de substituts aux fruits de mer ou au poisson, ces fabricants semblent susciter moins d’opposition que n’ont connue les producteurs d’alternatives à la viande. “Il existe moins de marques actives dans les produits de la mer, ce qui peut expliquer le peu d’opposition”, suggère Vincent Panneels, qui ajoute que l’utilisation des algues permet aux pisciculteurs de produire eux-mêmes les alternatives.

Concernant les protéines alternatives, les insectes (comme les grillons, les criquets migrateurs et les vers de farine) restent un axe d’innovation. Ils sont boostés par la décision de l’Union européenne d’autoriser la commercialisation des produits dont c’est la base. “Les acteurs internationaux se lancent sur le marché”, pointe l’influenceur. Seul changement, les producteurs proposent davantage ces produits sous forme de farines ou de pâtes (à base de grillons, par exemple) plutôt qu’en snacking, ce qui rend la consommation plus abordable. “Les Belges ont loupé l’occasion de barricader le marché puisque nous étions le premier pays à autoriser la vente de ce type de produit”, ajoute Vincent Panneels.

Y a-t-il un secret pour se démarquer dans ce type d’événement? Sans aucun doute, le produit doit répondre à certains critères et s’inscrire dans les tendances du moment: sain, naturel et durable. “Si l’on propose une alternative, il faut que celle-ci soit aussi forte que la version originale et indépendante de cette dernière, conseille Vincent Panneels. Sans oublier les coûts, qui doivent permettre de dégager une marge suffisante tout maintenant le produit accessible au consommateur.”

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