L’UE veut faire respecter l’égalité salariale, “un principe fondateur”
Bien que le droit à l’égalité de rémunération pour un même travail entre hommes et femmes est l’un des principes fondateurs de l’Union européenne, consacrés dans le traité de Rome depuis 1957, ce n’est pas le cas dans les faits. Et la pandémie, qui a touché davantage les travailleuses, a accéléré l’établissement de règles contraignantes.
A une très large majorité (403 pour, 166 contre) le Parlement européen s’est prononcé mardi en faveur de l’application de mesures contraignantes en termes de transparence salariale. Ceci dans le but d’afficher – et donc de pousser à réduire – l’écart de rémunération entre hommes et femmes.
Cette directive, proposée par la Commission européenne, appelle au “droit à l’égalité de rémunération pour un même travail ou un travail de même valeur entre hommes et femmes” tout en précisant que ce droit est “l’un des principes fondateurs de l’UE consacrés par le traité de Rome” signé en 1957.
En effet, la garantie de l’égalité de rémunération est déjà inscrite dans le traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), et a même été complétée en 2014 par une recommandation de la Commission sur la transparence. Malgré ce cadre juridique, l’application effective de ce principe demeure donc insuffisante au sein de l’UE. Et le manque de transparence des salaires est cité parmi les obstacles majeurs, selon la Commission.
Le salaire des femmes européennes inférieur de 14%
Selon la directive de la Commission européenne, l’écart de rémunération entre hommes et femmes dans l’UE continue de se situer aux alentours des 14%. L’institution précise que cet écart salarial a “une incidence à long terme sur la qualité de vie des femmes, sur le risque accru qu’elles courent de tomber dans la pauvreté et sur l’écart persistant en matière de pensions de retraite, de l’ordre de 33%“.
La pandémie de COVID-19 a accéléré le processus, qui a rendu “encore plus pressante la nécessité d’affronter cette problématique, dès lors que la crise a frappé plus durement les travailleuses“. Une tendance confirmée par l’étude d’Eurofound, la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail:
Il existe un impératif économique évident pour combler l’écart d’emploi entre les sexes. Il a coûté à l’Europe plus de 320 milliards d’euros en 2018, ce qui correspond à 2,4 % du PIB de l’UE cette année-là. Les marchés du travail européens continuent de démontrer un niveau élevé de ségrégation sectorielle et professionnelle, les femmes étant surreprésentées dans les emplois faiblement rémunérés et le travail à temps partiel, ce qui diminue leur indépendance économique. La crise du COVID-19 pourrait mettre en péril des décennies d’avancées en matière d’égalité des sexes.
Cette inégalité salariale entre les genres varie de manière significative entre les États membres et n’a que très peu diminué au cours des dix dernières années. Ainsi, cet écart se situe à plus de 18% en Allemagne, Autriche et Suisse, et dépasse les 20% en Lettonie et Estonie. La Belgique fait partie des meilleurs élèves européens, avec un écart de 5%. Mais le premier de la classe reste le Luxembourg, enregistrant seulement 0,7% d’écart.
De nouvelles règles contraignantes pour les entreprises
Les députés européens demandent que les entreprises de l’UE qui comptent au moins 50 employés (au lieu des 250 proposés initialement par la Commission) soient tenues de divulguer des informations permettant aux personnes travaillant pour le même employeur de comparer plus facilement les salaires, et révéler ainsi tout écart de rémunération entre les genres.
S’il s’avère qu’un écart de rémunération entre les sexes d’au moins 2,5% est constaté (contre 5% dans la proposition initiale de la Commission), les États membres seraient tenus de garantir que les employeurs – avec les représentants de leurs travailleurs – procèdent à une évaluation des rémunérations et élaborent un plan d’action pour l’égalité des genres. Et dans les cas où un travailleur porte l’affaire en justice, la législation nationale devrait contraindre l’employeur à prouver qu’il n’y a pas eu de discrimination.
Afin de stimuler les entreprises et récompenser les bons élèves, le Parlement propose même à la Commission européenne de créer un label officiel décerné aux employeurs modèles, dont l’entreprise ne présente pas d’écart de rémunération entre les genres. Enfin, les députés proposent également d’interdire le secret des rémunérations qui empêchent les travailleurs de divulguer des informations sur leur salaire, ou de demander des informations sur la même catégorie de rémunération de travailleurs.
Le Parlement est désormais prêt à négocier sur cette législation, le Conseil ayant déjà adopté sa position en décembre dernier.
Aurore Dessaigne
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