Carte blanche
Le dilemme de la start-up: faut-il faire entrer un financement externe dans le capital?
Plus que jamais, les entreprises dépendent du monde financier et ont besoin de financement. Dans certains domaines, seules les sociétés les mieux financées persisteront, tandis que les autres disparaîtront. Pour répondre à ce besoin, de plus en plus de fonds d’investissement voient le jour et souhaitent racheter une partie de l’actif de start-up prometteuses. Mais est-ce une bonne ou une mauvaise idée d’ouvrir son capital à des partenaires externes ? Et quel est le bon moment pour lever des fonds ?
Partons de l’hypothèse d’une start-up qui, pendant plusieurs années, a accumulé des pertes afin de développer et de commercialiser un produit ou service novateur. La jeune pousse est bénéficiaire depuis quelques mois et devrait, en toute logique, résorber ses pertes au cours des deux prochaines années.
Imaginons à présent que cette start-up veuille attaquer le marché français, ce qui demande un investissement important. Il lui faudra donc un certain temps pour générer les liquidités nécessaires. Un investissement externe pourrait alors se révéler judicieux. D’un autre côté, maintenant que l’entreprise est bénéficiaire, la valeur des parts augmente. Est-ce vraiment le bon moment de les céder ? Une croissance linéaire peut dès lors être préférable à une croissance exponentielle. C’est là que réside le dilemme…
La préparation est la clé
Prenons à présent le cas d’un entrepreneur qui a une idée porteuse et la développe. Il commence seul, puis engage une petite équipe. À un moment donné, il arrive à court de liquidités et se voit contraint de recourir à un fonds d’investissement. Dans ce cas, l’entrepreneur n’est pas en position de force pour négocier et est obligé d’accepter les conditions qu’on lui impose. Les investisseurs prennent alors des parts importantes dans la société, souvent 40, 50 voire même 60 %.
En revanche, un investissement bien planifié peut être réellement bénéfique pour créer un projet, percer un nouveau marché géographique ou développer un produit. Dans ce cas, l’investisseur externe est davantage un partenaire qui suit l’entrepreneur. Ensemble, ils développent un plan financier et prévoient même parfois des tours d’investissement ultérieurs. En d’autres termes, ne dites jamais “j’ai besoin d’argent”, dites plutôt “j’ai un projet” !
L’obligation de sortie conjointe : une réalité
Il convient cependant de garder à l’esprit qu’une fois entré dans le capital d’une start-up, un fonds d’investissement privé finit toujours par en sortir, car sa durée de vie est limitée. Stipulée dans les statuts, cette durée de vie est généralement de sept ans. Conséquence ? Lorsque le fonds disparaît, il vend ses parts. Il n’est pas rare que l’acheteur veuille racheter plus que la partie du fonds d’investissement. La start-up doit alors trouver de quoi racheter les parts mises en vente ou vendre le reste des siennes. C’est ce qu’on appelle la clause de drag along ou obligation de sortie conjointe : les associés sont dès lors tenus de céder leurs actions si le capital est racheté à 100 %.
Une image parfois erronée
Nombreuses sont les raisons pour une jeune pousse de recourir à un financement externe. Elle peut par exemple avoir besoin de trésorerie pour soutenir son activité actuelle ou justement accélérer sa croissance : percer un nouveau marché géographique, développer une nouvelle activité ou un nouveau produit, racheter un concurrent, voire même améliorer son image.
Ceci dit, lorsqu’une start-up lève du capital sans développer de nouveau produit ni attaquer un nouveau marché, ce n’est pas toujours bon signe. Contrairement à ce que laissent quelquefois penser les sommes astronomiques levées, la jeune pousse se trouve peut-être en eaux troubles. Les entreprises moins saines sont en effet heureuses de lever du capital. Plus l’activité est risquée, plus il est préférable de diluer le risque. Il convient donc parfois de se méfier, même si le capital levé est important et que la presse le relaie largement.
Alternatives aux fonds d’investissement
Il existe d’ailleurs des alternatives viables au fonds d’investissement classique. Le crowdfunding en est par exemple une. La start-up propose son projet à des particuliers qui ont la possibilité d’investir des montants plus limités, avec un rendement plus intéressant qu’un compte épargne. Et qui dit plus petit montant, dit évidemment risque moindre. Bolero, la plateforme d’investissement en ligne de KBC, en est un bon exemple, car les projets proposés sont préalablement sélectionnés par KBC. Les investisseurs publics (régionaux) sont une autre option envisageable. Sans durée de vie prédéterminée, ils sont souvent plus pérennes.
Un choix cornélien
Quelle position doit dès lors adopter une start-up qui développe encore son produit sans enregistrer de bénéfices ? Soit elle développe son produit très rapidement en laissant la moitié de ses parts à un investisseur externe. Soit elle garde la tête hors de l’eau par le biais du crowdfunding ou d’investisseurs régionaux qui investissent des montants plus limités. Tout dépend de la ligne de conduite que s’est dictée l’entrepreneur.
Quoi qu’il en soit, la finalité est toujours la même : l’entrepreneur doit céder une partie de sa société, de son bébé. Mais n’est-il pas préférable, parfois, de posséder la moitié de quelque chose de grand que la totalité de quelque chose de petit ? Si la raison sous-jacente en vaut vraiment la peine et que la plus-value est réelle, le recours à des investisseurs externes est certainement une bonne idée.
Benjamin TAILLEUR, Product Marketing Manager, Horus Software
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