La première récolte péruvienne du chocolatier Benoît Nihant

Benoît Nihant dans sa plantation, baptisée "Luis de Sisa" en clin-d'oeil à son fils Louis, aujourd'hui âgé de 13 ans. © Claude Sadik

Des années de travail acharné et passionné et une première récolte qui tient toutes ses promesses… Fin de l’année dernière, le chocolatier Benoît Nihant est rentré du Pérou avec les premières fèves de ses cacaoyers.

Un sacré pari et déjà une belle récompense qui s’est concrétisée courant décembre par la production de tablettes numérotées en une quantité limitée à 450 exemplaires. Mû par sa passion pour le chocolat et sa quête du goût absolu, Benoît Nihant a poussé l’idéal jusqu’à produire ses propres fèves. “Pour pouvoir vivre l’expérience au plus près de la chose, explique-t-il. Ma femme et moi vivons cette expérience professionnelle comme un hobby, une passion. Notre expérience dans la plantation, c’est pareil.”

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Les premiers fruits ont été récoltés en octobre dernier, après plus de six ans d'attente.
Les premiers fruits ont été récoltés en octobre dernier, après plus de six ans d’attente.© Claude Sadik

Huit ans après avoir lancé sa chocolaterie à Awans, en région liégeoise, il prenait possession de terres cultivables au Pérou, à San Jose de Sisa, dans la province de San Martin. “Les prémices de ce projet remontent à 10 ans déjà, lorsque j’avais été invité avec d’autres chocolatiers par le ministère péruvien de l’Agriculture pour visiter une région qui avait été sous l’emprise des narcotrafiquants et que les autorités voulaient réhabiliter, en remplaçant notamment la culture du coca par celle du caco, se souvient le chocolatier. C’est une région extrêmement difficile d’accès, située à environ 1h15-1h30 de vol de Lima en direction du nord-est, dans les dernières ondulations de la cordillère des Andes et tout au début de la forêt amazonienne.”

Cacaoyers natifs

C’est en collaboration avec les experts de l’ONG Forest Finance qu’est développé en 2016 un programme ambitieux de reforestation raisonnée. Des cépages de cacaoyers natifs, correspondant au terroir, ont été réintroduits, contrairement à ce qui se fait dans la plupart des plantations de la région. Tout un écosystème a été reconstitué. “La première chose a été de planter des bananiers qui ont la particularité de pousser très rapidement et de donner de grandes feuilles qui ont offert l’ombre nécessaire au développement des bébés cacaoyers que nous allions planter, précise Benoît Nihant. Il s’agit d’une variété d’arbre qui, pour subsister, doit vivre à l’ombre de la forêt tropicale. Par ailleurs, durant toutes les années où les cacaoyers n’ont pas donné de fruits, ces bananiers ont constitué un revenu d’attente pour les familles qui s’occupent de la plantation.” Des espèces ligneuses locales comme les Capironas, les Caobas ou les Cedros ont aussi été replantées de manière à recréer un écosystème et à favoriser le développement d’insectes particuliers permettant la pollinisation du cacao. “Tout a été précisément pensé pour que le cacaoyer ancien et fragile puisse subsister.”

La fermentation des fèves dure de 6 à 7 jours, elle va permettre aux arômes de se développer.
La fermentation des fèves dure de 6 à 7 jours, elle va permettre aux arômes de se développer.© Claude Sadik

Le goût plus que le profit

“La logique économique voudrait que l’on plante des variétés qui portent le plus de fruits par hectare, des variétés qui soient les plus résistantes aux maladies, et ce n’est pas l’option que nous avons choisie”, souligne Benoît Nihant. Les espèces qui sont plantées dans la région peuvent donner entre 4 et 5 tonnes de fruits par an et par hectare. La cacaoyer planté donnera -à vitesse de croisière- entre 800 kilos et 1 tonne par an et par hectare, mais offrira un maximum de nuances aromatiques.

Plus de 6 ans d’attente

La plantation en est à ses balbutiements. Les premiers fruits – une centaine de kilos – ont été récoltés en octobre dernier, après 6 ans et demi d’attente. Les volumes vont s’accroître au fur et à mesure que les arbres vont devenir plus âgés et plus robustes. Benoît Nihant et son équipe sont plus que satisfaits de cette première récolte. “Honnêtement, c’est un soulagement, avec toute cette attente et ce travail, on voulait que le résultat soit à la hauteur, confie le cacaofévier. On sait que l’on a fait quelque chose de bien. On le sait en goûtant le chocolat. Alors que l’arbre est si jeune, on perçoit déjà une complexité, on goûte un chocolat qui va évoluer en bouche, d’abord sur des notes boisées, légèrement fumées qui deviennent des notes de fruits rouges, légèrement acidulées en fin de bouche. On peut déjà apercevoir toute une palette de goûts dès maintenant, alors que ce sont les premiers fruits. Les années à venir nous promettent des améliorations, probablement aussi des changements, on est tout à fait rassurés par rapport aux choix qu’on a faits et du projet.”

Après séchage (le taux d'humidité résiduelle doit être inférieur à 7%), les fèves peuvent être mises en sacs de toile de jute et transposées en toute sécurité.
Après séchage (le taux d’humidité résiduelle doit être inférieur à 7%), les fèves peuvent être mises en sacs de toile de jute et transposées en toute sécurité.© Claude Sadik

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