Jean-Pierre Lutgen rencontre Jacques Séguéla à l’Ecailler du Palais Royal

© DANNY GYS
Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances  

Le patron d’Ice-Watch face au pape de la pub. A l’invitation de Trends-Tendances, dans notre série “Rencontres de l’Ecailler du Palais Royal”, le Manager de l’Année 2017 et le communicant de la “Génération Mitterrand” ont croisé le couvert pour mieux disserter sur l’avenir des marques. Au programme: slogans, politique, wokisme et retraite à 100 ans.

Il fallait s’y attendre. Au rendez- vous donné à L’Ecailler du Palais Royal à Bruxelles, Jean-Pierre Lutgen n’est pas arrivé les mains vides. Avec une certaine fierté, le fondateur de la marque Ice-Watch a livré son tout nouveau bébé horloger au publicitaire Jacques Séguéla: un exemplaire de sa collection inédite de montres pour enfants qu’il vient de lancer sur le marché.

A 89 ans, le papy de la publicité n’a pas joué au blasé, même s’il compte plus de 1.500 campagnes de pub à son actif, dont certaines dédiées aux élections présidentielles françaises (on se souvient de la fameuse affiche La Force tranquille qui a contribué à la victoire du candidat François Mitterrand en 1981). Toujours aux aguets, Jacques Séguéla a donc ouvert le paquet et c’est tout naturellement sur le thème de la montre et du temps qui passe qu’ont débuté les festivités.

TRENDS-TENDANCES. Monsieur Séguéla, vous travaillez toujours pour le groupe Havas, à l’aube de vos 90 ans. L’actuel débat sur la retraite en France à 64 ans doit vous faire sourire, non?

JACQUES SéGUéLA. Moi, j’ai fixé l’âge de ma retraite à 100 ans. Il me reste à peine 10 ans. Ce n’est rien du tout!

JEAN-PIERRE LUTGEN. (Eclats de rire) Si je calcule bien, il me reste encore 43 ans, alors! Vous savez, j’ai quelques amis autour de moi qui viennent de prendre leur retraite et c’est assez catastrophique. C’est dur, physiquement et mentalement. Ils commencent à avoir mal partout, ils se plaignent, alors que s’ils étaient restés en activité, je suis sûr qu’ils se sentiraient mieux.

J.S. Le travail reste ce que l’on a inventé de mieux pour s’amuser.

J.-P.L. C’est magnifique, ça!

J.S. Moi, je ne fais jamais moins de huit heures de pub par jour! Et parfois, il y a un événement qui s’ajoute le soir. Mais attention, j’ai besoin de sept, voire huit heures de sommeil.

C’est votre secret pour durer?

J.S. Le premier secret, c’est l’alimentation. Il faut manger de tout, un peu. Un grand médecin m’a dit un jour: “Si tu ne veux pas devenir gros, ne te ressers jamais”. Et j’applique ça.

Vous connaissiez la marque Ice-Watch avant cette interview croisée?

J.S. Bien sûr! J’en ai d’ailleurs une qui est blanche et bleue. Et je voudrais dire ceci: rien n’est plus difficile que d’aller sur le marché d’une marque qui a inventé quelque chose de nouveau. Donc, aller sur le marché de Swatch, c’est très dur. Mais dans Ice-Watch, il y a ice, un mot qui est très riche d’utilisation. Il y a quelque chose de sportif, mais aussi quelque chose de “smoking” parce que ça peut être la ice du verre. C’est rare d’avoir une marque qui s’accroche à un mot qui en dit peut-être plus long que la marque elle-même. Après, il faut qu’elle trouve sa personnalité. Mais je connais mal votre marque. Swatch m’étonne plus que vous. Et à la fois, j’en ai marre des Swatch. Elles se ressemblent toutes…

J.-P.L. Techniquement parlant, au niveau qualitatif, on est au-dessus.

J.S. (Il examine longuement la montre Ice-Watch que Lutgen porte au poignet) Oui, elles sont mieux finies. J’en ai une dans ma table de chevet à Ibiza. Moi, je passe mon été en Ice…

J.-P.L. “Passez votre été en Ice”… C’est très bien ça!

J.S. Pardon pour le mauvais jeu de mots, mais moi, c’est mon Holiday on Ice

J.-P.L. (Eclats de rire) Je n’arriverai jamais à comprendre comment vous faites pour sortir autant de punchlines aussi rapidement!

Attention, la marque de spectacles est peut-être protégée…

J.S.Holiday en Ice, alors…

J.-P.L. Très bien! Ce mot holiday me fait d’ailleurs penser au covid et même à la période post-covid où les gens ont pris l’habitude d’aller en vacances tout en continuant à faire du business. J’appelle ça le “bholiday”, la contraction de “business holiday”. Je vais déposer le nom. D’ailleurs, quand vous disiez tout à l’heure que le travail est aussi du plaisir, c’est tout à fait ça! Le “bholiday”, c’est de savoir mettre le lieu de travail à un autre endroit pour profiter du soleil, de la plage, de la lumière…

J.S. Le drame du système actuel, c’est que le télétravail est devenu du travail devant la télé.

Moi, j’ai fixé l’âge de ma retraite à 100 ans. Il me reste à peine 10 ans. Ce n’est rien du tout!” JACQUES SÉGUÉLA

J.-P.L. En principe, tout le monde se souvient de sa première montre. Vous vous souvenez de votre première montre?

J.S. (Hésitations) Heu… Non, mais je me souviens de la montre de mon père. A sa mort, c’est la première chose que j’ai emportée et je l’ai portée. C’était une montre à gousset et on me l’a volée. C’est comme si on m’avait volé le cœur. (Il s’arrête un instant) Mais ma toute première montre, non. En revanche, je me souviens de ma première Rolex!

J.-P.L. (Rires) Avant 50 ans, j’espère?

J.S. (Rires) Bien avant! (en 2009, pour défendre Nicolas Sarkozy attaqué sur ses signes extérieurs de richesse, Jacques Séguéla avait sorti la phrase “Si à 50 ans, on n’a pas une Rolex, c’est qu’on a raté sa vie”, Ndlr) Oui, j’ai dit une connerie. Ce n’est pas la première et ce ne sera pas la dernière. Mais ce n’est pas ce que je voulais dire. Je voulais dire qu’il faut avoir un rêve et le réaliser. En fait, si j’avais dit le mot tableau ou vélo à la place de Rolex, personne n’aurait rien dit, alors qu’il y a des vélos beaucoup plus chers qu’une Rolex.

J.-P.L. Mais dans le milieu de l’horlogerie, cette phrase est imprimée d’une façon extraordinaire!

J.S. C’est la force des slogans. Donc, je suis quand même très fier d’avoir dit cette connerie! C’est même mon meilleur slogan. Sauf que Rolex ne m’a même pas remercié et que je n’ai jamais reçu une montre (rires)!

J.-P.L. C’est vrai?

J.S. Oui! Un jour, dans une interview à la télévision suisse, j’ai même adressé un message au grand patron de Rolex en lui disant ceci: Monsieur le président, si vous nous regardez, je voudrais vous dire que j’ai quand même fait beaucoup pour vous et que j’aimerais que vous me fassiez un cadeau. Je voudrais une des petites pendules que vous mettez dans les aéroports pour la poser sur ma tombe avec cette épitaphe “De là où je suis, je ne peux plus rien vous offrir, sauf l’heure. A condition qu’elle soit Rolex!”

J.-P.L. (Eclats de rire) Excellent.

J.S. Le mec ne m’a même pas répondu!

J.-P.L. Oh non! Je sais, par mes contacts avec les journalistes spécialistes horlogers, qu’ils n’étaient visiblement pas contents chez Rolex de cette phrase sauf que maintenant, ils se rendent compte de tout le bénéfice de ce slogan et qu’ils ne font plus de remarque désobligeante.

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J.S. Un jour, j’ai quand même rencontré le patron de Rolex France dans un restaurant qui m’a dit: “Ecoutez, ça suffit! Arrêtez maintenant avec vos trucs!” Mais on n’arrête pas un slogan. Ou alors, il faut en trouver un plus fort…

J.-P.L. Moi, j’en ai un! Et c’est l’intelligence artificielle qui me l’a donné. J’ai tapé dans ChatGPT les mots Ice-Watch, montre, enfant, slogan, etc. Et il m’a sorti: “Si tu n’as pas ton Ice-Watch à six ans, tu vas rater ta vie!” (Jacques Séguéla se marre) Aujourd’hui, toutes les grandes marques de luxe ont des collections pour les enfants. Dior, Louis Vuitton, Gucci, Hermès… Or, dans l’horlogerie, toutes les grandes marques comme Patek Philippe, Rolex, Breitling ou Omega n’ont pas de montres pour l’enfant.

La publicité d’hier, elle était courageuse. Aujourd’hui, il n’y a plus de courage.” JACQUES SÉGUÉLA

J.S. A-t-on vraiment envie que les enfants aient des montres de luxe, surtout dans ce monde qui hait les riches et où tout signe de richesse est un signe de malhonnêteté?

J.-P.L. Alors, Ice-Watch ne fait pas du luxe, mais comme il y a un espace énorme au niveau de la montre pour enfant, nous avons vraiment envie de devenir la montre premium enfant. Pourquoi? Parce que, quand vous êtes passionné d’horlogerie, vous voulez transmettre une partie de votre passion à vos enfants. En France, il y a une communauté de 500.000 personnes qui sont passionnées par l’horlogerie. Or, elles n’ont rien à transmettre, même pas une montre à 150 euros, bien finie, avec un petit mouvement automatique suisse. C’est vers là qu’on veut aller. Donc, si tu n’as pas ton Ice-Watch à six ans, tu vas rater ta vie! (rires)

Vous allez vraiment utiliser ce slogan, Jean-Pierre Lutgen?

J.-P.L. Je ne peux pas puisque je dois être respectueux de la paternité de ces mots…

J.S. Mais vous pouvez! Cela immortalise le slogan…

J.-P.L. (Rires) Et ça le transforme!

J.S. Je suis désolé, mais moi, mes filles m’ont demandé une Rolex comme cadeau à 16 ans! Je leur ai répondu qu’on allait attendre un peu…

J.-P.L. Jusqu’à 50 ans (rires)!

J.S. Ce slogan, au départ, m’a attiré des torrents de haine et de critiques, mais aujourd’hui, tous les gens qui m’abordent, c’est avec le sourire. Par exemple, quelque temps après avoir fait cette sortie, j’ai été accosté sur les Champs-Elysées par deux jeunes de banlieue qui étaient plutôt rieurs. L’un des deux m’a montré son bras. Il avait dessiné une Rolex au bic sur son poignet et il m’a dit: “Avant 50 ans, j’aurai la vraie dessus”. Extraordinaire! Je l’ai pris dans mes bras et je l’ai embrassé.

J.-P.L. Puisque nous sommes dans un magazine économique, je dirais même que Rolex est devenue aujourd’hui une monnaie. Si demain vous voulez transférer discrètement des avoirs, d’un pays à l’autre, et que la somme en cash est limitée par exemple à 10.000 euros, vous prenez deux Rolex et personne ne vous dira rien. On vous les rachètera automatiquement parce que la valorisation est là, parce que la rareté est là et que ces montres valent même plus cher sur le marché de l’occasion. Il y a aussi un engouement sur la Rolex par le fait qu’elle est devenue une monnaie.

J.S. Dans cette histoire de Rolex, il y a quelque chose de magique parce que j’ai associé un bijou à un âge qui est 50 ans. Personne n’avait jamais fait ça. Le “50 ans” est presque aussi important que Rolex dans ce slogan.

Profil de Jean-Pierre Lutgen

· 57 ans

· Licencié en affaires publiques et internationales de l’UCL, il fonde la société Tonton Lulu en 1991, spécialisée dans les articles promotionnels (pin’s, bracelets, etc.)

· En 2006, il lance la marque de montres colorées Ice-Watch axées sur la mode et l’accessibilité.

· Sa belle success-story (plus de 20 millions d’exemplaires vendus dans le monde) lui vaut le titre de Manager de l’Année 2017.

· Après une collection de montres solaires lancée en 2020, il s’attaque à présent le marché premium de la montre pour enfant.

J.-P.L. Pour changer complètement de sujet: Mitterrand, c’est vous qui l’avez contacté ou c’est lui qui vous a contacté pour la présidentielle de 1981?

J.S. Je vais vous raconter l’histoire. (Jacques Séguéla évoque longuement sa rencontre et ses 15 années de complicité avec Mitterrand, avant d’évoquer la fameuse affiche “La force tranquille”). C’est ce que j’ai expliqué à Mitterrand, c’est que je n’allais pas faire une affiche de gauche, mais une affiche de droite parce qu’il fallait gagner les 10% de l’électorat de droite qui pouvait basculer. Si vous vous souvenez de l’affiche, elle est pétainiste.

J.-P.L. Oui, c’est la tradition française!

J.S. Bleu, blanc, rouge! On est dans un village…

J.-P.L. Il y a même une église! C’est énorme…

J.S. On attendait tout de Mitterrand, sauf une église. Et c’est là où il a été génial, car on oublie trop souvent que ce sont les annonceurs qui font les campagnes: il a quand même accepté une église sur l’affiche! Bon, il m’a juste dit: “Séguéla, je ne suis pas calotin, alors la petite croix sur le clocher en haut à gauche, vous me l’enlevez!”

J.-P.L. (Eclats de rire) Magnifique!

J.S. Une affiche réussie, c’est une affiche dont le visuel est le sous-titre des mots. La force tranquille, tout seul, sur un fond blanc, ça ne marche pas. Et qu’est-ce qui fait marcher le slogan? C’est que, derrière, il y a le village et la petite église, et que, devant, il y a Mitterrand. C’est ça, le sous-titre de La force tranquille. Et c’est grâce à ça que le slogan existe. Mais l’affiche a failli ne jamais sortir. Le noyau dur du Parti socialiste n’en voulait pas. Mais Mitterrand l’a imposée: “J’aime bien cette affiche, elle me ressemble, c’est ma campagne, pas la vôtre, donc on la garde”. D’ailleurs, quand je lui avais montré le slogan, il était resté planté et il m’avait dit ensuite cette formidable: “Séguéla, vous m’avez trouvé”. C’est le plus bel hommage que ne m’ait jamais fait un annonceur.

Si tu n’as pas ton Ice-Watch à six ans, tu vas rater ta vie!” JEAN-PIERRE LUTGEN

J.-P.L. Et le coup des dents limées, c’est vrai?

J.S. Oui. La France avait 10 ans de retard sur les Anglo-Saxons pour la publicité politique et la communication. Mitterrand voulait surtout que je le forme pour la télévision. Mais quand il souriait, il avait un côté Dracula…

J.-P.L. Il fallait oser lui dire!

J.S. Je lui ai dit deux choses. La première, c’est: “Monsieur le Président, vous êtes habillé comme un ministre de la Quatrième République, il faut aller chez un tailleur de gauche”. La deuxième chose: “A la télévision, vous ne souriez jamais. Or, tout débat doit commencer par un sourire. De la même façon que vous devriez changer de tailleur, vous devriez changer de dentiste”. (Lutgen se marre) Il y a eu une espèce de blanc. Et là, je me suis dit: “Ou bien il va me virer, ou il va me mettre une beigne!” (rires) Quelques jours plus tard, il est arrivé avec le sourire. Il était transformé. Nous n’en avons plus jamais reparlé.

Quand Mitterrand gagne l’élection en 1981, vous dites-vous, même modestement, que vous avez changé le destin de la France?

J.S. Non, non et non! Quand on est publicitaire, il faut être plein d’humilité et de respect. Du fond de mon âme, c’est Mitterrand qui a gagné parce qu’il a fait une campagne exceptionnelle.

J.-P.L. Ses discours étaient quand même fabuleux…

J.S. De temps en temps, je lui donnais des éléments de langage, mais c’est lui qui a porté sa campagne. Je pense que, sans moi, il aurait quand même été élu. Donc, je n’ai pas fait élire Mitterrand, c’est plutôt lui qui m’a fait élire petit roi de la publicité. D’ailleurs, s’il n’avait pas été élu, je ne serais pas là aujourd’hui. Tout le monde aurait oublié La force tranquille.

J.-P.L. J’adore vous voir parler de Mitterrand parce que ça pétille dans vos yeux!

J.S. C’est comme s’il était là. Je l’embrasse!

Il était devenu votre ami?

J.S. (Il hésite) Oui, mais c’est difficile de dire qu’on est l’ami de Mitterrand. Je faisais partie du cercle, voilà. Il était très tendre avec moi, mais il était aussi très dur quand je disais une connerie! J’ai travaillé 15 ans avec lui. Il m’a aussi beaucoup aidé. C’est lui qui m’a trouvé un porte-avion et un sous-marin pour la pub de la Citroën Visa GTI. Aujourd’hui, ça ne passerait plus…

J.-P.L. Avec votre expérience très large dans le temps, vous considérez que la liberté dans la publicité est aujourd’hui amoindrie par le bien-pensant et le politiquement correct?

J.S. Bien sûr! C’est une catastrophe abominable. Avant, la publicité, c’était le dernier endroit de liberté. Tout était possible. Aujourd’hui, plus rien n’est possible. Tout est woke! Un mot de trop vous condamne. Tout passe à la moulinette.

J.-P.L. Il y a tout le problème des genrés, non-genrés, etc.

J.S. La publicité d’hier, elle était courageuse. Aujourd’hui, il n’y a plus de courage. Les annonceurs ne prennent plus de risque parce qu’ils savent que c’est scruté par tout le monde. Le pire mot du vocabulaire publicitaire, c’est tester. On va tester l’idée avant de la lancer. Moi, je dis: un peu moins de tests, un peu plus de testicules! C’est ça le courage en publicité.

Profil de Jacques Séguéla

· 89 ans

· Titulaire d’un doctorat en pharmacie, il change d’orientation en 1960 et devient reporter à Paris Match.

· A 35 ans, il se lance dans la publicité et fonde l’agence RSCG qui deviendra Euro RSCG en 1991, puis Havas Advertising en 1996 dont il sera le vice-président.

· Toujours consultant pour le groupe Havas, il compte plus de 1.500 campagnes de pub à son actif.

· Il a également écrit une vingtaine de livres dont le célèbre Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité, elle me croit pianiste dans un bordel.

J.-P.L. Je tenais à vous dire que vous êtes l’une de mes idoles, depuis très longtemps.

J.S. J’ai brisé la Ice! (Rires partagés) Mais il y a quand même une chose qui n’a pas changé pas dans la publicité depuis que je la fréquente, donc depuis 70 ans: c’est que la pub restera d’abord une idée. Vous pouvez inventer toute l’intelligence artificielle que vous voulez dans le monde, elle ne vous pondra pas elle-même une idée. L’intelligence artificielle peut recueillir des idées, copier des idées, mélanger des idées, mais elle ne va pas vous sortir une nouvelle idée.

J’adore vous voir parler de Mitterrand parce que ça pétille dans vos yeux.” JEAN-PIERRE LUTGEN

Mais comment définir l’idée?

J.S. Posez cette question très simple à un annonceur: que devient la neige lorsqu’elle fond? L’annonceur vous répondra: “De l’eau”. C’est une réponse d’annonceur: incolore, inodore, sans saveur, nulle! L’idée, c’est autre chose: lorsque la neige fond, elle devient le printemps.

J.-P.L. Oooh…

J.S. Et mon métier, c’est le printemps permanent.

J.-P.L. C’est la poésie, c’est l’art…

J.S. Oui, la publicité, c’est la poésie et on ne l’enlèvera pas. Vous n’aurez jamais de poésie dans l’intelligence artificielle. (Il marque un temps d’arrêt) Savez-vous que 75% des marques que l’on consomme aujourd’hui vont mourir? Ice-Watch peut mourir.

J.-P.L. Oui, c’est vrai.

J.S. Et que devez-vous faire pour qu’elle ne meure pas un jour?

J.-P.L. (Hésitant) Je ne sais pas…

J.S. Moi, je sais. Et je vais vous raconter une histoire, encore avec Mitterrand. (Il se lance dans un long récit qui évoque sa rencontre avec le Dalaï-Lama, grâce à Mitterrand, et termine avec cet enseignement) L’envers de la vie, ce n’est pas la mort, c’est la naissance. Chaque jour est un shoot d’éternité, un shoot de vitalité. C’est comme ça qu’on ne meurt jamais. Et nous, les annonceurs et les publicitaires, nous avons une vocation. Ce n’est pas simplement vendre des yaourts, des montres ou des voitures. C’est que la marque, votre marque Ice-Watch, soit encore en vie quand vous serez mort, dans 30 ans, 40 ans, 50 ans. On a fêté les 100 ans de Citroën, j’ai d’ailleurs écrit un livre là-dessus, mais Citroën a toujours 20 ans, l’âge de ma 2 CV quand j’ai fait le tour du monde. Et donc, quelle est la seule façon de rendre une marque immortelle? C’est de lui appliquer la seule chose qui soit immortelle dans le monde, c’est-à-dire l’âme. Notre métier, c’est de donner une âme aux marques. Quelle est l’âme d’Ice-Watch?

J.-P.L. (Silence) Pour moi, c’est de donner des petits moments de bonheur…

J.S. Non, ça, ce n’est pas une âme. L’âme, c’est un mot. Si vous n’avez pas d’âme, dépêchez-vous d’appeler une agence pour qu’elle vous en trouve une. Mais il faut bien réfléchir. Ça ne se trouve pas en deux minutes. Je suis à votre disposition pour vous aider.

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