Attractivité des entreprises : le salaire passe avant la politique durable chez les jeunes
La génération des 18-32 ans considère la politique de durabilité d’une entreprise comme importante, voire même indispensable, selon l’Observatoire “Les jeunes et l’attractivité du monde du travail” de CBC Banque & Assurance. Une rémunération attrayante reste toutefois l’attrait numéro un pour les jeunes. La plupart sont en quête de sens dans leur travail.
Pour 70% des jeunes de 18-32 ans une politique de durabilité sociale, économique et environnementale cohérente et honnête d’une entreprise est importante, voire indispensable. 81% d’entre eux sont d’avis que leur employeur se doit d’être engagé ou utile envers la société. En premier en faveur de l’environnement (48%), mais aussi contre les discriminations sociales et le racisme (40%). Ce sont les conclusions de l’Observatoire “Les jeunes et l’attractivité du monde du travail” de CBC Banque & Assurance qui a sondé 750 jeunes*.
L’étude révèle une certaine ambiguïté du rapport des jeunes à la durabilité d’une entreprise. La rémunération reste en effet l’attrait numéro 1 pour les jeunes. “Que la rémunération reste aussi importante pour eux vient du fait qu’ils sont dans une phase de leur existence où ils doivent se construire financièrement. C’est la période de la première voiture, du premier bien immobilier… et cela est encore beaucoup plus marqué en cette période d’inflation et de hausse des prix”, explique Marine De Ridder chercheuse et chargée de cours à l’ICHEC Brussels Management School.
Confiance, écoute et solidarité
Elle poursuit : “Il y a, derrière ces chiffres, une attente forte des jeunes envers les entreprises pour qu’elles s’engagent dans la durabilité, mais une difficulté, à titre individuel, de s’inscrire dans des choix de carrière qui concourent à une société plus durable. Selon moi, ce paradoxe n’est pas propre aux jeunes, mais représente une parfaite illustration de notre rapport paradoxal aux crises environnementales, sociales et sanitaires actuelles. Nous voulons (presque) toutes et tous que les choses évoluent positivement, mais peu d’entre nous sont réellement prêts à sacrifier du confort de vie (i.e. ici, dans l’enquête, en termes de rémunération, par exemple) au profit de ces enjeux de durabilité. “
“Peu d’entre nous sont réellement prêts à sacrifier du confort de vie au profit de ces enjeux de durabilité.
L’étude CBC révèle également les valeurs RH les plus appréciées par la jeune génération. Confiance (50%), écoute (35%) et solidarité (32%) se hissent ainsi dans le top 3 des valeurs humaines qui donnent le plus envie aux jeunes de travailler pour une entreprise. Quant aux facteurs de motivation à travailler, les jeunes mentionnent avant tout l’argent (56%), l’environnement, l’ambiance et les collègues (40%) ainsi que le développement personnel (38%).
La fonction publique attire
CBC soulève un résultat plutôt surprenant : la fonction publique à la réputation parfois un peu désuète est plébiscitée comme secteur le plus attractif par les jeunes. Ils sont 17% à la mentionner, devant le secteur pharmaceutique (14%), le secteur des soins de santé (11%) et le secteur bancaire (11%). “ On voit que ce sont des secteurs liés à la situation pandémique, il faudra voir si cette tendance perdure“, constate Fabien Claus, Directeur des Ressources Humaines chez CBC.
Quant à la question de l’attractivité d’une entreprise aujourd’hui, plusieurs constats ressortent de l’Observatoire. En premier lieu, les jeunes sont plus attirés par une entreprise locale (37%) ou nationale (36%) qu’internationale (26%), à la différence des autres générations qui avaient davantage d’ambition de carrière à l’étranger.
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Collaboration et flexibilité
Au niveau managérial, la majorité des jeunes préfèrent une entreprise ayant une organisation horizontale qui favorise la collaboration et la flexibilité (61%) que verticale (39%). “Les jeunes attendent d’un manager avant tout de l’intelligence émotionnelle et une culture de feedback”, explique Fabien Claus.
Les grandes entreprises du BEL 20 arrivent en seconde position parmi les plus attrayantes, suivies, on n’est pas à un grand écart près, par les sociétés issues de l’économie sociale et solidaire. Les start-up ne remportent que 14% des suffrages.
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Le secteur bancaire en déficit d’image
Face à ces nouveaux paramètres, le secteur bancaire doit aussi s’adapter pour améliorer sa visibilité auprès des jeunes actifs, souligne Fabien Claus. “Il souffre d’un déficit d’image dans le monde du travail. Il y a dix ans, beaucoup de diplômés étaient aimantés par la banque, ce n’est plus le cas. Il faut montrer en quoi le secteur contribue à la société, dans le conseil aux particuliers ou aux entreprises pour investir dans le durable par exemple. Nous devons prendre plus de risques avec les jeunes travailleurs, les engager en fonction du profil au lieu de l’expérience.”
Distance et proximité dans un monde du travail post-covid
La crise sanitaire a aussi eu un impact sur 6 jeunes sur 10 quant à leur vision du travail. En leur donnant avant tout envie d’un travail avec un meilleur équilibre vie privée – vie professionnelle (31%) ainsi que d’un meilleur salaire (28%) et l’envie de travailler dans une entreprise plus stable (26%).
Marine De Ridder soulève un autre paradoxe du rapport au travail dans une société post-covid. “Les jeunes ont en même temps un besoin de distance et de proximité en voulant appartenir à un collectif.”
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Avec de nouveau défis qui se présentent aux départements RH et aux managers qui se doivent d’innover face à ce nouveau paradigme. “Pour les départements des ressources humaines et plus globalement pour les équipes de management des organisations, il faut dès à présent tenter de trouver l’équilibre délicat entre ces attentes difficilement conciliables. Cela nécessite de penser des pratiques managériales responsables qui permettront d’être ensemble, de faire équipe, tout en répondant aux besoins de flexibilité de chacun”, conclut la chercheuse.
* Observatoire CBC réalisé par le bureau d’étude Ipsos, en avril 2022, auprès d’un échantillon représentatif de la population belge, active, âgée de 18 à 32 ans (750 personnes sondées).
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