Alessandro Mazzocchetti (Odoo): “Le CFO est comme le copilote d’une voiture de rallye”
Pour expliquer son rôle en tant que directeur financier, Alessandro Mazzocchetti, le CFO d’Odoo depuis 2016, va puiser une comparaison dans le sport automobile, qu’il affectionne. « Je suis un peu comme un copilote de rallye, dit-il. Avec au volant le CEO, et le CFO à ses côtés qui dit quand il faut freiner, quand il est possible d’accélérer. Et c’est cette complémentarité qui fait que vous arrivez premier, deuxième ou troisième. »
Odoo, qui a développé une suite d’applications open source pour la gestion des entreprises, avance en effet à grande vitesse. L’entreprise affiche un taux de croissance annuel de plus de 50% depuis des années. Une croissance d’autant plus remarquable qu’elle a été totalement financée par les 10 millions de capital de départ et autofinancement. Odoo est une des rares licornes à ne pas avoir augmenté ses fonds propres par augmentation de capital.
Pour mesurer le chiffre d’affaires, Odoo se réfère au billing, c’est-à-dire ce qui est facturé aux clients. En 2019, le billing d’Odoo s’élevait à 64 millions. En 2022, il était de 275 millions. Et cette année, Odoo a budgété 420 millions. Un chiffre conservateur. « Nous sommes toujours très prudents dans nos budgets. Je n’aime pas délivrer du rêve », explique Alessandro Mazzocchetti.
Proximité géographique
Parallèlement, le nombre d’employé explose : ils étaient 700 en 2019, ils devraient être 4.000 à la fin de cette année. « Nous avons a clôturé 2022 avec 65% de croissance. Nous avons ouvert l’an dernier quatre nouvelles filiales : Allemagne, Espagne, Italie et Kenya. Cette année, nous avons ouvert une filiale en Australie et nous en ouvrirons une en Indonésie. Ces ouvertures sont la concrétisation d’un changement de stratégie intervenu au début de l’an dernier car les grands comptes sont de plus en plus intéressés par notre solution mais leurs cycles de décision et leurs budgets ne sont pas ceux d’une petite société. Il faut être géographiquement proche de ces entreprises. Nous allons donc ouvrir des filiales dans des marchés stratégiques pour nous. »
Auparavant, Odoo avait déjà ouvert des implantations à Luxembourg, aux Etats-Unis, en Inde, à Hong Kong, au Mexique et aux Emirats.
Nous pensons que les plus gros clients doivent payer davantage parce que notre valeur ajoutée pour eux est plus importante.
Alessandro Mazzocchetti
« Quand vous réalisez une telle croissance, vous êtes toujours en retard. Le travail consiste à sans cesse mettre à jour la structure et le département financier. » Le département financier d’Odoo compte désormais une trentaine de personnes et commence à prendre plus en plus d’importance avec les filiales qui se multiplient et dont le chiffre d’affaires augmente, en particulier aux Etats-Unis et Asie-Pacifique. Et comme Alessandro Mazzocchetti coiffe également la casquette de responsable des ressources humaines, il ajoute : « je ne m’ennuie pas du tout ».
Nouveaux tarifs
Il s’ennuie d’autant moins que l’an dernier, Odoo a mis en place une nouvelle stratégie tarifaire qui a sans doute été le grand événement financier de 2022.
« Nous pensons que les plus gros clients doivent payer davantage parce que notre valeur ajoutée pour eux est plus importante, tandis que les petits clients doivent payer moins. Partant de ce constat, alors que dans le secteur tout le monde augmentait ses prix, nous les avons diminués de 20 à 25%. Un nombre de plus en plus important de sociétés vont utiliser nos solutions et cette augmentation va compenser cette baisse tarifaire. »
Mais ce n’est pas tout. « Nous n’avons pas seulement changé les tarifs, poursuit le CFO d’Odoo. Nous avons aussi changé la structure de notre offre. Auparavant, nous avions un prix par utilisateur et un prix par application. Aujourd’hui, le client peut utiliser toutes les applications. Les clients se retrouvent donc avec des applications auxquelles ils n’avaient même pas pensé : pour le recrutement, le web marketing, etc. » Une stratégie qui semble fonctionner. « Les chiffres du premier trimestre sont positifs, ajoute-t-il. Nous sommes en ligne avec ce que nous avions budgété, c’est à dire une croissance de 50%. Mais nous nous attendons à une accélération vers la fin de l’année car la période la plus importante pour nous est le second semestre. »
Méthode
« Nous sentions cette exigence d’adapter les prix pour donner la possibilité aux petits clients de venir vers nous, explique encore Alessandro Mazzocchetti. Mais il fallait tester cette stratégie, notamment au niveau financier car nous perdons du cash-flow au départ, avant de remonter ensuite. En effet, si la facture des PME est déjà réduite, celle des grands comptes déjà clients ne bouge pas jusqu’à la fin de l’année. C’est donc un travail main dans la main avec Fabien (Pinckaers, le CEO d’Odoo, NDLR): on sort une hypothèse, on la teste aux niveaux stratégique, commercial et financier.»
Trends CFO of the Year 2023
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