Propositions de l’UE pour réduire les factures d’énergie : comment les Etats prennent les devants

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La Commission européenne a détaillé ce mercredi ses propositions pour enrayer la flambée des prix du gaz et de l’électricité, notamment en restreignant les “superprofits” des groupes énergétiques et en réduisant la consommation de l’UE aux heures de pointe. De nombreux points restent encore en suspens et notamment le gel des prix du gaz.

Face aux factures d’énergie dantesques qui attendent les ménages européens cet hiver, l’UE était pressée de promulguer des mesures d’aide. Ursula Van Der Leyen, la présidente de la Commission européenne, en a édicté quelques-unes ce mercredi.

Elle avance notamment une taxe très attendue sur les surprofits des groupes énergétiques – aussi appelé “mécanisme de prélèvement” – et un plan de réduction de la consommation d’électricité. Pour le gel du prix de gaz– un sujet qui divise grandement les Etats – aucun accord n’est toutefois annoncé à ce jour. Plus structurellement, une réforme “complète et en profondeur du marché de l’électricité” s’annonce, pour les prochains mois. La présidence tchèque espère obtenir un accord sur “un paquet ambitieux de mesures” lors du Conseil extraordinaire des ministres de l’Energie, convoqué le 30 septembre à Bruxelles.

Pour l’heure, en attendant la concrétisation de ces mesures, chaque Etat membre prend pour ainsi dire les devants. Une certaine cacophonie règne. Chaque pays, dans l’attente de décisions concertées venant d’en haut, promulguant, pour ne pas perdre un temps précieux, ses propres mesures pour soulager les ménages.

Plafonner les revenus

La Commission propose de plafonner les revenus des producteurs d’électricité à partir du nucléaire et des renouvelables (éolien, solaire, hydroélectrique), qui engrangent des bénéfices “exceptionnels” en vendant leur production à un prix très au-delà de leurs coûts de production.

Selon un projet de texte consulté par l’AFP, la Commission propose de fixer ce plafond à 180 euros/mégawhattheure. La différence entre ce niveau de revenus et le prix de gros du marché serait récupérée par les Etats pour être redistribuée aux ménages et entreprises qui en ont le plus besoin. Charbon et méthane sont exclus du mécanisme. Ce plafonnement permettrait de lever “plus de 140 milliards d’euros”, a assuré mercredi la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.

La présidente de la Commission Ursula von der Leyen
La présidente de la Commission Ursula von der Leyen© Belgaimage

Dans la pratique, le défi de rendre cette taxation opérationnelle n’est pas une mince affaire. Chaque Etat membre sera, en effet, chargé non seulement de la percevoir mais aussi d’en redistribuer le “produit” aux plus “vulnérables”, une définition de vulnérabilité complexe que chaque pays européen devra définir avec ses propres critères. La manne pourrait varier grandement selon les pays, aux mix énergétiques extrêmement variés. En France, notamment, les bénéfices du nucléaire, via les dividendes d’EDF, et des énergies renouvelables, via les contrats de vente à prix fixe conclus par les opérateurs, reviennent déjà largement à l’Etat, stipule l’AFP.

Réduire la demande aux heures de pointe

Selon son projet, la Commission veut aussi fixer aux Etats un objectif contraignant pour réduire leur consommation d’électricité “d’au moins 5%” pendant un nombre déterminé d’heures de pointe, durant lesquelles l’électricité est la plus chère. Cela permettrait de réduire non seulement l’électricité, mais aussi de gagner 3,8% de la consommation du gaz nécessaire pour produire cette électricité.

L’exécutif européen appelle aussi les Vingt-Sept à réduire leur consommation mensuelle de 10%, un objectif indicatif. Chaque pays choisirait la façon d’y arriver, par exemple via “des systèmes d’enchères” adjugeant aux industriels des compensations financières en échange d’une réduction de consommation. Les États membres doivent maintenant identifier les heures auxquelles procéder aux réductions et les mesures à mettre en oeuvre pour y parvenir.

Selon le gestionnaire du réseau français de transport d’électricité RTE, un “risque de coupure ne peut pas être totalement exclu”, mais “il pourrait être évité en baissant la consommation nationale de 1 à 5% dans la majorité des cas, et jusqu’à 15% dans les situations météorologiques les plus extrêmes”. Concrètement, pour les entreprises, collectivités et particuliers, il s’agit de baisser ou reporter la consommation de chauffage, d’éclairage ou de cuisson, notamment lors des pics de consommation, le matin entre 8H00 et 13H00 et le soir entre 18H00 et 20H00.

En Belgique, le gouvernement fédéral a décidé fin août de diminuer la température à 19 degrés dans l’ensemble de ses bâtiments. L’utilisation de la climatisation sera régulée (jusqu’à un maximum de 27 degrés). L’éclairage des bâtiments fédéraux et des monuments sera éteint entre 19 h et 6 h.

Plafonnement du prix du gaz, discordance entre les Etats

La présidente de la Commission européenne a admis mercredi l’absence d’accord sur un plafond général du prix du gaz, provenant de différentes sources et pas seulement de la Russie. Ici aussi, des dissonances se font entendre au niveau européen. La Slovaquie, la République tchèque et la Hongrie, entièrement ou très dépendantes du gaz russe, y sont opposées, parce qu’elles craignent des mesures de rétorsion, commente Le Soir.

centrale nucléaire française dans la plaine du département de l'Ain
centrale nucléaire française dans la plaine du département de l’Ain© GETTY

La Belgique se dit favorable à un plafonnement général du prix des importations de gaz, mais d’autres Etats membres estiment que ce serait malvenu de l’imposer à des pays comme la Norvège ou l’Algérie, qui doivent permettre à l’Europe de se passer de gaz russe.

Par ailleurs, un mécanisme de gel des prix a déjà été décidé il y a quelques mois dans certains pays européens. Ainsi, la Grèce, l’Espagne, le Portugal ou encore, la France, ont déjà mis en place un modèle de plafonnement au niveau national. Doivent-ils revoir ce système après les dernières décisions de l’UE s’interroge La Libre ? Réponse de la Commission : “ce qui compte n’est pas le chemin emprunté, mais la destination, qui doit être conforme aux objectifs fixés par le règlement européen”.

Au printemps dernier, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis annonçait en effet que le pays allait plafonner le prix de l’électricité et taxer les surprofits des producteurs d’électricité.La Grèce n’attendra pas la solution de l’Europe, qui prend trop de temps. Les difficultés des ménages et des entreprises ne peuvent plus attendre“, avait-il alors déclaré. Fin mai, le pays a reçu le feu vert de la Commission européenne, et depuis juillet, les mesures sont devenues effectives.

Les résultats de cette mesure ne se sont pas fait attendre en Grèce. En juillet – le premier mois où la taxe sur les profits était en vigueur – l‘inflation en Grèce a immédiatement chuté de 1,6 %, la plus forte baisse en Europe. En outre, les prix de l’électricité pour les consommateurs sont retombés à l’un des niveaux les plus bas d’Europe, selon les chiffres du Financial Times.

Une telle décision pourrait aussi être prise chez nous selon l’expert Paul Verhaege, cité par HLN, qui presse le gouvernement fédéral à agir (voir aussi ci-dessous).

Le bouclier tarifaire prolongé en France

La Première ministre française Elisabeth Borne a, de son côté, annoncé ce mercredi qu’elle allait prolonger le bouclier tarifaire “pour tous les ménages, les copropriétés, les logements sociaux, les petites entreprises et les plus petites communes“. Le but : limiter à 15% les hausses du prix de l’électricité et du gaz en 2023, soulignant que si la population faisait preuve de sobriété il n’y aurait “pas de coupure”.

Un “accompagnement spécifique” sera en outre mis en place pour “aider les plus modestes”, avec des “chèques énergie exceptionnels” de 100 ou 200 euros qui seront “versés d’ici la fin de l’année” à destination de 12 millions de foyers.

Les pays du nord prennent aussi des actions pour contrer les prix de l’énergie.Le Danemark veut plafonner les factures de gaz, d’électricité et de chauffage. Le Parlement finlandais a adopté mercredi un plan de soutien de 10 milliards d’euros au secteur de l’électricité pour le protéger des turbulences.

Et chez nous ?

Des décisions urgentes doivent être prises par un nouveau kern qui se réunit ce vendredi, après s’être vus mardi. Le temps presse, et entre autres, pour les entreprises, déjà étranglées par les coûts de l’énergie.

Les décisions prises par l’UE – le plafonnement des surprofits et une contribution des groupes pétroliers et gaziers – contribuerait également au financement des mesures envisagées par notre gouvernement.

Quelques idées ont déjà fuité. Les entreprises dites “énergivores” (dont les coûts énergétiques représentent au moins 3 % des coûts de productions au total) qui arrêtent ou suspendent leurs activités pourraient actionner le mécanisme du “chômage de crise énergétique”, ou chômage économique temporaire. Ce qui s’est déjà fait pendant la pandémie. Les travailleurs, ouvriers et employés toucheront 70 % de leur rémunération, avec un complément par jour de chômage égal à 6,10 euros.

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Une mesure “A l’allemande”

Pour ce qui concerne les consommateurs et les ménages, les partenaires de la Vivaldi semblent avoir trouvé un consensus sur une mesure “à l’allemande” consistant à octroyer un volume de gaz à un prix fixe et réduit, rapporte Le Soir. Cela se traduira par une réduction de la facture. Son ampleur doit encore être déterminée.

Les partenaires de la Vivaldi sont, en revanche, moins unanimes sur le “ciblage” de l’aide octroyée, continue le quotidien francophone. Les bénéficiaires du tarif social seront décomptés, en principe, tout comme les ménages les plus aisés, soit les revenus intégrant les derniers déciles en termes de fiscalité. Ces mesures devraient être temporaires. Il est aussi question d’attribuer un deuxième chèque-mazout de 225 euros.

Fin août, le gouvernement fédéral avait déjà décidé de prolonger les mesures de soutien à la population (réduction de la TVA gaz & électricité et tarif social pour un million de ménages) pour faire face à l’explosion des prix de l’énergie.

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