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“Si le Covid-19 a eu un effet positif, c’est d’avoir réveillé en Europe cette faculté d’avoir de l’ambition et de grandes idées.”

“Il faut toujours viser la Lune. Car même en cas d’échec, on atteint les étoiles”, disait Oscar Wilde. Bien plus tard, les publicitaires, qui ont le sens des formules lapidaires, avaient résumé l’idée en deux mots: Think Big! Pensez grand!

Pensez grand, c’est aussi le conseil que donne l’économiste Mariana Mazzucato dans son best-seller sur l’Etat entrepreneur qui vient d’être traduit en français. C’est parce qu’un jour les Etats-Unis ont pensé grand qu’ils ont été sur la Lune ou que leur agence technologique militaire, la Darpa, a inventé Internet. Et c’est parce que la Chine a pensé grand voici trois ans qu’elle est en train de dépasser les Etats-Unis dans la course à l’intelligence artificielle.

La nouvelle directive pourrait bannir une entreprise du marché européen ou la forcer à se scinder, si elle abuse vraiment trop de sa position dominante.

Or, si le Covid-19 a eu un effet positif, c’est d’avoir réveillé en Europe cette faculté d’avoir de l’ambition et de grandes idées. Trop longtemps, on n’a vu l’Europe que comme une armée de technocrates occupés à pondre des règlements pour standardiser les dimensions des lames des tondeuses. En libérant des moyens importants pour la relance et en fixant ces derniers jours des objectifs très ambitieux pour ces prochaines années, la nouvelle Commission pilotée par Ursula von der Leyen commence elle aussi à ” penser grand “.

Les moyens, ce sont les 750 milliards d’euros du plan de relance. Des milliards qui devraient d’ailleurs faire des petits puisque ces sommes seront complétées par les efforts au niveau national et par les investissements privés. Les objectifs, ils viennent d’être revus à la hausse. Dans son discours sur l’Etat de l’Union prononcé la semaine dernière, la patronne de la Commission demande d’abaisser d’ici à 2030 – c’est-à-dire dans moins de 10 ans, soit demain – les émissions de gaz à effet de serre de 55% (par rapport à leur niveau de 1990) et non plus de 40% comme il avait été proposé avant la crise. Trois moyens d’y parvenir : via une Europe des batteries pour soutenir l’industrie automobile du Vieux Continent (c’est en cours) ; via une Europe de l’hydrogène (c’est lancé) et via un prix du carbone efficient, qui forcerait les capitaux privés à se réorienter vers les investissements verts (cela reste à faire). Le marché du carbone actuel, avec ses quotas de CO2 gratuits et un prix du CO2 de 19 à 29 euros la tonne, n’est pas efficace. Il faudrait que le carbone soit quatre ou cinq fois plus cher pour aider à ” flécher ” en vert les investissements privés.

Penser grand, c’est aussi prendre le problème numérique à bras le corps. Un problème complexe, car il s’agit à la fois de protéger les données privées des citoyens, de valoriser les données des entreprises et de favoriser l’émergence de sociétés européennes dans un domaine où la Chine et les Etats-Unis disposent de géants qui ont bâti des citadelles monopolistiques très lucratives et très difficiles à expurger.

Une solution passe par une juste imposition des Gafa. Ursula von der Leyen a précisé que si elle ne pouvait pas avoir lieu au sein de l’OCDE en raison du blocage persistant des Etats-Unis, l’Union européenne lèverait sa propre taxe. Cela passe aussi par une politique de concurrence nettement moins laxiste à l’égard des monopoles numériques. Le futur Digital Services Act, qui doit réglementer l’industrie digitale au sein du marché unique, pourrait être une arme redoutable. Selon ce qu’a dévoilé au Financial Times le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, la nouvelle directive pourrait bannir une entreprise du marché européen ou la forcer à se scinder, si elle abuse vraiment trop de sa position dominante. Même les gendarmes commencent à ” penser grand “.

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