Et si la Russie coupait le robinet de gaz vers l’Europe ?

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Quelles pourraient être les conséquences de la guerre en Ukraine sur l’approvisionnement en gaz dans notre pays ? On fait le point avec Laurent Remy, porte-parole de Fluxys, le gestionnaire du réseau de gaz naturel en Belgique.

LAURENT REMY (Fluxys): Seul un petit pourcentage du gaz naturel importé en Belgique vient de Russie, de l’ordre de 6 à 6,5% selon le SPF Economie. Le gaz russe arrive en Belgique par différentes sources, essentiellement par des pipelines aux points frontières à l’Est du pays, à Eynatten. La difficulté c’est que le gaz est un produit fongible, le gaz russe qui arrive via l’Allemagne est mélangé avec du gaz danois, hollandais, norvégien,…

On peut déterminer avec certitude que le plus grand fournisseur de gaz en Belgique est la Norvège, à hauteur de 43 à 45% via le “Zeepipe”. Ce pipeline relie directement la zone de Zeebrugge au champ gazier en Mer du Nord.

Quel serait l’impact chez nous d’une coupure de gaz entre la Russie et l’Ukraine ?

Il y a déjà eu des tensions entre l’Ukraine et la Russie dans le passé concernant le gaz mais la Belgique n’avait pas été impactée (ndlr: en 2009, à la suite d’un différend entre l’Ukraine et Gazprom sur le prix à payer et faute de paiements d’une partie des livraisons de 2008, Gazprom a réduit, puis stoppé les livraisons du gaz naturel à l’Ukraine). Ce sont principalement les pays de l’Est de l’Europe qui avaient été les plus touchés. Les flux qui circulaient de façon prédominante en Belgique de l’Est vers l’Ouest se sont arrêtés et ont basculé du jour au lendemain dans l’autre direction, depuis l’ouest vers l’est. Il est donc clair que les pays à l’Est de l’Europe seraient plus impactés par une limitation potentielle des flux de gaz par la Russie que les pays situés dans le Nord-ouest.

La Belgique est en mesure d’importer du gaz de toutes les directions.

Le gaz naturel liquéfié (GNL) pourrait-il être une alternative pour l’approvisionnement en gaz en cas de limitation de la part de Gazprom ?

Le terminal méthanier de Zeebrugge est un atout très intéressant dans ce contexte, tout comme celui de Dunkerque relié à la zone de Zeebrugge par un gazoduc. Par le biais de ces terminaux, on a accès aux sources d’approvisionnement du monde entier, à la vingtaine de producteurs de gaz naturel mondiaux. On a reçu quelques cargos en provenance des Etats-Unis en début d’année, le plus gros joueur est le Qatar. La Belgique est donc en mesure d’importer du gaz de toutes les directions.

Le GNL, un gaz liquéfié

Le GNL (gaz naturel liquéfié) désigne le gaz naturel transformé sous forme liquide. Cet état est atteint lorsque le gaz est refroidi à une température d’environ -160°C à pression atmosphérique. Après traitement, la liquéfaction permet de condenser le gaz naturel en GNL en réduisant son volume d’un facteur de près de 600 pour un même pouvoir calorifique, ce qui facilite son transport par voie maritime. Le GNL est essentiellement constitué de méthane (à plus de 90%). C’est un liquide inodore, sans couleur, non corrosif et non toxique.

Dans ce contexte, quel pourrait être le rôle de la Belgique dans l’approvisionnement de l’Europe en gaz ?

On a développé notre réseau comme une plaque tournante dans le réseau de gaz d’Europe occidentale. Le réseau belge est relié par gazoduc au gisement de gaz norvégien, au marché britannique (NDLR : via l’Interconnector, un gazoduc en dessous de la Manche), qui est alimenté lui-même par des sources domestiques et norvégiennes. On est, de plus, bien connecté avec les Pays-Bas ainsi qu’avec la France via une canalisation qui relie Zeebrugge à Dunkerque depuis 2015.

La capacité d’importation dans la zone de Zeebrugge est de 50 milliards de mètres cubes. Pour alimenter le marché belge, on n’a besoin que d’un tiers de cette capacité. La consommation belge est de 17 milliards de mètres cubes par an. Cela veut dire que même si l’approvisionnement en Europe en gaz russe est réduit, on aura quand même des capacités suffisantes pour fournir la Belgique mais aussi pour aider les pays voisins si nécessaire. Finalement, 2/3 des capacités d’importation à Zeebrugge sont utilisées pour le transit de gaz naturel qu’on achemine vers l’Allemagne, les Pays-Bas et la France. Cela pourrait s’accroitre dans le futur.

Comment garantir la sécurité d’approvisionnement en Europe ?

Une réglementation européenne régit la sécurité d’approvisionnement. Les instances nationale et européennes, et les gestionnaires de réseau, dont Fluxys, suivent de près la situation et l’impact potentiel de ces tensions géopolitiques sur les approvisionnements en gaz. En tant que gestionnaire, on peut déjà prendre des mesures rapides pour optimaliser les flux si jamais il y avait des soucis de fonctionnement du marché.

Imaginons que des problèmes surviennent pour alimenter l’Allemagne, les Pays-Bas pourraient alors dévier des flux chez nous et nous pourrions les faire parvenir vers ce pays voisin. Si ces mesures s’avéraient insuffisantes et si des mesures d’urgence devaient être prises pour assurer l’alimentation des clients dits “protégés” comme les hôpitaux, une coordination se ferait alors au niveau européen, le SPF Economie et Energie prendraient la main pour assurer l’approvisionnement. On n’est certainement pas encore dans cette situation. Le fonctionnement actuel est tout à fait normal. Des gardes fous sont en place au niveau opérationnelle et politique, la situation est suivie au jour le jour.

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