Carrefour : pourquoi la Belgique est-elle plus touchée que la France ?

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Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Alors que dans l’Hexagone, le distributeur annonce un plan de départs volontaires concernant 2 % des effectifs (2.400 collaborateurs sur 115.000) et visant uniquement le siège , chez nous, Carrefour pourrait licencier jusqu’à 1.233 personnes sur 11.500, à la fois au siège d’Evere et dans les magasins.

C’est un véritable bain de sang social qu’a annoncé le groupe de distribution Carrefour lors du conseil d’entreprise extraordinaire qui s’est tenu en fin de semaine dernière au siège social de l’entreprise, à Evere. Sur les 11.500 collaborateurs que compte l’enseigne chez nous, 1.233 pourraient perdre leur emploi : 180 au siège et 1.053 dans les hypermarchés. Deux des 45 grands magasins du groupe fermeront leurs portes, trois seront réduits de taille et transformés en supermarchés Market, et un verra sa surface réduite tout en restant un hypermarché (alliant alimentaire et non-alimentaire). Tous les hypermarchés devraient être touchés par des pertes d’emplois liées à des projets de digitalisation et de concession d’espaces.

La situation est tout à fait différente en France. Mis à part le passage en location-gérance de cinq hypermarchés et le projet de sortie de 273 magasins ex-Dia pour lesquels le groupe recherche des repreneurs (il ne devrait normalement pas y avoir de fermetures), c’est surtout le siège français de Carrefour qui est concerné par le plan de restructuration. Un plan de départs volontaires y sera proposé à 2.400 salariés. ” Il est vrai que l’opération annoncée en France est pour le moment limitée au siège, affirme un expert du secteur. Mais à mon avis, des licenciements dans les magasins seront inéluctables dans les années à venir. C’est là que le business se fait et que les grosses réformes devront avoir lieu. ” Il n’empêche : à ce stade, les mesures annoncées en Belgique sont à la fois plus importantes et plus dures que dans l’Hexagone. Comment l’expliquer ?

Une concurrence intense et des coûts salariaux élevés

On peut tout d’abord pointer la densité de magasins qui est beaucoup plus forte chez nous. ” La concurrence est beaucoup plus intense en Belgique, explique Dominique Michel, administrateur délégué de Comeos, la fédération des entreprises des secteurs du commerce et des services. En France, il est possible de ne trouver qu’un seul hypermarché dans un rayon de 50 km. Il y a donc de facto une protection du marché. ” Le responsable pointe par ailleurs le problème de la déperdition des achats. ” Chaque année, 2,7 milliards d’euros sont dépensés par les Belges dans des magasins physiques à l’étranger : en France, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Luxembourg. La France, elle, ne connaît pas ce problème. ” Dominique Michel pointe en outre divers freins qui désavantageraient les distributeurs. ” Malgré le tax shift, les coûts salariaux sont encore environ 16 % plus élevés en Belgique que chez nos voisins, dit-il. C’est un énorme handicap pour les entreprises du secteur de la distribution qui emploient beaucoup de collaborateurs. Si cet écart n’est pas réduit, cela posera certainement encore des problèmes à l’avenir. ”

Des freins liés à l’e-commerce

Au niveau de l’e-commerce, l’administrateur délégué de Comeos ne se montre pas spécialement plus optimiste. ” Pour de grosses structures comme les grands distributeurs, cela coûte énormément d’argent tout en n’étant pas encore rentable, dit-il. Non seulement l’e-commerce alimentaire n’apporte pas de clients supplémentaires aux chaînes, mais celles-ci doivent en plus faire face à toute un série de freins, dont la difficulté de mettre en place du travail de nuit pour préparer les commandes. ” De manière générale, notre interlocuteur pointe ” un arsenal de lois et de conventions collectives qui datent des années 1970 ” et qui obligent les distributeurs à se battre ” avec des armures du Moyen Age face à des soldats disposant de lasers ” (comprenez Amazon, Coolblue, Bol.com, Zalando, Hello Fresh, etc., Ndlr). ” Il est temps de se demander quel cadre social nous voulons garder, mais que ce cadre permette de tester de nouvelles formes de business de manière assez rapide. ”

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