Qui sont les clients “corona” des banques?

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Nombre de Belges demandent à leur banquier de les aider pour passer le cap de la crise du Covid-19. Leur profil est très varié.

La crise du Covid poursuit ses effets et entraîne des pertes de revenus importantes pour bon nombre de ménages et d’entreprises. Pour aider ces derniers, le gouvernement a élaboré un plan visant à accorder des facilités de paiement. Les particuliers peuvent, comme on le sait, demander un report de paiement de leur crédit hypothécaire pour une période maximale de six mois. Les entreprises viables et les travailleurs indépendants peuvent de leur côté bénéficier d’une suspension du remboursement des échéances liées à leur crédit, et cela jusqu’au 31 octobre 2020 inclus.

Depuis l’annonce de ces mesures de soutien début avril, les banques ont accepté un paquet de reports de paiement aux clients qui ont pris contact avec elles et qui satisfont aux conditions. Selon les derniers chiffres communiqués par Febelfin, la fédération du secteur financier, plus de 122.000 entreprises ont ainsi obtenu une suspension de leur crédit. Au total, ces suspensions représentent un en stock de financements évalué à 19 milliards d’euros, soit une moyenne de 155.000 euros par demande de report. Rien que chez Belfius, par exemple, 36.000 demandes de report d’échéance ont jusqu’ici été accordées pour un montant de 385 millions d’euros, essentiellement à de petites et moyennes entreprises.

Le nombre de particuliers et d’entreprises ayant sollicité et sollicité un report du remboursement de leur crédit a franchi la barre des 235.000 dossiers.

Bien que moins élevés, les chiffres relatifs aux prêts hypothécaires sont comparables à ceux des crédits aux entreprises. Toujours selon Febelfin, les banques ont accordé depuis début avril plus de 113.000 reports de paiement à des particuliers, pour un volume de crédits hypothécaires sous-jacent se montant à 11,7 milliards d’euros, soit une moyenne de 103.000 euros par crédit.

Au total, si on additionne toutes ces demandes, le nombre de particuliers et d’entreprises impactés par la crise du coronavirus ayant sollicité et obtenu un report du remboursement de leur crédit a franchi la barre des 235.000 dossiers. Le tout pour un encours de crédits concernés qui s’établit à 30,7 milliards d’euros.

Beaucoup d’indépendants et de PME

Mais à quoi, au juste, ressemblent ces clients ” corona ” des banques ? Selon Febelfin, ” les profils des particuliers sont très diversifiés, ce qui est logique puisque les deux mesures sont générales et potentiellement ouvertes à tout emprunteur qui se retrouve dans une situation financière difficile à la suite de la crise du coronavirus “, indique le porte-parole, Rodolphe de Pierpont.

Il y a donc, semble-t-il, de tout parmi les clients des banques victimes du Covid-19. Aussi bien des familles monoparentales que des couples sans enfants, aussi bien des petits indépendants que des grosses PME ? Hormis le constat que 80 % des demandes de report émanant des entreprises concernent des indépendants et des PME (c’est même 90 % chez Belfius), Febelfin dit ” ne pas avoir à ce stade plus d’informations sur la segmentation des demandeurs de report des échéances pour les crédits hypothécaires et pour les crédits aux entreprises “, ajoute Rodolphe de Pierpont.

Deuxième grande banque du pays, KBC (et ses filiales CBC et KBC Brussels) observe néanmoins que parmi les sociétés qui lui ont demandé un report figurent surtout des entreprises actives dans le secteur des services (agences de voyages, clubs de sport, etc.), de la construction et du retail (magasins de proximité).

Pour ce qui est des crédits hypothécaires, le bancassureur flamand constate qu’il s’agit surtout de clients âgés entre 36 et 50 ans. Mais aussi que deux tiers de ces crédits hypothécaires suspendus concernent des familles avec deux emprunteurs (couple qui a acheté une maison, par exemple) et que la moitié de ces demandes sont liées à des crédits conclus après 2016. Avec, bien sûr, un grand point commun à tous ces ménages : le fait qu’ils ne sont pas fortunés, loin de là. Une des conditions fixées par le gouvernement et les banques pour pouvoir obtenir un report prévoit en effet que l’épargne du ménage doit être inférieure à 25.000 euros.

Le robinet reste ouvert

Parallèlement à ce moratoire sur les crédits existants, un régime de garantie a également été activé pour tous les nouveaux crédits accordés aux entreprises d’une durée maximale de 12 mois. Résultat ? Les premiers chiffres montrent qu’en avril, les banques ont accordé 20.800 nouveaux crédits aux entreprises (avec et sans garantie de l’Etat) pour un montant de 4,5 milliards d’euros. Près de 18.000 crédits ont ainsi été accordés aux PME (y compris les indépendants) et 2.898 nouveaux crédits aux grandes entreprises.

Ces chiffres, qui concernent donc les crédits avec et sans garantie de l’Etat, montrent que le robinet du crédit pour les petites et grandes entreprises reste ouvert même en cette période de crise et que ” les banques ont aidé de nombreux entrepreneurs à garder la tête hors de l’eau “, fait valoir Febelfin, soulignant par ailleurs que le degré d’approbation historique d’environ 95 % continue de s’appliquer dans les conditions actuelles de la crise, même si certains se plaignent de ne pas être aidés par leur banquier. Sans oublier aussi que toute une série d’entreprises n’ont peut-être pas appelé leur banquier parce qu’elles avaient besoin de crédit sur des durées plus longues.

“Les banques ont le droit de dire non”

Qui sont les clients
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” Les entreprises (indépendants, PME, grandes entreprises mais aussi ASBL) qui se voient aujourd’hui refuser un crédit dans le cadre du dispositif de soutien des banques pour surmonter la crise sont celles qui sont en difficulté depuis un certain temps, souligne l’avocat spécialisé en droit bancaire et ancien bâtonnier de Bruxelles, Jean-Pierre Buyle. Contrairement à ce qui est prévu dans d’autres pays, comme la France, le gouvernement n’a pas voulu que de nouveaux crédits soient octroyés aux entreprises en difficulté qui ont des problèmes de solvabilité. C’est une particularité belge qui est clairement indiquée dans la loi (arrêté royal du 14 avril dernier). Seules les entreprises non financières qui montrent patte blanche, c’est-à-dire qui étaient saines et viables avant la crise, ont accès à ces crédits d’une durée maximale d’un an assortis de la garantie de l’Etat. Les banques ont été invitées à maintenir des pratiques de crédits elles aussi saines. Elles conservent leur liberté en matière d’appréciation des capacités de remboursement de l’emprunteur et celle-ci est totale. Les banques sont seules juges dans l’appréciation du risque et elles ont le droit de dire non. La nouvelle loi n’instaure pas de droit au crédit, droit qui n’a d’ailleurs jamais existé dans la législation belge contrairement au droit d’avoir un compte bancaire pour le consommateur. Ceux qui critiquent le fait que les banques n’aident pas toutes les entreprises via le mécanisme des nouveaux crédits avec garantie de l’Etat oublient que c’est le gouvernement qui a voulu que toutes les entreprises ne soient pas sauvées. D’abord pour se protéger lui-même, et ensuite pour ne pas mettre le secteur financier en péril à terme. ”

31 milliards d’euros

Le montant de l’encours des crédits concernés par les reports de paiement.

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