Les leçons d’économie d’un raider sans complexe

Malgré les difficultés de son groupe, Louis Petiet, président de BKC, a le temps de donner des leçons sur sa stratégie de reprise d’entreprises en difficulté. Devant un parterre d’étudiants de l’Institut supérieur de gestion à Paris, il confie ses méthodes de réussite. Extraits détonants !

Tous les mois ou presque, Louis Petiet, président de Bernard Krief Consulting, fait parler de lui. La semaine dernière encore, ce sont les commissaires aux comptes de l’entreprise qui ont lancé une procédure d’alerte sur Krief Group. Fin 2009, pourtant, certains voyaient en ce nouveau défenseur de l’industrie française le sauveur des PME en difficulté. Multipliant les rachats dans tous les secteurs, l’entreprise avait même été choisie pour reprendre l’emblématique constructeur et équipementier automobile Heuliez. Un acte manqué, Louis Petiet n’ayant jamais apporté les 16 millions d’euros de fonds propres promis à la barre du tribunal de commerce.

Ceci aurait pu être vite oublié si, parallèlement, l’entreprise n’était pas en train de multiplier les bavures. Actuellement, elle doit affronter la liquidation de plusieurs de ses entreprises et filiales, comme la chaîne de magasins spécialisés dans les gadgets Soho, et l’industriel Isotherma au Havre. Sa mine d’or, l’ex-DMC, fait aussi l’objet d’une procédure en justice, pour non-apport des fonds promis au moment de la reprise. De quoi semer un peu plus le doute sur la stratégie révolutionnaire du dirigeant.

En mars dernier, Louis Petiet donnait pourtant une leçon de business à des étudiants de l’Institut supérieur de gestion (ISG). Des images retrouvées par L’Expansion.com. Il y confie ses recettes miracle.

Acheter des “groupes industriels pourris”…

“Plutôt que d’imiter les autres, on fait l’inverse. Je n’industrialise pas du service, comme font les Anglo-Saxons, J’aide à tertiariser de l’industrie. Prendre des groupes industriels pourris, si possible pourris, parce qu’on ne les paie pas. Ne pas payer, c’est le seul moyen de ne pas les surpayer. Et les réorganiser en société de services autour de la valeur ajoutée.”

En guise d’illustration, Louis Petiet prend justement l’exemple Heuliez : “Contre un chèque de banque de 30.000 euros, on me donne des actifs pour 150 millions d’euros !” Néanmoins, dans ce type d’affaires, mieux vaut être un fin stratège : “C’est très bien de dire qu’on a pas d’argent. Cela me permet de faire des restructurations merveilleuses…”

Faire de la valeur ajoutée…

C’est son leitmotiv. Pour le président de BKC, seule compte la valeur ajoutée. Et pour en faire, rien de plus simple. Par exemple, un fil de couture (référence à DMC) coûte bien moins d’un euro. Selon Louis Petiet, “qui aime broder veut le fil parfait. Et comme cela plaît, on ne vend pas la petite bobette à un euro. On a inventé le conditionnement, la caisse en acajou à 1.000 dollars. Pour la petite vieille qui a son anniversaire aux Etats-Unis, la grand-tante, la grand-mère, on refourgue la cassette à 1.000 dollars. C’est que de la marge ! Il vaut rien, le fil.”

Pour lui, la clé du succès consiste à créer de la marge à chaque échelon de l’activité : dans la recherche et développement, le conseil, le supply chain, la distribution, la production, ou encore les points de vente. “Les trucs pourris, les cuisinistes, les vendeurs de canapé, je les garde. Tous les mois, je paie 800 hôtesses de ventes.”

Ecraser tout ce qui ressemble à une charge fixe…

Pour autant, la stratégie première du groupe reste celle du low-cost. Pour ce faire, une seule solution : “Ecraser tout ce qui ressemble à une charge fixe au profit de l’automatisation. C’est ce qu’ont réussit à faire l’Inde et la Chine, contrairement à l’image qu’on a des ouvrières qui bossent dans le sous-sol. Ces usines, si elles emploient 2.000 ou 3.000 personnes, c’est pour balayer les sols ou avoir la paix sociale.”

Supprimer les “glandos”…

Les gros salaires sont les premiers visés. “Les glandos qui prenaient un salaire de dingue, je les fous dehors !” Le patron fait la chasse aux frais en tous genres. Il a même la recette parfaite : “Je mets les dirigeants dans un bocal au milieu de l’usine et je peux vous assurer que la productivité n’est plus la même. Plus personne n’est derrière la machine à café.”

Avoir recours à d’anciens directeurs généraux “qui ne coûtent rien”…

“Dans les usines, je mets des consultants très expérimentés. Un réseau de plus de 3.000 consultants dans le monde, anciens directeurs généraux de grands groupes, qui ne coûtent rien car ils sont ravis d’avoir une deuxième vie. Je les traite en charges variables avec des honoraires symboliques, qui permettent d’avoir un fonds de caisse pour payer leurs faux frais. Et au lieu de s’emmerder chez eux avec bobonne, ils sont ravis d’aller faire une mission de l’autre côté de la terre.”

Etre “mondialisable”…

“L’entreprise en soi, on s’en fout ; par contre, je ne sais pas vendre dans le monde un nom inconnu”, explique celui qui a échoué à reprendre Heuliez. Quelques minutes auparavant, il proclamait face caméra qu’il ne connaissait pas le nom de l’équipementier automobile un mois avant de s’en porter acquéreur…

Julie de la Brosse, L’Expansion.com

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