L’Europe plutôt que les Etats-Unis

Alors que le débat politique autour du plafond de la dette crée le malaise sur les marchés financiers et que la nomination de Janet Yellen au poste de présidente de la Fed apaise quelque peu les esprits, une nouvelle saison de résultats s’annonce.

Aux Etats-Unis surtout, les entreprises sont confrontées à une tâche ardue : satisfaire les analystes et les investisseurs. Le rapport cours/bénéfice de 16 est souvent évoqué pour affirmer que Wall Street est bon marché, mais on y opposera que les excès qui marquent l’année 2013 ne se concentrent pas au niveau des valorisations mais des bénéfices rapportés. Outre-Atlantique, ces bénéfices représentent, pour la première fois de l’histoire, plus de 10% du PIB du pays, contre une moyenne historique de 6%.

Malgré les bénéfices record, les investisseurs en veulent encore davantage. Dans quelle mesure leurs attentes sont-elles réalistes ? Pour certains, la situation est différente cette fois, et les bénéfices d’entreprises élevés sont une nouvelle donnée structurelle. Depuis les années 80, les bénéfices suivent une orientation haussière, notamment parce que les salariés ont perdu de leur pouvoir de négociation en raison de la concurrence avec la main-d’oeuvre bon marché des pays émergents, et doivent donc se contenter de salaires inférieurs. Pour d’autres, ces bénéfices plantureux ne sont qu’un phénomène temporaire, et un retour aux moyennes historiques est inévitable.

L’équation de Kalecki

Pour séparer le bon grain de l’ivraie, nous évoquerons la comparaison bénéficiaire établie par l’économiste polonais Michal Kalecki. Ce dernier a réalisé cette comparaison sur la base de calculs macroéconomiques dont nous vous épargnerons les détails. Retenez seulement que selon la comptabilité macroéconomique, il est une vérité impossible à démentir : les profits des entreprises représentent la somme des investissements et du déficit public, dont il faut déduire l’épargne des ménages (ou le solde des comptes courants) et ajouter les dividendes (le tout exprimé en pourcentage du PIB). Cette formule ne semble pas intuitive, pourtant elle l’est.

Plus les investissements des entreprises sont lourds, par exemple, plus leurs dépenses sont élevées et partant les bénéfices. De même, plus la dette est importante et plus le taux d’épargne est faible, plus les dépenses et les bénéfices sont abondants. Les dividendes sont une autre forme de revenus et encouragent donc à ce titre les dépenses. Cette formule inspire également nos spécialistes : Patrick Vermeulen de JPMorgan Asset Management a encore présenté Kalecki lors de la conférence de la VFB (association des investisseurs flamands).

Appliquée aux Etats-Unis, cette comparaison permet de démontrer que les bénéfices élevés des entreprises jusqu’à la crise de 2008 étaient surtout attribuables à des investissements considérables, qui constituent à leur tour la principale source historique des bénéfices. Depuis 2008 cependant, les déficits publics en hausse donnent lieu à une augmentation des bénéfices des entreprises. Pour l’heure, l’effet négatif du déficit public américain est encore compensé par la hausse des investissements et la baisse du déficit des comptes courants. Mais cette situation ne devrait pas perdurer. Un repli ultérieur du déficit public mènera dès lors très probablement à une baisse des bénéfices. Ceci implique que, sur la base des valorisations et profits actuels, le return potentiel de Wall Street ne sera pas considérable au cours des années à venir. Les investisseurs pourront s’estimer heureux de percevoir un dividende. En Europe, le tableau est moins sombre. La politique budgétaire est moins restrictive et les investissements peuvent encore augmenter, tout comme l’épargne des ménages peut baisser, en tout cas si la crise de l’euro reste sous contrôle. En un mot comme en cent : les Bourses européennes doivent être préférées à leurs homologues américaines.

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