Investir dans l’intelligence artificielle

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Un bel avenir attend l’intelligence artificielle, c’est certain. ChatGPT a beau ne relever que d’un type bien précis d’intelligence artificielle, il a entraîné dans son sillage l’intégralité du spectre des intelligences artificielles, si bien que tout ce qui s’en approche de près ou de loin s’apprécie actuellement avec lui.

C’est le 30 novembre que l’entreprise technologique américaine OpenAI a révélé au monde l’existence de son chatbot ChatGPT. ChatGPT est une intelligence artificielle (IA) apte à générer, à partir de milliards de documents, des textes à la demande. Depuis, les médias tentent de cerner l’importance de cette invention. Selon certains, elle changera définitivement le monde, surtout dans des secteurs comme le droit, l’éducation, le marketing, le journalisme ou la médecine; pour d’autres, les choses n’iront jamais si loin.

L’annonce de l’arrivée du chatbot ne laisse pas non plus les marchés financiers indifférents. Les investisseurs se ruent désormais sur tout ce qui a trait à l’IA, faisant grimper en flèche toute une série d’actions. Le site d’information américain BuzzFeed a par exemple exprimé son intention d’utiliser l’IA pour générer des articles: le cours de son action a été multiplié par quatre, et est aujourd’hui encore deux fois plus élevé qu’en début d’année. Le cours de BigBear.ai, qui utilise l’IA pour optimiser divers processus opérationnels et gérer une série de risques, entre autres, s’est apprécié de plus de 700% depuis le début de l’année. Même chose chez C3.ai, fournisseur d’applications d’IA, dont le cours a augmenté de 140% sur cette période.

Les trackers sur l’IA évoluent évidemment dans le même sens. Le WisdomTree Artificial Intelligence ETF a gagné 22% en un peu plus d’un mois. De tels rendements, si rapides, attirent sans surprise attention et capitaux. Or les investisseurs se laissent aveugler par le court terme: BuzzFeed se négocie toujours à la moitié de la valeur atteinte il y a un an, et à 78% sous le cours qui était le sien le jour de son entrée en Bourse, en 2021. BigBear cote toujours à plus de 30% sous son prix d’introduction, en 2021 également, et C3.ai, à près de 80% sous le sien. Pros Holding est sur le marché depuis plus longtemps; entré en Bourse en 2007, cet acteur de niche a gagné 120% depuis, mais cédé 90% par rapport au cours record atteint en 2019.

Les actions du secteur évoluent comme toutes les actions à la mode, et comme l’ont fait celles des secteurs de l’hydrogène, du cannabis ou encore, des crypto-monnaies. Entre avril 2020 et janvier 2021, l’indice Solactive Hydrogen est passé de moins de 90 points à plus de 400 points. L’hydrogène était alors sur toutes les lèvres; la Commission européenne lançait sa stratégie de l’hydrogène et les entreprises énergétiques annonçaient pour des milliards de dollars d’investissements dans des projets liés à ce thème. Depuis, l’indice de l’hydrogène a chuté de 50%. Quant aux actions individuelles, elles avaient bondi vers des sommets plus élevés, avant de tomber plus bas encore.

Les actions du secteur du cannabis avaient atteint des hauteurs vertigineuses entre fin 2017 et début 2019, pour atterrir ensuite violemment. Les indices spécialisés s’échangent désormais à plus de 90% sous leurs niveaux records. Certaines actions individuelles ont même cédé 99%. Les investisseurs qui ont acheté à l’apogée de cet engouement en auront été pour leurs frais: pour compenser une perte de 90%, il faut réaliser 900% de rendement.

Le cycle du “hype”

ChatGPT relève d’un type précis d’IA: l’IA générative, ou à “mémoire limitée”, formée pour produire du contenu. Il existe également une IA réactive qui, comme son nom l’indique, réagit à certains stimuli. Les algorithmes de recommandation des sites web ou des services de streaming en sont un exemple. L’IA fondée sur la théorie de l’esprit et l’IA consciente sont plus complexes encore, mais elles n’en sont qu’à leurs balbutiements. Ceci étant, ChatGPT ayant entraîné dans son sillage l’intégralité du spectre des IA, tout ce qui s’en approche de près ou de loin s’apprécie actuellement avec lui.

Un bel avenir attend l’IA, c’est certain. D’après le cabinet McKinsey, 70% des entreprises utiliseront l’une ou l’autre forme d’IA d’ici à 2030. Reste que la notion est vaste et qu’il est impossible à ce stade de dire quelles formes d’IA, et moins encore quelles entreprises, seront dominantes d’ici là.

S’il y a un bon moment, dans le cycle, pour investir, c’est au stade de la désillusion et de l’aversion.

Tout cela n’empêche pas les investisseurs de vouloir surfer sur la vague, même si l’on sait qu’engouement et marchés boursiers font rarement bon ménage. En réalité, l’évolution est toujours la même: au début, tout le monde se rue sur la technologie, dont les cours évoluent avec le nombre de ses utilisateurs. A l’enthousiasme finit toutefois toujours par succéder une période de désillusion, voire d’aversion, alors même que les promesses fondamentales à long terme n’ont pas nécessairement été démenties. Vient ensuite une trajectoire ascendante plus lente, durant laquelle la technologie trouve, structurellement et par un jeu d’essais et d’erreurs, à s’appliquer au sein des entreprises et du grand public.

Erreurs et biais

Les erreurs de raisonnement, sur les marchés financiers, sont bien connues et répertoriées. Ainsi les investisseurs surestiment-ils généralement ce qu’un nouveau développement peut signifier pour les sociétés concernées à brève échéance, tout en sous-estimant son apport potentiel à long terme. En outre, l’humain est programmé pour agir, surtout en période de frénésie, une inclination que les Bourses n’apprécient pas toujours. Acheter des actions d’entreprises actives dans des niches dont on ne sait rien n’est pas la meilleure idée qui soit – mieux vaut, disons-le tout net, s’abstenir.

Le hype découle invariablement d’un comportement grégaire et d’une pensée collective, deux écueils typiques du monde des investissements. Du point de vue de l’évolution, ces réflexes ont permis à l’espèce humaine de survivre mais sur les marchés boursiers, ils font plus de mal que de bien. Enfin, le biais de récence incite l’investisseur à croire que le passé récent va se répéter, et à agir en conséquence. Dans le cas du battage dont ChatGPT fait l’objet, l’idée est que l’IA va désormais dominer tous les pans de l’économie, tant le chatbot fait parler de lui. Ainsi se créent les bulles sur les marchés boursiers.

Investir

Vous l’aurez compris: la phase actuelle du hype n’est pas la plus propice pour s’exposer. L’investisseur qui compte se lancer à terme tiendra compte des quelques règles empiriques et pistes exposées ci-après.

Premièrement, l’IA est une niche à laquelle il ne faut pas consacrer un pourcentage trop important du portefeuille, surtout si celui-ci est déjà investi dans d’autres actions de croissance ou de sociétés technologiques.

S’il y a un bon moment, dans le cycle, pour investir, c’est au stade de la désillusion et de l’aversion. Il faut en outre absolument opter pour un ETF ou un fonds largement diversifié – les chances qu’a le particulier de repérer les gagnants à long terme au sein des niches technologiques sont en effet très minces. Le WisdomTree Artificial Intelligence UCITS ETF (code ISIN IE00BDVPNG13) réplique l’évolution de l’indice Nasdaq CTA Artificial Intelligence. Il compte quelque 70 entreprises, dont certaines sont très spécialisées dans l’IA, comme Pros Holding ou C3.ai, mais aussi des valeurs technologiques reconnues, dont Apple, Atos ou Infineon.

La puissance de calcul peut être un angle d’attaque intéressant. Selon Microsoft, elle doit doubler tous les 3,5 mois pour permettre à l’évolution de l’IA de conserver le rythme actuellement atteint. Un phénomène dont profitent surtout les fabricants des puces et des processeurs qui assurent cette puissance de calcul. Nous parlons d’acteurs établis, comme Intel, AMD, Infineon ou Nvidia. Même Alphabet, la société mère de Google, fabrique un processeur, nommé Tensor, adapté aux applications d’IA.

Investir dans les grandes entreprises technologiques elles-mêmes est une autre façon encore de procéder. Pour ces sociétés, l’IA est une priorité absolue, à en juger par le nombre de fois où le sujet est abordé lors des réunions d’analystes. S’ils investissent massivement dans ce segment, ces groupes disposent par ailleurs d’un modèle opérationnel éprouvé et d’autres activités qui leur assurent d’abondants flux de trésorerie. Même pour ces conglomérats technologiques, l’IA est encore très loin d’être rentable; mais ces géants ont plus de chance de parvenir à intégrer sans s’écraser cette technologie dans leur modèle opérationnel, de la faire évoluer et d’en tirer profit, que n’en ont les investisseurs particuliers d’identifier, parmi la multitude de start-up cotées, les rares qui tireront leur épingle du jeu.

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