Les 5 valeurs boursières préférées de Laurence De Munter (SDM)
Comment se portent les transactions boursières en ces temps de crise économique ? On a interrogé Laurence De Munter, Investment Strategist au sein de banque privée SDM, sur ses valeurs préférées.
1. 7C Solarparken (objectif de cours : 5,6 euros)
L’entreprise allemande 7C Solarparken, bien que dirigée par une équipe belge, répond à la demande croissante d’énergie renouvelable. Ses projets sont répartis entre l’Allemagne (90 %) et la Belgique (10 %). La demande d’électricité renouvelable en Allemagne est élevée et continuera à croître fortement à l’avenir, en partie en raison de la sortie du nucléaire du pays. Mais la principale raison pour laquelle son CEO Steven De Proost se concentre sur l’Allemagne pour l’énergie solaire est le tarif minimum garanti par la Constitution. Même dans le cas improbable où le prix de l’énergie tomberait à zéro, 7C n’aurait qu’un impact limité sur son ebitda. En revanche, tout prix supérieur au tarif minimum est intéressant. Cela permet à 7C d’avoir un revenu prévisible élevé même si les prix de l’énergie fluctuent fortement.
2022 a été une année exceptionnelle pour 7C grâce à la combinaison d’un été exceptionnellement ensoleillé, de prix de l’énergie record en raison des sanctions contre la Russie et de la croissance de son portefeuille. L’ebitda est passé de 48,6 à 74,7 millions d’euros, mais le cours de l’action n’a augmenté que de 0,73 % en 2022. D’une part, le sentiment négatif des marchés boursiers et la hausse des taux d’intérêt ont joué un rôle en 2022. Prenons l’exemple de l’indice Euro Stoxx 600, qui a chuté de 18 % au cours de la même période.
D’autre part, les gouvernements allemand et belge ont introduit un plafond sur les tarifs de l’énergie. Cela n’a qu’un effet limité sur l’ebitda de 7C. Le plafonnement des prix sera par ailleurs aboli dès juin 2023 en Belgique. 7C a augmenté son dividende de 9 %, ce qui donne un rendement du dividende légèrement inférieur à 3 %. La société a également revu à la hausse ses prévisions de flux de trésorerie pour 2024. Son bilan est sain avec un ratio de fonds propres de 41 pour cent, ce qui est beaucoup plus élevé que ses concurrents. Pour financer de nouveaux projets, 7C fait appel à des augmentations de capital. Cela pourrait peser sur le cours de son action à court terme. D’autre part, la valorisation augmente avec la taille du portefeuille. En l’occurrence, 7C vise 1 gigawattpeak (GWp) d’ici 2030, soit plus du double de son portefeuille actuel.
Aujourd’hui, la valorisation de 7C est attrayante. Normalement, le cours de l’action et la capacité de production vont de pair, mais il existe aujourd’hui une décote intéressante. L’entreprise a de bons antécédents, avec une croissance solide et un flux de trésorerie important. Les analystes s’attendent à ce que le cours de l’action atteigne 5,67 euros dans les 12 prochains mois. Cela se traduit par un rendement potentiel de 48 %. En outre, il est possible que 7C devienne une cible d’acquisition pour les grands acteurs qui cherchent à développer leurs activités dans le domaine des énergies renouvelables.
2. Alphabet (objectif de cours : 130 dollars)
Alphabet se compose de plusieurs divisions, dont Google Search, sa plus grosse vache à lait. Google Search, qui représente 57 % du chiffre d’affaires, détient une part de marché vertigineuse de 85 %, contre 9 % pour Bing, le moteur de recherche de son grand rival Microsoft. Il n’est donc pas étonnant que Satya Nadella, le PDG de Microsoft, veuille d’urgence inverser la vapeur. Dans cette optique, Bing a lancé l’intégration de son chatbot à intelligence artificielle, ChatGPT. Google est aussi un champion de l’intelligence artificielle et y investit des milliards. Google Search prépare une contre-attaque avec sa propre version de robot conversationnel, Bard, qui sera bientôt lancée.
L’un de ses grands atouts pour l’avenir proche est Google Cloud, dont le chiffre d’affaires a augmenté de 37 % en 2022. Google y occupe la quatrième place après Amazon, Microsoft et Salesforce. Cette division est encore déficitaire aujourd’hui, mais le potentiel est grand, d’autant plus que l’intelligence artificielle avancée de Google peut y trouver diverses applications. C’est donc l’inverse qui se produit : Alphabet veut prendre des parts de marché à Microsoft.
YouTube est également un important moteur de revenus pour Alphabet, avec comme principaux concurrents TikTok et Netflix. Récemment, aux États-Unis, YouTube comptait plus de téléspectateurs que Netflix. Ses plans de croissance ne doivent pas être sous-estimés. Par exemple, le budget annuel de contenu de YouTube correspond aux grandes productions de Netflix. La société a signé un contrat de 14 milliards de dollars pour la diffusion en direct de matchs de football américain. L’une des options d’Alphabet est de se séparer de YouTube. Cela lui permettrait de mieux se concentrer sur son cœur de métier. Alphabet est également poursuivi par le ministère américain de la justice pour sa position monopolistique. Une cession de YouTube pourrait arranger les choses à ce niveau-là. Les recettes publicitaires de YouTube s’élèvent à environ 30 milliards de dollars, ce qui correspond à celles de Netflix. Mais ce chiffre ne tient pas compte des 25 millions d’abonnés premium de YouTube et des recettes télévisées. Sa valeur est probablement beaucoup plus élevée. En outre, Alphabet possède également Nest, Waze et Waymo, et ses véhicules à conduite autonome. Ces other bets (autres paris) y compris les applications dans le secteur de la santé, pourraient porter des fruits importants à l’avenir.
Après une année 2021 fantastique, 2022 a été une année plus difficile pour Alphabet, comme pour beaucoup d’autres entreprises technologiques. Le chiffre d’affaires a augmenté de 10 %, contre 41 % en 2021. Mais c’est surtout l’augmentation des coûts due à la hausse de l’inflation qui a fait chuter le bénéfice net de 27 %. En conséquence, le PDG Sundar Pichai a annoncé une restructuration en janvier. Ainsi, 12 000 emplois vont être supprimés. Alphabet prévoit aussi de réduire le nombre de ses bureaux. Les prévisions consensuelles pour les années à venir semblent déjà plus optimistes, avec une croissance continue du chiffre d’affaires et du bénéfice net.
La domination de Google sur l’internet, la forte croissance de ses services d’informatique dématérialisée et l’éventuelle introduction en bourse de YouTube rendent Alphabet intéressante. En outre, Alphabet dispose d’un programme de rachat d’actions de 70 milliards de dollars, dont 28 milliards sont encore en circulation. La valorisation d’Alphabet est donc attrayante aujourd’hui. Le ratio cours/bénéfice attendu pour 2023 est de 20, ce qui est nettement inférieur à la moyenne du Nasdaq, qui est de 27.
3. ASML (objectif de cours : 720 dollars)
Dans le secteur des semi-conducteurs, le géant néerlandais ASML fournit les machines de gravure de qualité EUV. Il est le seul à les fournir pour produire les puces les plus avancées (petites, rapides et économes en énergie). Malgré sa nature cyclique, la demande et les applications sont en plein essor. La tendance à la numérisation est globale : des réfrigérateurs intelligents aux applications directes de l’internet des objets, en passant par la 5G, l’intelligence artificielle, la robotisation, l’automatisation et l’informatique en nuage. On s’attend à ce que le secteur des semi-conducteurs double pour atteindre entre 1,1 et 1,3 billion d’euros d’ici 2030.
Depuis 2017, les ventes ont augmenté à un taux annuel moyen de 20 %, tandis que les bénéfices grimpent à 23 %. En termes de rendement des capitaux propres, on observe un pic soudain depuis 2021, il provient des rachats d’actions. Au cours d’une année où ASML a créé 10,4 milliards d’euros de liquidités, elle a racheté pour 8,5 milliards d’euros d’actions. La même tendance s’est poursuivie en 2022. Compte tenu du ratio d’endettement net toujours négatif et du carnet de commandes actuel de 40 milliards d’euros, cette décision de racheter des actions n’est pas vue d’un mauvais œil. Les excédents de trésorerie doivent bien servir à quelque chose.
Le carnet de commandes de 36 milliards d’euros rassure la plupart des investisseurs, car il équivaut plus ou moins à 2 fois le chiffre d’affaires net de 2022. Le délai de livraison de 18 à 24 mois, selon la machine, a valu à ASML des critiques dans le passé. Elle a réagi en embauchant massivement et en doublant ses effectifs depuis 2017, ce qui a eu le résultat escompté en améliorant les liquidités. La position dominante d’ASML dans le secteur en forte croissance des semi-conducteurs rend l’entreprise néerlandaise intéressante. De plus, l’entreprise gâte ses investisseurs grâce aux dividendes et à son programme de rachat d’actions.
4. Inditex (objectif de cours : 35 euros)
Inditex a été fondée en 1985 par Amancio Ortega. Seize ans plus tard, la chaîne espagnole d’habillement est entrée en bourse pour une valeur de 9 milliards d’euros. Présente sur 213 marchés, elle est aujourd’hui connue pour ses marques Zara, Massimo Dutti, Pull & Bear, Bershka, Stradivarius et Oysho. Aujourd’hui, la famille Ortega détient toujours la majorité des actions (65 %). Sa capitalisation boursière a atteint 95 milliards d’euros.
Inditex a obtenu d’excellents résultats en 2022. Le chiffre d’affaires a augmenté de 18 % pour atteindre un nouveau record de 32 milliards. Mais c’est surtout le bénéfice net qui a excellé, avec une hausse de 27 %. Inditex présente un bilan sain, avec une trésorerie de 10 milliards d’euros. L’entreprise prévoit également une croissance solide pour 2023. Par exemple, elle prévoit d’augmenter sa surface de vente de 3 % et une croissance plus rapide de ses ventes en ligne que de ses magasins physiques. Aujourd’hui, ses ventes ont augmenté de 15 % avec 20 % de magasins en moins qu’avant la pandémie de covid. Elle a également réussi à augmenter sa part de marché dans son pays d’origine, l’Espagne, un marché très concurrentiel.
Le monde de la mode est aujourd’hui encore très fragmenté. Inditex détient une forte part de marché en Espagne et au Portugal, mais la situation est différente aux États-Unis. Inditex y détient moins de 1 % de part de marché, alors que les États-Unis sont son deuxième plus grand marché de vente, avec environ 100 magasins. C’est pourquoi Inditex prévoit de se concentrer sur le continent américain au cours des trois prochaines années, où 30 projets sont en cours, allant de l’ouverture de nouveaux magasins à l’agrandissement des magasins existants.
Les ventes en ligne sont également une priorité pour Inditex, qui utilise ses magasins physiques pour la logistique. La forte intégration des magasins physiques et du commerce électronique constitue un avantage concurrentiel. L’ESG est également une thématique importante pour le groupe. Par exemple, toutes ses activités, des magasins aux plateformes logistiques, fonctionnent à l’énergie renouvelable. Au Royaume-Uni, Inditex a mis en place une plateforme de vente de vêtements d’occasion, qui est également en cours de déploiement en Allemagne et en France.
La société présente également un intérêt pour les investisseurs à la recherche d’un dividende stable. Sa politique en matière de dividendes consiste à distribuer 60 % de ses bénéfices chaque année. Le dividende de cette année a ainsi été augmenté de 29 %, ce qui donne un rendement de 3 %.
En résumé, sa structure actionnariale stable, sa forte croissance et son bilan sain font d’Inditex un investissement intéressant.
5. L’Oréal (objectif de cours : 450 euros)
Le groupe français de cosmétiques L’Oréal possède une série de marques haut de gamme dont la part de marché ne cesse de croître. Il dispose également d’un réseau de distribution mondial performant. Même dans les pays émergents, les consommateurs sont désormais adeptes de ses shampooings parfumés à l’abricot et au kiwi. La récente acquisition de l’australien Aesop, pour un montant de 2,5 milliards de dollars, est certes importante et coûteuse, mais elle renforce considérablement la part de marché de L’Oréal dans une Asie à la croissance et à la consommation plus rapides.
Cela se traduit par des indicateurs de qualité supérieurs tels que des marges élevées et stables, un bilan sain ainsi qu’une croissance du chiffre d’affaires, des bénéfices et du flux de trésorerie disponible. Le principal actionnaire est la famille Bettencourt, avec une participation de 34 %, suivie de Nestlé avec 20 %. Cela pourrait lui mettre des bâtons dans les roues à l’avenir, si la famille Bettencourt émettait le souhait de vendre l’entreprise. L’Oréal a acheté 4 % de Nestlé en 2021 à 400 euros par action, pour ensuite les détruire, ce qui a entraîné une croissance de 4 % du bénéfice par action. L’augmentation visible de la dette en 2021 a donc servi à financer la moitié de cet achat.
Enfin, il y a l’aspect de la durabilité, puisque L’Oréal a été la seule entreprise au monde à recevoir le meilleur score AAA de Sustainalytics pendant sept années consécutives, ce qui est considéré comme le graal pour les scores ESG.
Laurens Bouckaert
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