La grande mutation engendrée par les intelligences artificielles génératives

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Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

Déployée depuis pas mal d’années dans certaines entreprises, donc déjà utilisée parfois quotidiennement, l’intelligence artificielle a pris un nouveau tournant avec l’arrivée de modèles tels ceux derrière ChatGPT.

Si l’intelligence artificielle (IA) est aujourd’hui sur toutes les lèvres et dans tous les médias, c’est surtout pour évoquer ChatGPT et les différentes solutions d’IA “générative”. Leurs particularités? Se révéler capables de produire des données, du code, des images, du texte ou même des sons de manière autonome.

Ces systèmes sont souvent basés sur des réseaux de neurones profonds, entraînés sur de grandes quantités de données afin de pouvoir en générer de nouvelles ressemblant à celles précédemment intégrées. Un procédé qui permet à ces IA de créer des contenus correspondant aux attentes des utilisateurs de manière toujours plus bluffante. Demandez au logiciel Midjourney de concevoir une photo d’un homme en train de pêcher des cactus dans un lac en hiver et vous obtiendrez un résultat absolument surprenant. De même, ChatGPT peut rédiger de nombreux textes, produire des résumés ou même inventer des poèmes sur des thèmes demandés en intégrant des termes précis.

L’application qui bluffe tout le monde

L’impact de ces technologies va bien évidemment au-delà de la surprise d’obtenir, de la part d’un “robot”, des réponses détaillées, structurées et relativement pertinentes (quoique pas parfaites! ) à des demandes les plus diverses.

Ce type d’IA promet surtout de très fortement bousculer l’univers du travail. “C’est la plus grande révolution depuis l’apparition du web grand public en 1993, estimait récemment dans nos colonnes Laurent Alexandre, observateur avisé du monde de l’intelligence artificielle. Cela ne fait aucun doute, parce qu’une très large part de l’activité humaine, économique et de création est une production de contenus langagiers.”

Par ailleurs, ces IA ne se cantonnent généralement pas à la simple génération de contenus. Prenons ChatGPT: l’IA conçue par la firme OpenAI est également capable de traduire des textes, de les résumer. De même qu’elle peut, dans nombre de cas, aussi analyser et interpréter des contenus, voire apporter des conseils.

Et les experts d’imaginer tous les métiers qui pourront se révéler plus ou moins concernés par ces algorithmes de génération (et d’analyse) de contenus: copywriters, journalistes, spécialistes des agences de communication, médecin (pour traiter les dossiers médicaux). Comme à chaque évolution technologique, les plus pessimistes égrènent les métiers qu’ils voient totalement disparaître tandis que d’autres, moins fatalistes, retiennent d’abord l’aide que ces outils apporteront aux professionnels. Le venture partner spécialisé en innovations Roald Sieberath, par exemple, compare l’IA générative à un “exosquelette de la connaissance, permettant des gains de productivité”.

Aujourd’hui déjà, des agences de communication ou de marketing digital utilisent ChatGPT pour prémâcher la préparation de plans de stratégie, pour générer des propositions de posts (et leurs déclinaisons) sur les réseaux sociaux, etc. D’autres se servent de la même IA pour obtenir des bases de contrats qu’ils retravaillent et améliorent, des brouillons de communiqués de presse, etc.

La guerre des intelligences

Bien sûr, des réorganisations, des évolutions de postes seront forcément nécessaires… Mais peut-être pas de suite. Depuis pas mal d’années maintenant, on promet de solides révolutions business et sociétales dues à l’arrivée de l’IA, tuant comptables, médecins, etc. Mais jusqu’ici, il n’en a encore rien été.

“On s’est toujours trompé en matière de pronostics sur l’IA, à la hausse comme à la baisse, rappelle Laurent Alexandre. On a pensé que des métiers simples étaient totalement automatisables et que les voitures autonomes étaient au coin de la rue. Mais non. Quand on pense que les experts de ce qu’on appelle les grands modèles de langage (LLM, à la base des IA génératives) n’en ont vu le potentiel qu’au printemps 2022… Il y a juste un an! Cela montre bien la difficulté d’effectuer des prévisions. Et dans le cadre des IA génératives, on va immanquablement être confrontés à des erreurs massives d’évaluation.”

Les investisseurs se ruent sur l’IA générative et tous les portefeuilles semblent désormais se diriger vers ces technologies.

Toutes précautions prises, ces IA génératives affichent cependant des particularités susceptibles de rebattre de nombreuses cartes. Notamment grâce à leur capacité à appréhender des données moyennement structurées. Qu’est-ce à dire? Que les IA sont désormais en mesure d’effectuer bien plus de choses en même temps. Dans le domaine de la médecine, par exemple. “Jusqu’ici, on avait affaire à des IA verticales, par exemple spécialisées en analyse d’images en radiologie, explique Laurent Alexandre. Les grands modèles de langage qu’utilisent les IA génératives analysent, eux, tout le dossier. Alors qu’un radiologue ne regarde pas les critères biologiques, les LLM scrutent tout en simultané, avec une approche transversale. Et ceci est vrai dans de nombreux domaines et… dans toutes les langues.”

Les nouveaux espoirs… et le vrai futur

Résultat? Les investisseurs se ruent sur l’IA générative et tous les portefeuilles semblent désormais se diriger vers ces technologies. On sait que Microsoft a allongé 10 milliards pour entrer dans OpenAI. Mais les millions affluent dans pas mal d’autres jeunes pousses. Et tout récemment, PwC a annoncé son intention d’investir elle-même 1 milliard de dollars sur trois ans dans l’IA générative pour effectuer ou accélérer les tâches les plus chronophages de ses auditeurs.

“La supériorité des LLM est forte, enchérit Laurent Alexandre. Et le taux d’hallucinations (informations erronées, Ndlr) baisse vite: il ne serait plus que de 2% pour GPT-4, la dernière version de ChatGPT. On peut donc imaginer que d’ici quelques années, les IA génératives s’imposeront au point de faire partir à la poubelle 99% des développements dans l’IA non générative…”

Directeur de la recherche fondamentale en IA chez Meta, la maison mère de Facebook, Yann Le Cun se montre plus prudent sur les modèles derrière ChatGPT. Pour lui, ces IA sont entraînées à prédire le dernier mot d’une séquence. “Cela ne permet pas de créer des textes longs et cohérents et ne peut pas en faire une source d’information fiable. Ces modèles de langage auront une durée de vie très courte. D’ici cinq ans, plus personne n’en utilisera…”

L’homme travaille actuellement à “mettre au point des IA qui raisonnent et planifient en fonction d’objectifs donnés”. L’idée étant qu’elles soient capables de produire des textes longs et cohérents, mais aussi plus précis et plus fiables. Yann Le Cun veut notamment les entraîner sur d’autres sources que des textes et peut-être, à terme, obtenir qu’elles développent des émotions… Autant dire qu’il vaut mieux, d’ores et déjà, adopter et appréhender l’intelligence artificielle telle qu’elle est aujourd’hui… afin d’être prêt pour les étapes d’après.

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