Comment l’intelligence artificielle va doper votre productivité

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Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

ChatGPT et les autres formes d’intelligence artificielle (IA) suscitent beaucoup d’interrogations et de craintes quant à la survie de certains métiers. Aujourd’hui pourtant, les IA se présentent essentiellement comme des sources d’optimisation de diverses tâches. Voici huit exemples parmi une multitude d’autres, illustrant comment l’IA vous permettra d’être tout simplement plus productif.

Plus de 1.400 spécialistes mondiaux ont publié une lettre pour freiner les développements de l’intelligence artificielle (IA) et surtout de ChatGPT. Parmi eux, l’omniprésent Elon Musk et des pontes de certains géants de la tech. Depuis quelques mois, la question de l’intelligence artificielle (IA) et de ses solutions génératives de textes et d’images est de tous les commentaires.

Récemment, une photo générée par une intelligence artificielle (donc, un fake) du pape François en grosse doudoune a fait le tour du web et des médias. Elle a soulevé diverses questions, d’abord sur son authenticité, puis sur les moyens d’éviter ou de reconnaître ce type de “faux”, et enfin sur les dangers induits par ces créations artificielles et sur l’éthique nécessaire pour encadrer cette évolution. Des interrogations qui s’ajoutent aux grands débats en vigueur depuis plusieurs années à propos de l’impact réel de ces technologies sur les entreprises. D’un côté, ceux qui estiment que l’IA est une menace pour les emplois. De l’autre, ceux qui soutiennent qu’elle peut être un atout pour les travailleurs.

Dans le camp des pessimistes, on insiste sur le fait que puisqu’une IA est en mesure de réaliser des tâches humaines bien plus vite et parfois mieux que les humains eux-mêmes, de nombreux métiers passeront à la moulinette des algorithmes. Conséquence: ces derniers disparaîtront ou, au mieux, se raréfieront. Et les études sur le sujet sont nombreuses. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évaluait en 2018 à près de 14% le nombre d’emplois qui, dans les pays membres, pourraient être automatisés d’ici 2028. La même année, le consultant PwC prévoyait que 30% des emplois seraient exposés à un risque élevé d’automatisation. Des chiffres qui précédaient pourtant l’irruption des IA génératives…

Plus récemment, Goldman Sachs pointait le nombre de 300 millions d’emplois à temps plein menacés par des IA génératives en Europe et aux Etats-Unis. Les métiers les plus touchés? Ceux qui nécessitent des tâches répétitives et prévisibles: opérateurs de saisie de données, caissiers, agents de production en usine, assistants administratifs, opérateurs téléphoniques, etc. Mais d’autres fonctions pourraient être touchées: dans le secteur de la santé, de la justice ou de la finance.

Dans le clan des technophiles, on voit davantage la bouteille à moitié pleine, précisant combien l’émergence des intelligences artificielles générera de nouveaux métiers: ingénieurs en apprentissage automatique, développeurs de chatbots, conseillers en stratégie d’IA, architectes d’IA, éthiciens de l’IA…

L’intelligence artificielle constituera d’ailleurs aussi un atout pour les employés puisqu’elle leur permettra de gagner du temps en délaissant les tâches répétitives et à faible valeur ajoutée. L’entrepreneur tech Roald Sieberath, qui vient de lancer Foundational.AI pour accompagner les entreprises dans l’intégration d’IA, soutient ainsi que cette dernière se révélera très intéressante même pour des profils peu qualifiés: “Ils seront dotés d’une sorte d’exosquelette pour tâches mentales qui leur donnera des ‘super-pouvoirs’. Il leur facilitera la vie et leur permettra de réaliser des tâches qui ne pouvaient être exécutées jusque-là par des gens plus chers ou plus qualifiés”.

Même son de cloche chez Goldman Sachs qui affirme qu’une introduction généralisée de l’IA dans les entreprises pourrait fortement doper la productivité des employés, et donc des firmes elles-mêmes. Il faut dire que les systèmes d’intelligence artificielle peuvent être déployés dans une multitude de domaines et d’usages. Jugez plutôt.

1 Assistance virtuelle et relations clients

La gestion de la relation clients constitue un enjeu fondamental pour nombre d’entreprises. Aujourd’hui déjà, l’IA est de plus en plus utilisée pour répondre automatiquement aux demandes les plus courantes des clients via des chatbots ou des assistants virtuels. Jusqu’ici relativement basiques, ceux-ci permettent d’opérer un premier tri dans les demandes. Les employés peuvent donc se concentrer sur les requêtes les plus complexes et gagner du temps en évitant de devoir répondre aux demandes répétitives.

ALEXIS SAFARIKAS
ALEXIS SAFARIKAS © PG

ChatGPT constitue déjà un excellent outil de recherche de l’information en interne.” ALEXIS SAFARIKAS, CEO DE CAMPFIRE

L’arrivée des technologies de type ChatGPT devrait jouer un rôle déterminant dans l’efficacité de ces outils. Mais dans un premier temps, pas forcément comme on pourrait l’imaginer. “Laisser ChatGPT répondre directement au client extérieur serait encore un peu dangereux, souligne d’emblée Alexis Safarikas, CEO de Campfire.AI, start-up qui aide à implémenter de l’IA dans les entreprises. On n’est pas sûr qu’il donne la bonne information et dans un certain nombre de cas, il y a des questions de responsabilité. Par contre, ChatGPT constitue déjà un excellent outil de recherche de l’information en interne sur laquelle un opérateur humain peut se baser pour apporter les réponses.”

Brancher le robot conversationnel sur les données dispersées de l’entreprise permet en effet de puiser les infos dans des sources parfois très nombreuses et éclatées au sein des entreprises. Et donc de gagner pas mal de temps.

2 Aide à la décision

Prévision de la demande et gestion des stocks, analyse de données financières ou étude de marché et des nouvelles tendances: l’IA nourrie de multitudes de données peut se transformer en un copilote intéressant pour les patrons et les décideurs, peu importe leur niveau hiérarchique. Ainsi, l’IA peut être utilisée pour optimiser la chaîne d’approvisionnement en prévoyant les fluctuations de la demande, et donc en aidant les entreprises à ajuster les niveaux de stock en conséquence. Une entreprise de logistique utilisera, par exemple, l’IA pour prédire les volumes de colis et de marchandises transportés pendant une période donnée afin de planifier efficacement la disponibilité des véhicules et des conducteurs.

Des algorithmes seront également utilisés pour planifier les itinéraires les plus efficaces et minimiser les temps de trajet et les coûts de carburant. Mais l’aide à la décision peut toucher des tas d’autres domaines du business.

“Au sein de notre comité de direction et de notre conseil d’administration, ChatGPT est devenu un conseiller à part entière que nous interrogeons pour nos décisions stratégiques, admet sans encombre Matthieu Remy, CEO de la fintech easyvest. Personnellement, en tant que CEO – job où on se sent parfois seul – je converse régulièrement avec ChatGPT pour challenger mes doutes stratégiques. Il me fournit régulièrement un cadre de réflexion et des éléments pertinents que je n’avais pas considérés d’emblée.”

Les banques disposent déjà de nombreux robots d’aide à la décision. Par exemple dans le domaine des crédits hypothécaires. Et pas seulement pour l’analyse de dossiers. “Nous avons aussi un robot qui traite les demandes de suspension des crédits hypothécaires dans le cadre de notre crédit souple, glisse-t-on chez BNP Paribas Fortis. Cette possibilité permet d’alléger temporairement le remboursement si les crédités ont des difficultés financières. Avant la crise énergétique, le robot traitait environ 400 dossiers par mois. Mais lorsque le gouvernement a proposé en septembre 2022 un report de remboursement des prêts hypothécaires des ménages les plus touchés, nous avons adapté ce robot. Dans le mois, il a traité environ 2.000 dossiers par mois.”

3 Reconnaissance d’images et description de photos

Dans son domaine (exploration de la seconde main pour améliorer l’image RSE des marques), la solution d’intelligence artificielle mise en place par la start-up française Enhancy est particulièrement novatrice. “Dans notre secteur, l’enjeu de la création d’une fiche de vente illustrée d’une photo est important, détaille Alexandre Fristot, cofondateur. Car elle implique des coûts parfois supportés juste pour une seule pièce à mettre en vente.”

ALEXANDRE FRISTOT
ALEXANDRE FRISTOT © PG

En passant de 20 minutes à deux minutes pour digitaliser une pièce unique, nous optimisons les coûts opérationnels.” ALEXANDRE FRISTOT (ENHANCY)

Enhancy a donc développé une box studio qui photographie une pièce de vêtement, reconnaît ses attributs, décrit automatiquement sa fiche produit et la met en ligne en deux minutes. “Donc plus besoin d’expert photo, de copywriter, de merchandiser, précise Alexandre Fristot. En passant de 20 minutes à deux minutes pour digitaliser une pièce unique, nous optimisons les coûts opérationnels.” Une technologie qui pourrait, selon son initiateur, être déployée sur d’autres biens que des vêtements. Et potentiellement rendre des services à d’autres secteurs…

La détection d’images via la technologie du deep learning offre d’ailleurs des tas d’autres possibilités. Elle peut, par exemple, être utilisée comme système de contrôle de qualité dans le classement automatique des fruits et légumes sur base de leur couleur, de leur forme, etc.

Au début du mois de février, Colruyt a lancé un test dans certains magasins. Grâce à une intelligence artificielle, une caméra placée au-dessus de la caisse scanne les produits transférés d’un chariot à un autre par un opérateur. Ce dernier ne doit plus scanner manuellement chaque produit. Le système permettrait de reconnaître 85% des produits. Certes, ceux situés sous le chariot doivent encore être scannés manuellement et les fruits et légumes doivent encore être pesés. Néanmoins, ce procédé devrait permettre de faire gagner du temps aux caissiers, donc aux clients.

4 Assistance au recrutement

Les ressources humaines comptent parmi les créneaux où l’apport de l’intelligence artificielle s’est déjà largement développée avant même l’apparition de ChatGPT. Dans le recrutement tout d’abord. L’IA est en effet de plus en plus souvent utilisée pour automatiser les processus de sélection en recherchant et en analysant les profils des candidats et en fournissant des informations pertinentes sur leurs compétences et leur expérience. L’IA peut effectuer une première sélection parmi les C.V. Elle est capable de reconnaître les mots clés pertinents, de détecter les lacunes et de sélectionner les meilleurs candidats… qu’il ne reste plus qu’à inviter à un rendez-vous avec un responsable RH humain pour aller plus loin.

Un outil comme ChatGPT peut également aider certains à rédiger les contrats. Stéphane Biron est CEO de la Smile School, une école privée récemment ouverte à Mont-Saint-Guibert. “Quand on s’est lancé l’an passé, on a fait face à pas mal de paperasse: des contrats étudiants, des fiches de paye, un règlement de travail, etc., explique le responsable. Avec de bonnes requêtes, ChatGPT a préparé une base sur laquelle je me suis appuyé, que j’ai corrigée, et en 30 minutes, un contrat était rédigé.”

L’algorithme lui a permis de passer outre “l’angoisse de la page blanche”, résume-t-il. Le CEO précise toutefois que s’il peut procéder de la sorte, c’est parce que cette matière fait partie de ses domaines de compétences et qu’il connaît les requêtes et les points devant figurer dans ce type de contrat. Et même s’il fait relire ensuite les documents par un avocat, “le gain de temps est réel, tout comme l’économie sur les frais d’avocat qui n’a plus à tout écrire”.

5 Analyses et maintenance prédictive

Les entreprises et industries n’ont certes pas attendu l’émergence d’intelligences artificielles de bon niveau pour faire usage des innombrables données qu’elles sont en mesure de récolter. Depuis longtemps déjà, elles se sont appuyées sur le big data, notamment pour la surveillance de leurs machines de production ou pour l’analyse de comportements des clients.

Mais l’avènement d’IA plus sophistiquées offre des perspectives encore bien plus intéressantes. Dans l’industrie, par exemple, les données des capteurs des machines sont collectées en continu afin de surveiller les performances des équipements. Ces données sont analysées par des algorithmes d’IA pour détecter les signes avant-coureurs de problèmes, comme des changements dans les modèles de vibrations ou de température. Les informations issues de cette analyse sont utilisées pour planifier des activités de maintenance préventive, évitant ainsi des temps d’arrêt coûteux et des perturbations de la production.

C’est d’ailleurs dans ce créneau que se développe la star wallonne I-care dirigée par Fabrice Brion. Des études montrent que la maintenance prédictive peut réduire les coûts de maintenance jusqu’à 30%, augmenter la disponibilité des équipements jusqu’à 20%, et augmenter la production jusqu’à 25%…

6 Amélioration du SEO & “copywriting”

Les entreprises cherchent toujours à apparaître en haut des résultats de recherche Google sans dépenser beaucoup d’argent. Pour y parvenir, ce qu’on appelle le SEO (Search Engine Optimization) est essentiel. Le process se base essentiellement sur les contenus des sites et tient compte des titres, des textes, des mots clés, etc.

MAXIME HOUSIAUX
MAXIME HOUSIAUX © PG

Nous utilisons ChatGPT comme source d’inspiration. Il nous soumet parfois des idées auxquelles nous n’aurions pas pensé.” MAXIME HOUSIAUX (LOOK & FIN)

Mais ChatGPT peut être un excellent auxiliaire, offrant les mots clés les plus pertinents. D’autant que le robot peut aussi générer des titres ou des textes. “Nous l’utilisons de temps à autre, précise Maxime Housiaux, directeur marketing chez le spécialiste belge du crowdlending Look & Fin. Pour améliorer notre SEO, nous avons besoin que des sites nous mentionnent et fassent des liens vers notre plateforme. Nous le proposons notamment à des partenaires à qui nous fournissons des textes. Pour qu’ils parlent du même sujet mais avec une structure et un phrasé différents, nous soumettons d’abord nos textes à ChatGPT et lui demandons de paraphraser. Cela nous permet de générer des textes beaucoup plus vite, même s’il va de soi que les textes pondus par l’intelligence artificielle doivent être relus et vérifiés.”

Pour les textes publiés sur le site même de la start-up, le responsable marketing se montre toutefois plus frileux: “Nos propres textes doivent être beaucoup mieux pensés. Et puis, on se méfie du manque de sources: certaines parties de textes générées par ChatGPT ne sont-elles pas de purs plagiats de sites existants? On n’en sait rien. Par contre, nous utilisons ChatGPT comme source d’inspiration. Il peut non seulement nous aider pour identifier rapidement une bonne structure de texte mais en plus, nous soumet parfois des idées auxquelles on n’aurait pas pensé. Ce qui nous fait gagner un temps précieux.”

Gabriel Goldberg, business coach chez Beci, ne dit pas autre chose: “Le copywriter d’aujourd’hui va être amené à utiliser ChatGPT comme un outil lui permettant d’aller plus vite, de compléter des textes et les rendre plus crédibles, par exemple en livrant des études chiffrées qui appuient tel ou tel argument. Trouver des études via ChatGPT est bien plus facile et rapide que sur Google”.

7 Bureautique du futur

Des centaines de millions de personnes utilisent chaque jour les programmes de Microsoft 365: Word, Powerpoint, Excel… Les logiciels mis au point par la firme de Bill Gates constituent depuis des années des outils de productivité informatique.

En 2023, ils devraient être sous stéroïdes d’intelligence artificielle. En effet, le géant de l’informatique prévoit de lancer “Microsoft Copilot” qui permettra aux utilisateurs d’interagir avec leur ordinateur juste en utilisant le langage naturel pour lui demander de chercher des informations dans des documents, des e-mails et de les traiter. Par exemple, Copilot pourra créer la première trame d’un document Word ou d’une présentation PowerPoint à partir d’un document existant. Il pourra aussi “résumer de longs échanges d’e-mails ou rédiger des suggestions de réponses dans Outlook, synthétiser en temps réel les principaux points et actions à prendre d’une réunion Teams ou encore automatiser des tâches”, indique la firme de Redmond qui mise largement sur l’IA pour se différencier des autres géants de la tech et faire gagner du temps aux utilisateurs de ses logiciels.

Outre Microsoft, de nombreuses entreprises ont d’ailleurs déjà mis en place des solutions d’IA pour la gestion des e-mails. Quantité gigantesque de messages, nécessité de répondre et d’assurer les suivis: là aussi, l’intelligence artificielle peut jouer un rôle de facilitateur. L’IA est notamment utilisée pour classer automatiquement les e-mails reçus par les employés en les triant par ordre de priorité ou par catégories. Par ailleurs, l’IA peut également proposer des résumés d’e-mails, générer des (propositions de) réponses et, comme c’est le cas dans l’application Gmail de Google, par exemple, suggérer des relances à des e-mails auxquels il n’a pas encore été donné suite.

8 Codage accéléré

Du code qui génère du code. Voilà le fantasme que beaucoup auraient cru impossible voici encore quelques années. Et pourtant, aujourd’hui diverses solutions technologiques d’intelligence artificielle sont capables de générer du code à la demande, avec une précision toujours plus grande. Citons PolyCoder, CodeT5 ou OpenAI Codex.

MATTHIEU RÉMY
MATTHIEU RÉMY © PG

On a l’impression d’avoir doublé la taille de l’équipe IT et sa bande passante pour 0 euro de frais en plus.” MATTHIEU RÉMY CEO EASYVEST

Certaines sont même capables de générer du code sur base du langage naturel. “Dans notre département IT, nos programmeurs ne codent plus ex nihilo en partant d’une feuille blanche, précise Matthieu Rémy, CEO de la start-up easyvest. Ils expliquent d’abord à ChatGPT dans un langage humain la fonctionnalité de l’algorithme qu’ils souhaitent produire et dans quel langage informatique. ChatGPT sort ensuite le code complet de cet algorithme, et c’est franchement très qualitatif.”

Pour les codeurs, il est aussi possible de faire appel à l’IA afin d’identifier des problèmes de codes et des bugs potentiels. Bugs pour lesquels ces systèmes peuvent également proposer des corrections. “On a l’impression d’avoir doublé la taille de l’équipe IT et sa bande passante pour 0 euro de frais en plus, résume Matthieu Rémy. L’effet levier est tel que je ne devrais peut-être plus jamais engager de développeurs supplémentaires.”

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