ChatGPT au bureau : “L’IA ne rend pas la compétence humaine obsolète, elle la complète”
Dans un monde où l’intelligence artificielle (IA) devient omniprésente, il est essentiel de comprendre comment elle transforme notre quotidien professionnel. Ce dossier explore les témoignages de personnes qui intègrent chaque jour l’IA dans leur travail. En explorant ces témoignages, on découvre comment l’IA peut transformer notre manière de travailler, de penser et de collaborer. Diederick Legrain, son auteur formateur en IA, nous explique sa démarche.
L’IA est-elle déjà beaucoup utilisée dans les entreprises belges ?
Contrairement aux études récentes, comme celle de Deloitte, qui suggèrent que deux personnes sur trois utilisent des outils comme ChatGPT, mon expérience sur le terrain révèle une adoption beaucoup plus modeste. La plupart des gens n’ont pas la moindre idée de ce qu’une IA simple comme ChatGPT peut réaliser, même gratuitement. En réalité, peu de personnes utilisent ces outils de manière significative dans les entreprises. La plupart des employés se contentent d’utiliser ChatGPT pour des tâches simples comme rédiger un email ou trouver une recette, sans exploiter pleinement son potentiel.
L’un des principaux freins à l’adoption de l’IA est la peur.
Quels sont les profils des personnes que vous avez interviewées dans le cadre de ce dossier ?
L’éventail de profils est assez large, il va d’un patron de PME d’une centaine de personnes jusqu’à un tout petit indépendant qui vient de créer, en solo, sa première entreprise. Lors de mes formations, je prends le temps de leur montrer ce que l’IA peut réellement accomplir. Par exemple, en utilisant une simple photo d’un bon de commande, je démontre comment ChatGPT peut automatiser l’extraction des données et les organiser rapidement et efficacement dans un tableur Excel. Déjà là, les mâchoires tombent. Alors que pour moi, ce n’est que le début de tout ce qu’il y a moyen de faire avec ChatGPT. J’essaie ensuite d’aller le plus loin possible dans leur compréhension des IA génératives et comment les utiliser au mieux en interne.
Dans quel secteur est-elle utile ?
Les applications de l’IA sont vastes et variées, allant de l’automatisation des rapports de chantier de construction à la création d’assistants personnalisés pour des conseillers en morphologie, par exemple. Chaque secteur peut bénéficier de l’IA. Il est souvent surprenant de voir à quel point elle peut simplifier et améliorer des tâches quotidiennes.
Y-a-t-il encore des freins à l’utilisation de l’IA ?
Je remarque que l’un des principaux freins à l’adoption de l’IA est la peur. Beaucoup de travailleurs craignent que l’IA ne rende leur fonction obsolète. Pourtant, comme je le rappelle souvent, la compétence et la valeur ajoutée humaine ne disparaissent pas avec l’IA. Au contraire, l’intelligence artificielle peut compléter et enrichir notre travail. Il est crucial de redéfinir notre rôle et de trouver notre place dans un environnement où l’IA devient une co-intelligence, un partenaire au quotidien. On peut continuer à trouver notre place, même s’il y a des intelligences non humaines qui sont plus compétentes que nous, plus rapides que nous sur certaines tâches.
Il y a un chiffre noir dans les entreprises : on y trouve des champions de l’IA, mais ils ne le disent pas.
Vous insistez sur l’importance de la vérification de ce que l’IA produit
L’IA, bien que puissante, a encore besoin de l’humain pour être pleinement optimale. Elle excelle dans certaines tâches complexes, mais reste limitée dans d’autres, comme simplement compter le nombre de personnes sur une photo. Cette complémentarité entre l’humain et la machine est essentielle pour tirer le meilleur parti de l’IA. En tant qu’utilisateur, il est crucial de savoir quand et comment se reposer sur elle, et quand il est nécessaire de vérifier et de valider les informations qu’elle fournit. Il faut rester « the human in the loop » comme on dit dans le milieu, c’est-à-dire « l’humain dans la boucle ». Il faut vérifier en amont les données qu’on donne à l’IA, et les revérifier à la sortie. Ça, c’est vraiment primordial.
Comment intégrer au mieux l’IA en entreprise ?
L’intégration de l’IA en entreprise ne se limite pas à une simple formation IT. C’est une profonde transformation qui nécessite une réflexion stratégique et une sensibilisation à tous les niveaux de l’organisation. C’est là que se trouve la difficulté. Quand, en tant que dirigeant, on a compris l’impact de l’IA, le vrai défi est de diffuser cette compréhension et de la faire percoler dans l’ensemble de l’entreprise. Cela implique de repenser les processus, les compétences et les rôles au sein d’une organisation. Cela devrait être du ressort des services des ressources humaines plus que de l’IT selon moi.
Comment exploiter au mieux ce gain de temps offert aux employés par l’IA ?
Il y a un chiffre noir dans les entreprises : on y trouve des champions de l’IA, mais ils ne le disent pas. Un employé qui gagne un jour par semaine grâce à ChatGPT. Est-ce qu’il va venir voir son supérieur en lui disant : “Vous savez, maintenant, je ne travaille que 30 heures par semaine tout en produisant les mêmes résultats” ? Probablement pas, parce qu’il risquerait que son patron réagisse en le faisant passer à 4/5e temps, ou en lui donnant, au contraire, plus de travail.
Avant même d’en parler à ses équipes, un chef d’entreprise doit réfléchir à ce qu’il compte faire des gains de productivité ou de qualité offerts par l’IA. Offrir un meilleur service client ? Réduire ses coûts pour être plus compétitif sur le marché ? Imaginez qu’une personne gagne une demi-journée par semaine grâce à l’IA. Le vendredi, elle pourrait partir à midi un vendredi sur deux. L’autre vendredi, elle pourrait travailler sur des projets innovants pour l’entreprise, sans obligation de résultat. L’idée n’est pas de lui imposer un nouvel outil ou dossier à livrer à la fin du mois, mais de lui permettre d’expérimenter, d’apprendre, et même d’échouer.
ChatGPT au bureau
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