La Fédération des Banques Alimentaires s’inquiète de la diminution des dons de surplus alimentaires
A l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la pauvreté ce mardi 17 octobre, Jozef Mottar, Administrateur Délégué de La Fédération Belge des Banques Alimentaires, évoque les défis à venir alors que la précarité continue d’augmenter en Belgique et que les dons d’invendus alimentaires diminuent.
En Belgique, de plus en plus de personnes et de familles luttent au quotidien contre la pauvreté. 55% des ménages belges déclarent que leur revenu est tout juste suffisant pour s’en sortir. 16% des Belges sont dans le rouge à hauteur de 239 euros par mois tandis qu’une personne sur trois s’est vu contrainte de payer une facture en retard l’année dernière. La Fondation Pelicano qui lutte contre la pauvreté dénonçait récemment “les problèmes croissants de factures scolaires impayées pour les enfants de familles en difficulté“ en Belgique.
La pauvreté alimentaire en croissance
Dans ce contexte économique difficile marqué par l’augmentation des taux de chômage et l’inflation persistante, la pauvreté alimentaire est une préoccupation croissante dans notre pays. La forte augmentation des prix dans les supermarchés a poussé ces derniers mois de nombreux citoyens à frapper aux portes des banques alimentaires, pour certains, parfois pour la première fois.
Environ 210.000 personnes bénéficient actuellement des services de ces associations, soit une augmentation de 18,2 % par rapport à 2021. “C’est du jamais vu sur 30 ans”, explique à Trends Tendances Jozef Mottar, Administrateur Délégué de La Fédération Belge des Banques Alimentaires. “Il n’y a plus d’augmentation spectaculaire de nos bénéficiaires comme les années précédentes, mais la demande augmente encore de 5%, ce qui représente 10.000 personnes”.
Les profils des bénéficiaires ont aussi évolué. Depuis quelques années, il s’agissait principalement de familles monoparentale (une mère avec enfants), mais depuis 2 ans, de plus en plus de familles à deux revenus se tournent vers les banques alimentaires. “Dans certaines régions, on observe une pauvreté transgénérationnelle, mais heureusement il y a aussi des personnes qui sortent du système. Une rotation se crée”, commente Jozef Mottar.
Si le volume de dons par bénéficiaire diminue, mais que la demande augmente, la situation va s’empirer à l’avenir
Jozef Mottar, Administrateur Délégué de La Fédération Belge des Banques Alimentaires
Diminution de l’approvisionnement alimentaire
Phénomène nouveau depuis la crise : si la demande augmente, la collecte de nourriture n’a connu, de son côté, qu’une augmentation marginale, avec 23.036 tonnes collectées en 2022 contre 22.229 tonnes en 2021. L’industrie alimentaire et les grandes surfaces ont en effet de moins en moins de surplus à distribuer. Jozef Mottar explique: “Depuis la crise énergétique, l’industrie alimentaire travaille de façon plus efficace, davantage sur demande qu’avec des stocks. On le voit d’ailleurs dans les magasins; certains produits ne sont pas toujours disponibles, des rayons sont vides...Si le volume de dons par bénéficiaire diminue, mais que la demande augmente, la situation va s’empirer à l’avenir.”
En Belgique, le don alimentaire représente 60% de l’approvisionnement des structures de l’aide alimentaire. Autre association active dans l’aide alimentaire, Les Restos du Coeur disent aussi enregistrer une diminution des invendus reçus entre le 1er janvier et le 30 septembre 2023. La baisse est de l’ordre de 19% par rapport à la même période en 2022. L’association remarque également une augmentation significative de la demande de certains groupes (étudiants, retraités, familles monoparentales,…).
Le CEO de la Fédération des banques alimentaires évoque, par ailleurs, la compétition qui se crée quand il y a moins de produits disponibles. “Des acteurs comme Too Good To Go rachètent des surplus à prix bas pour les revendre au grand public avec une marge. C’est une concurrence néfaste pour nous car nous avons alors moins d’invendus à distribuer à nos bénéficiaires”, déplore-t-il.
Autre souci, financier cette fois: les banques alimentaires distribuent de nombreux produits achetés via un budget de l’Agence du fond social européen (FSE) pour compléter et équilibrer leur offre. Cependant, pour 2025, le budget sera amputé de 50%, ce qui va représenter une diminution du volume total des dons de 15 à 20%, s’inquiète le CEO de la fédération.
Pour son fonctionnement et sa logistique, la FBBA ne reçoit aucune subvention de l’Etat. “Nous vivons des dons du grand public à 85% et à 15% de ceux des institutions et des organisations. Nous commençons à voir une diminution des dons, elle n’est pas significative, mais la tendance est quand même là.”
“Eviter un désastre”
Jozef Mottar voit plusieurs pistes pour relever ces défis à venir, entre autres, faire pression sur les responsables politiques pour conserver la totalité du budget européen, ou encore, offrir des incitations fiscales aux supermarchés et à l’industrie alimentaire pour encourager les dons de surplus, comme c’est déjà le cas en France ou en Espagne. “Dans ces pays, l’industrie alimentaire bénéficie de plus d’avantages fiscaux, elle peut déduire une grande partie de la valeur des dons.” La troisième solution serait d’obtenir un budget structurel pour la Fédération. “Si la demande augmente encore, ce sera absolument nécessaire pour éviter un désastre”, alerte Jozef Mottar.
Kruidvat et Deliveroo unissent leurs forces contre la pauvreté
A l’occasion de la Journée Internationale contre la pauvreté ce 17 octobre, les Banques Alimentaires belges lancent un partenariat avec Kruidvat. La chaine de droguerie financera 5.000 bons de 25 euros destinés à l’achat de produits de soin. Les Banques Alimentaires belges se chargeront de distribuer les cartes aux organisations d’aide locales. “La pauvreté est un problème social important et nous voulons agir pour y remédier. Pour les personnes dans le besoin, des produits comme les serviettes hygiéniques, le dentifrice et les couches ne sont pas toujours considérés comme allant de soi”, déclare Bert Verhoef, directeur général de Kruidvat Belgium. “En raison notamment de l’augmentation de l’inflation et des coûts de l’énergie et du gaz, de plus en plus de personnes, en particulier des familles monoparentales avec enfants, ne peuvent plus subvenir à leurs besoins de base. En ce qui concerne les produits de première nécessité, ils indiquent un besoin particulier d’articles de droguerie tels que le gel douche, les produits menstruels, le détergent et les produits de soins pour bébés. Nous sommes donc très heureux que Kruidvat aide ces personnes avec l’introduction de la carte Santé & Beauté, juste au moment où les besoins sont si importants“, réagit Jozef Mottar, CEO de la Fédération des banques alimentaires.
Deliveroo Belgium veut aussi jouer un rôle central dans la lutte contre la pauvreté alimentaire. Le service ce livraison a également noué une collaboration avec la FBBA. Une nouvelle fonctionnalité “arrondir sa commande” est apparue dans son application. Elle permet aux clients de faire des dons directement aux banques alimentaires lors de leur commande de repas. L’action solidaire s’étalera sur un an.
Ce mardi, un accord de coopération sera également signé avec les Lions Belgique, dans lequel l’organisation s’engage à s’associer à la lutte contre la faim en Belgique aux côtés des Banques Alimentaires.
La FBBA en chiffres
9 banques alimentaires régionales
209.450 bénéficiaires en 2022
23.036 tonnes de nourriture collectées et distribuées gratuitement en 2022
676 associations locales affiliées
Des milliers de bénévoles
5 sources pour les dons: les surplus de l’industrie alimentaire, des supermarchés, des criées (fruits et légumes) ainsi que des produits achetés via le budget européen (FSE)
Une centaine d’entreprises donatrices
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