Le retour en grâce de la défense wallonne : Mecar, en pleine extension
Cet article intègre notre dossier sur « Le retour en grâce de la défense wallonne », qui parait dans le magazine Trends-Tendances, jeudi 14 mars 2024.
Situé aux abords du village de Petits-Roeulx-Lez-Nivelles, à la frontière entre le Hainaut et le Brabant wallon, le fabricant de munitions, né en 1938, revient d’une période compliquée. « Il est vrai que la période liée à la crise sanitaire n’a pas été simple à gérer », reconnait l’ancien CEO et désormais délégué-général de KNDS Belgium, Christophe Monnier. Ce nouveau nom qui sera bientôt officiel ne vient pas de nulle part. Il s’agit de celui de la maison mère franco-allemande. En effet, en 2014, Mecar a été racheté par Nexter, filiale de KNDS. Par la suite, Mecar a cumulé les pertes entre 2017 et 2020, réduisant ses effectifs de 334 à 251 personnes en 2021, année du retour à la croissance, selon les chiffres du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip).
Aujourd’hui, les affaires tournent beaucoup mieux. En 2023, Mecar a réalisé un chiffre d’Affaires de 80 millions d’euros, dont 10 millions de bénéfices. Le mois dernier, le fabricant de munitions et d’obus, a annoncé le recrutement de 100 personnes supplémentaires. Le fruit d’un gros contrat signé avec un nouveau client européen, dont l’identité n’est pas connue. Il porte sur la livraison, jusqu’à fin 2026, de 150.000 d’obus de mortiers de 120 mm, utilisés pour l’artillerie. Ce contrat mènera à un investissement de 5 millions d’euros pour augmenter les capacités du site. Un autre million sera ajouté par KNDS pour la recherche et le développement.
Mecar est réputé mondialement pour la fabrication de trois familles de munitions : les moyens calibres de 25 à 30 mm utilisés sur véhicules, des munitions pour chars, dont les 105 mm, utilisé par les chars Leopard de première génération, et enfin des munitions pour mortiers de 80 et 120 mm. Mais le site va développer prochainement sa production, avec des obus de 155 mm. Il s’agit du calibre des fameux canons Caesar. La ligne serait opérationnelle en 2025. Tant les obus de 105 mm que de 155 mm sont réclamés avec insistance par l’Ukraine.
En tout, Mecar voit arriver des nouveaux investissements à hauteur de 15 millions d’euros.
Un changement de paradigme
Le tableau dressé, on a voulu rencontrer Christophe Monnier sur le site. Passé les quelques portiques de sécurité et un test d’une dizaine de minutes, nous faisons face au délégué-général du groupe. Ne comptez pas sur lui pour faire des déclarations fracassantes, l’homme se concentre sur son rôle d’industriel.
Quand nous lui faisons remarquer que l’air du temps semble avoir changé, que l’industrie mal-aimée de la défense peut désormais s’affirmer, Christophe Monnier reste prudent : « En tant qu’industriel, on doit répondre à la demande qui est exprimée par les différents États, qui sont nos clients. Nous nous adaptons à la situation. Et effectivement, la demande est importante. Il y a un besoin d’apporter un support à l’Ukraine et un besoin de reconstituer les stocks. On s’adapte au contexte », répond-il sobrement. Mais ne sent-il pas un changement de paradigme ? « Alors oui, le monde politique semble avoir pris conscience de l’importance qu’il faut accorder à l’industrie de la défense. On n’est moins montrés du doigt, ce n’est pas forcément désagréable », sourit le Français, installé en Belgique depuis plus de 20 ans.
Mecar a essentiellement des clients européens. Dans cette perspective, le fonds de 100 milliards d’euros annoncé par Thierry Breton, commissaire européen en charge de l’industrie de défense, doit faire saliver Christophe Monnier. À nouveau, le directeur temporise : « On a les grandes lignes, mais aucun détail de ce grand plan. Il faudra voir comment vont se matérialiser ces grandes annonces. »
Au-delà des munitions
Mais l’heure est plutôt à l’optimisme sur le plan du développement de l’entreprise. Comme en témoigne une très probable extension des activités de Mecar sur son site wallon, au-delà des munitions. « Il est vrai que des discussions sont en cours. La Belgique est notamment un client important de KNDS dans le cadre du programme CaMo (capacité motorisée). Donc, nous réfléchissons à étendre notre activité non-munitionnaire ici, dans les savoirs-faire de KNDS : les systèmes, les véhicules, la robotique, etc. », nous précise Christophe Monnier. Et les choses pourraient se décider rapidement, dans les prochains mois. Ce qui porterait KNDS Belgium vers une autre dimension.
Et le délégué-général de conclure, sur le réveil de l’industrie wallonne : « Je pense que la Wallonie reste une terre d’industrie militaire. Avec un certain nombre d’acteurs phares comme la FN, Thales, Cockerill et nous. Chacune est reconnue internationalement pour ses compétences. Est-ce qu’il y a eu une perte de compétence ? Je ne pense pas. Sinon ces sociétés n’existeraient plus. »
Le retour en grâce de la défense wallonne
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