Bonnet d’âne pour la Belgique concernant ses dépenses militaires

La ministre de la Défense, Ludivine Dedonder (PS), a annoncé que la part consacrée à la défense atteindrait 1,24% du PIB. Comment ? Grâce à Euroclear, une clearing house basée en Belgique.
Baptiste Lambert

Le budget que la Belgique alloue à la défense était de 1,1 % du PIB en 2023. Bien en deçà de l’objectif de 2% fixé par les membres de l’Otan.

Pour être de bon compte : il ne s’agit pas d’une obligation. Les statuts de l’Alliance atlantique n’en font d’ailleurs pas mention. Cet objectif de 2% date en fait d’un précédent sommet, organisé en 2014 au Pays de Galles. Mais au vu du contexte géopolitique, cette recommandation a des airs d’exigence.

Avec 1,1% du PIB, notre pays se situe à l’avant-dernière place des membres européens de l’Otan. Seul le Luxembourg fait pire, avec 0,7%, mais lui n’accueille pas le siège de l’Alliance sur son sol. Parmi les meilleurs élèves, on retrouve logiquement les plus proches voisins du confit russo-ukrainien, soit la Pologne (3,9%), l’Estonie (2,7%), la Finlande et la Lituanie (2,5%). La Grèce, qui s’écharpe régulièrement en mer Egée avec la Turquie, accorde également un solide 3%, selon les derniers chiffres de l’institut allemand Ifo.

Cette année, la Belgique devrait faire un peu mieux, pour atteindre 1,24% du PIB.

Merci Euroclear

L’heure du réveil semble avoir sonné pour le Vieux Continent : parmi les 25 membres européens de l’Otan, à peine 10 pays respectent l’objectif des 2%. Cette année, la Belgique devrait faire un peu mieux. La ministre de la Défense, Ludivine Dedonder (PS), a annoncé que la part consacrée à la défense atteindrait 1,24% du PIB. Comment ? Grâce à Euroclear, une clearing house basée en Belgique.

Cette entreprise gère pour des milliers de milliards d’euros de transactions entrantes et sortantes chaque année. Actuellement, 191 milliards d’euros d’actifs russes y sont gelés, ce dont la Belgique tire un fameux bénéfice. On explique. En plaçant à peu de risque cette montagne d’argent russe, Euroclear en obtient des intérêts, que l’Etat belge récupère ensuite en partie via l’impôt des sociétés.

Il ne s’agit pas d’une broutille : on parle de 1,1 milliard d’euros en 2023 et probablement de 1,5 milliard en 2024. Cet argent, le gouvernement l’alloue directement à l’aide à l’Ukraine. L’astuce, c’est que cette aide est intégrée dans le budget de la Défense. Ce qui permet à la ministre d’annoncer cette augmentation de la part du PIB.

Les prochains objectifs de la Belgique sont connus : 1,57% d’ici à 2030, et les sacro-saints 2% en 2035. Le Premier ministre Alexander De Croo pousse, lui, pour 2029. Notre pays pourra-t-il toujours compter sur cette manne financière russe? Car la Commission européenne et les Etats membres lorgnent le magot. En effet, là où les autres capitales européennes puisent dans leur propre budget et donc dans les poches des contribuables, la Belgique accumule l’aide via les avoirs russes. Le sujet est sur la table de la Commission depuis un moment. Mais l’issue tarde à se dessiner. Malgré la pression des Etats-Unis, il n’est pas question de saisir les actifs gelés en tant que tels : cette piste comporte trop de risques financiers et diplomatiques, en plus de celui de décrédibiliser Euroclear sur le plan international. La Commission propose plutôt de récupérer les surprofits, en taxant par exemple les intérêts à 75 ou 100%, ce qui n’arrangerait pas les affaires de la Belgique. Notre pays a émis une autre idée : utiliser les 191 milliards d’euros comme garantie pour émettre des obligations. Mais selon nos informations, cette piste serait déjà abandonnée. L’heure tourne pour la Belgique.

Retrouvez l’ensemble des articles de notre dossier sur le retour en grâce de la défense wallonne

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