La réduction fiscale sur le bon d’État n’est-elle rien de plus qu’une lutte politique personnelle ?

Vincent Van Peteghem, ministre des Finances, et Alexander De Croo, Premier ministre. © Belga
Baptiste Lambert

Le débat fait rage au sein de la Vivaldi. Le gouvernement va-t-il accorder un précompte réduit au nouveau bon d’Etat à un an ? On ne connaîtra cette réponse que ce mercredi, soit le lendemain du début de l’émission de l’obligation par l’Agence fédérale de la dette. On marche sur la tête.

Le débat a d’abord été technique. Et il oppose le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (cd&v) à la secrétaire d’État Alexia Bertrand (Open Vld). Ce débat tourne autour de l’intérêt pour les finances belges d’emprunter à court terme, auprès des Belges, ou à long terme, sur les marchés. Il est alimenté par toute une série d’économistes qui donnent raison à l’un ou à l’autre.

On a pu assister à une véritable passe d’armes entre les deux membres de la Vivaldi. Sur VTM, dimanche, Van Peteghem s’est battu avec acharnement pour son bon d’État avec précompte réduit à 15%, plutôt que 30. “Ce serait irresponsable de ne pas le refaire”, a déclaré le vice-premier ministre du CD&V, qui se veut à nouveau le Robin des bois des épargnants, en réitérant le succès de son bon d’État du mois de septembre. Il accuse clairement Alexia Bertrand de se mettre du côté des banques et d’utiliser leurs arguments.

La secrétaire d’État a immédiatement répliqué sur LinkedIn. “Ce n’est pas du tout un jeu politique”, mais un “avis technique”, a-t-elle plaidé, alimentant son propos avec une série de chiffres sur les emprunts à court et long terme. Mais Van Peteghem n’en démord pas et a poussé pour que le sujet soit abordé lundi ou mardi en kern. Ce sera finalement mercredi, soit un jour après le début officiel de l’émission, ce qui apporte évidemment de la confusion pour l’épargnant : l’Agence fédérale de la dette ne pourra que communiquer un chiffre brut, pour le coupon.

Une bataille personnelle au plus haut niveau

Ce qu’il ressort en coulisses, c’est que le Premier ministre Alexander De Croo s’est personnellement montré réticent et a postposé le kern à ce mercredi. De cette manière, il n’a pas cédé à la pression de Van Peteghem, qui est accusé de mettre toute la Vivaldi devant le fait accompli, au dernier moment, alors que l’on savait dès le mois de décembre qu’une nouvelle émission aurait lieu.

Ce matin, sur Radio 1, Alexander De Croo s’est montré tout à fait explicite. Il ne veut pas d’un précompte réduit, car cela créerait une discrimination entre épargnants. “Il est tout de même étrange que le gouvernement accorde une réduction d’impôt sur son propre produit, alors que les épargnants qui ont un compte à terme auprès d’une banque paient le prix fort”, s’est justifié le libéral.

Il faut aussi noter que la vice-première ministre de Groen, Petra De Sutter, fait clairement partie des membres de la Vivaldi qui contestent le plus ce précompte réduit. L’argumentation de Groen a pu être entendue au Parlement, via la voix du député Dieter Van Besien, qui estime que la réduction fiscale est “un cadeau pour les riches épargnants”. Il est vrai que ceux qui ont l’épargne la plus solide peuvent profiter davantage du taux éventuellement très attractif du bon d’État.

Vincent Van Peteghem, Alexander De Croo et Petra De Sutter. Qu’ont ces trois personnalités politiques flamandes en commun ? Ils seront concurrents directs en Flandre orientale pour les prochaines élections à l’échelon fédéral. Soit les trois ténors de leur parti. Dans ces conditions, pas question de faire un nouveau cadeau électoral au démocrate-chrétien, tel est le raisonnement.

Van Peteghem de toute façon gagnant ?

Que le grand argentier se batte pour le bon d’État avec un tel acharnement est tout sauf un hasard. Et un lien peut ici être établi avec sa réforme fiscale, qui n’a finalement pas abouti. Pourquoi ? Parce qu’en se bâtant comme un lion pour celle-ci, Van Peteghem en avait récolté les fruits, en tout cas dans la perception de l’électeur. La même stratégie prévaut : même en cas d’échec du précompte réduit, le vice-premier ministre aura tout fait pour défendre l’épargnant.

De l’autre côté, Alexia Bertrand et Alexander De Croo prennent clairement des risques. Qui parmi les électeurs se rangera du côté “des méchants banquiers” ? Les derniers résultats des banques sont plantureux et elles n’ont que très peu bougé pour augmenter le taux d’épargne.

Autour de la table de la Vivaldi, le PS ne semble pas contre l’idée d’un précompte réduit, s’il reçoit en échange la fin de la prime de fidélité, une mesure que les socialistes jugent plus structurelle qu’un bon d’État instantané. Le même raisonnement vaut pour Ecolo. La clé pourrait être le MR : va-t-il se ranger du côté de l’Open Vld ? On tergiverse beaucoup chez les libéraux francophones. Voilà plusieurs jours que notre question à ce sujet est laissée en suspens…

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