Carles Puigdemont, ce faiseur de roi qui teste sans cesse les limites du système

Carles Puigdemont (Photo by Kenzo TRIBOUILLARD / AFP)
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’ancien président catalan, réfugié à Waterloo, pourrait déterminer le futur gouvernement espagnol. En échange d’une amnistie pour revenir en Espagne. Souvenirs d’échanges avec celui qui use toutes les ficelles pour déjouer l’oppression.

Carles Puigdemont, ancie président catalan en exil à Waterloo, est donc l’un des faiseurs de roi potentiel du futur gouvernement espagnol. Avec ses sept sièges, son parti, Junts per Catalunya, pourrait appuyer le Premier ministre sortant, Pedro Sanchez (PSOE) dans la composition d’une majorité avec la gauche radicale et les autres mouvements autonomistes basque et galicien.

Cela ne sera pas une sinécure pour le socialiste. Car les Catalans vont monnayer loudement leur participation éventuelle et leur appui sera perçu de façon douloureuse par une partie du peuple espagnol. Carles Puigdemont est ce président qui avait unilatéralement décrété l’indépendance de la Catalogne, après le référendum contesté du 1er octobre 2017. Avant de fuir à Bruxelles.

Depuis, ce natif de Gérone rêve de retourner dans son pays, l’Espagne – ou plutôt la Catalogne, selon lui. Toute son action depuis la maison de la Catalogne, qu’il a créée à Waterloo, et au parlement européen est orienté vers cet objectif. Carles Puigdemont rêve d’amnistie, lui qui pourrait subir une lourde peine de prison en cas d’arrestation par l’Espagne.

Un combat de tous les instants

C’était en 2018. Nous avions entamé une série de conversations dans le cadre d’un livre qui sera publié à la fin de l’année: “La Crise catalane” (éd. Racine). Carles Puigdemont s’absente quelques jours pour une conférence au Danemark. Il s’y rend en voiture. Au retour, en Allemagne, il est arrêté et envoyé à la prison de Neumünster. Avant d’être relâché, mais contraint d’attendre le verdict dans le pays. Il s’installe dans un appart-hôtel de Berlin: c’est là que nous terminerons les entretiens pour le livre.

Serein, l’homme laisse entendre que cette séquence n’est pas pour lui déplaire. Après la Belgique, l’Allemagne sera en effet le deuxième pays à réfuter les accusations de rébellion et de sédition figurant dans le mandat d’européen espagnol: tout simplement parce que ces notions n’existent pas dans la plupart des pays européens. Sa croisade pour tester les limites du système et démontrer “l’oppression de Madrid” est permanente.

Depuis, Carles Puigdemont a été élu au parlement européen et ne cesse de se battre pour continuer à bénéficier de l’immunité qui a été levée. Après avoir perdu un étape de ce combat, il va en appel. Lors de la formation du premier gouvernement Sanchez, les indépendatistes catalans avaient déjà obtenu la libération des membres du gouvernement Puigdemont enfemés au pays et la réforme du délit de sédition. La croisade contre le système se poursuit, minutieusement.

Non-violence et retour à Gérone

Carles Puigdemont a un modèle: Nelson Mandela. Et la conviction chevillée au coeur que ce combat doit être non-violent. Mais sa lutte est féroce, politiquement, il reste convaincu que l’Etat espagnol doit reconnaître le désir d’indépendance des Catalans et que ce besoin d’autonomie peut servir à réforme l’Europe dans le sens d’une démocratie plus forte. Même si ce discours, il le sait, est difficile à faire passer.

Je rêve de pouvoir retourner à Gérone pour profiter de l’endroit le plus cher à mes yeux en compagnie de ma femme et mes filles, nous disait-il en clôturant nos entretiens de 2018. Pour mener une vie n’ayant pas besoin de grandes ressources: l’amité, les produits de la terre, les paysages, le patrimoine, le climat, la musique et la culture… Voilà ce que je désire de ma vie. Malheureusement, ma situation n’est pas exactement celle que j’avais prévue. Mais je ne veux pas échapper à ma responsabilité pour vivre mieux.”

Symbole, malgré lui.

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