Voici la stratégie énergétique vertigineuse d’Engie pour la décarbonation à l’horizon 2050

Eolien construction
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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le géant français a présenté ce lundi une feuille de route qui se veut pragmatique. Toutes les filières seront mobilisées. Encore faut-il que le cap soit soutenable : risque de société fracturée, tensions avec la Chine…

C’est une première pour l’entreprise française, très présente en Belgique : Engie a présenté ce lundi matin à Paris sa stratégie énergétique pour une décarbonation de la société à l’horizon 2050. Cette transition, a insisté sa directrice générale Catherine MacGregor, ne pourra être réussie qu’avec une approche pragmatique. Traduisez, il ne peut en aucun cas être question de dogmatisme.

« La compétitivité et la robustesse sont les deux mots clé, insiste Catherine MacGregor. La compétitivité : il faut que les coûts de l’énergie pour les particuliers soient maîtrisés, mais aussi veiller au coût global de cette transition. En ce qui concerne la robustesse, nous devons faire face aux aléas physiques, climatiques et géopolitiques. Cela nous fait penser différemment la notion de souveraineté énergétique. Nous croyons à l’Europe de l’énergie ! »

La philosophie d’Engie se veut aussi pragmatique dans le sens où toutes les sources d’énergie renouvelable doivent être combinées pour atteindre l’objectif : éolien et photovoltaïque, hydrogène, biométhane, biomasse, stockage, efficacité énergétique… Le nucléaire n’aura toutefois été mentionné qu’à la marge : il ne fait plus partie de la stratégie d’avenir du groupe en France. En Belgique, les négociations avec l’Etat sont laborieuses sur la prolongation de deux réacteurs nucléaires.

Quatre fois plus d’efforts

L’accélération de la transition énergétique donne le vertige. La directrice générale d’Engie insiste sur le fait qu’il faudra quadrupler le rythme de la réduction des émissions de CO2 par an jusqu’en 2050 par rapport à la période 1990 – 2020. « Il n’y a pas de place pour l’idéologie » dans ce contexte, insiste-t-elle.

Le crédo d’Engie ? « Nous croyons en l’alliance de l’électron et de la molécule. » Sachant que la demande d’électricité va augmenter de 80% d’ici 2050, il s’agit de mettre la démultipliée sur l’éolien et le renouvelable : « Cela signifie concrètement que la production européenne d’électricité éolienne et solaire doit être multipliée par 3,5 d’ici 2035 et par 6 à l’horizon 2050. C’est considérable ! Le développement massif des énergies renouvelables est indispensable car elles seules peuvent sécuriser rapidement et à moindre coût les besoins grandissants liés à l’électrification des usages. « 

Etant donné le caractère intermittent de ces énergies, les capacités de flexibilité devront être multipliées par quatre : centrales thermiques décarbonnés, batteries… Le tout doit être couplé à une plus grande efficacité énergétique et un sobriété accrue, selon Engie : la demande en énergie devrait baisser de 34% d’ici 2050. Cela passera par une efficacité accrue : l’entreprise mise sur les transports, avant le bâtiment dans un second temps. « Mais on ne parle pas de décroissance, la population (12% et le PIB (1,5%) continueront de croître dans nos prévisions », précise Cathrine Mac Gregor.

En terme d’infrastructures, cela donne des chiffres vertigineux : on estime les besoins pour l’électrification à 40 milliards d’euros par an, au niveau européen! Auxquels s’ajoutent 6 milliards par an pour la conversion des infrastructures gazières.

Attention aux risques géopolitiques et sociaux

Engie intègre dans ses prévisions une série de stress tests – que se passera-t-il si on ne suit pas le tempo en matière de renouvelable, par exemple – et recommande que les règlementations européennes nécessaires soient revues à rythme très régulier. Pragmatisme, encore et toujours. L’entreprise reconnaît aussi l’importance des enjeux géopolitiques, notamment en cas de conflit avec la Chine.

Invité par l’entreprise à débattre de cette stratégie, l’eurodéputé français Pascal Canfin (Renaissance) précise, en outre : « Attention au risque de fragilisation de la société. Une révolution industrielle d’une telle ampleur, on peut la réussir en mettant tous les leviers ensemble. Mais on ne la réussira pas s’il n’y a pas de soutien social. Or, on sent déjà qu’il y a des backlashes au niveau de la population. »

La transition est un enjeu énergétique vertigineux. Ce sera, aussi, un défi politique hallucinant.

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